Quelle définition pour les structures d’accueil pour les animaux sauvages exotiques ?

Alors que le regard que les humains portent sur les autres animaux évolue petit à petit pour plus de considération et d’empathie, des industries traditionnelles du divertissement comme les cirques et les zoos sont de plus en plus remises en question. Ces remises en question peuvent conduire à des engagements politiques forts comme l’interdiction d’utiliser des animaux sauvages dans les spectacles itinérants, posant ainsi une question éthique, celle du devenir des animaux issus de ces divertissements.

C’est pour répondre à cette question que de plus en plus de structures s’ouvrent pour accueillir ces animaux. Sanctuaires ou refuges, ces établissements ont un succès grandissant et permettent une autre manière de concevoir la captivité pour les animaux sauvages.

Certains allant même dans des discours romantisés, les récits autour des animaux secourus tournent autour d’une vie avant/après sauvetage ou arrivée d’un animal. Cette mission de réhabilitation des animaux accueillis est essentielle au rôle des refuges ou sanctuaires qui permettent, dans une version idéale, à des animaux maltraités, traumatisés ou exploités de réapprendre à vivre selon des standards plus proches de ce que nous savons de leur milieu naturel : nourriture, groupes sociaux, etc.

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Quelques définitions pour commencer :

Ce que dit la loi française :

Avant la loi de novembre 2021, il n’existait pas de définition juridique dans le droit français sur ces notions de sanctuaires et de refuges concernant les animaux sauvages exotiques tenu en captivité.

Code Animal a travaillé avec les associations spécialisées dans ce domaine ainsi que les élus politiques afin d’inscrire véritablement ces structures dans la loi. Une définition générale a été reprise dans l’article 47 et doit être définie plus en détails par un décret d’application :

« Art. L. 413-1-1.-Un refuge ou sanctuaire pour animaux sauvages captifs est un établissement à but non lucratif accueillant des animaux d’espèces non domestiques, captifs ou ayant été captifs, ayant fait l’objet d’un acte de saisie ou de confiscation, trouvés abandonnés ou placés volontairement par leur propriétaire qui a souhaité s’en dessaisir.
« L’exploitant d’un refuge ou sanctuaire pour animaux sauvages captifs doit être titulaire du certificat de capacité prévu à l’article L. 413-2 pour une activité d’élevage des espèces animales présentes sur le site lorsqu’il n’y a pas de présentation au public. Dans l’hypothèse d’une présentation au public, le certificat pour cette activité est requis.
« L’établissement doit avoir fait l’objet d’une autorisation d’ouverture prévue à l’article L. 413-3.
« Au sein d’un refuge pour animaux sauvages captifs, les animaux doivent être entretenus dans des conditions d’élevage qui visent à satisfaire les besoins biologiques, la santé et l’expression des comportements naturels des différentes espèces en prévoyant, notamment, des aménagements, des équipements et des enclos adaptés à chaque espèce.
« Toute activité de vente, d’achat, de location ou de reproduction d’animaux est interdite.
« La présentation de numéros de dressage et tout contact direct entre le public et les animaux à l’initiative du visiteur ou du personnel du refuge ou du sanctuaire sont interdits.
« Le présent article s’applique sans préjudice des dispositions réglementaires relatives aux animaux d’espèces non domestiques.
« Les ministres chargés de l’environnement et de l’agriculture assurent l’exécution du présent article. »

Voici les définitions que Code Animal a travaillé :

Le sanctuaire apporte à ces animaux des soins tout au long de leur vie. Le sanctuaire s’inscrit dans le long terme et ne capitalise pas sur l’exploitation des animaux mais vise plutôt à créer de l’empathie et une considération morale envers les autres animaux.

Les refuges s’inscrivent, eux, sur le court-moyen termes. Il s’agit d’apporter des soins pour les animaux avant de les placer dans des structures adaptées pour qu’ils finissent leur vie ou de les relâcher dans la nature.

Un encadrement a été mis en place par le Global Federation of Animal Sanctuaries :

  • Les statuts doivent être à but non lucratif et non commercial.
  • Aucune reproduction en captivité.
  • Pas de commerce fait sur les animaux ou des parties d’animaux.
  • La présentation au public ne doit en aucun cas déranger la tranquillité de l’animal ou causer du stress. L’impact sur l’animal doit être minimisé. (à réfléchir: aucune sollicitation de l’animal).
  • Les animaux présents dans le sanctuaire ne doivent en aucun cas être exposés ou sortis de leur enclos/habitats pour des raisons autres que médicales.
  • Le public n’a en aucun cas un contact direct avec les animaux.
  • Les projets de recherches doivent être non invasifs et offrir un avantage pour la santé, le bien-être ou la conservation de l’animal ou sa population.

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En parallèle de ces bases, des « standards » ont été mis en place par la Fédération pour chaque espèce et précisent les points suivants :

  • Logement
  • Installations physiques et administratives
  • Besoins nutritionnels
  • Soins vétérinaires
  • Bien-être et manipulation
  • Équipes mises en place
  • Politiques de sécurité, protocoles et formations
  • Autorité gouvernante
  • Education et sensibilisation
  • Politiques d’acquisition et disposition
  • Contact avec le public et restrictions
  • Lâcher dans la nature
  • Bilans financiers

Ces standards ont été mis en place en collaboration avec des professionnels des animaux (vétérinaires, éthologues, etc.), des autorités officielles et des associations de défense et protection des animaux.

Le respect de l’intégrité de l’individu est également un point fondamental pour les structures d’accueil en répondant aux besoins des animaux et en plaçant leurs intérêts en premier. Certaines structures tentent d’offrir aux animaux qu’ils hébergent un environnement plus spacieux et plus enrichi que ce que l’on trouve dans des industries du divertissement et ils essaient de permettre aux animaux d’avoir des comportements inter-congénères et un degré d’indépendance plus grand.

Photo credit : Code Animal / Les Pisteurs – 2006

Quelles différences entre les zoos et les structures d’accueil ?

Contrairement aux zoos et aux cirques, les refuges et les sanctuaires ne mettent pas en avant le fait qu’ils recréent les milieux naturels mais au contraire qu’ils tentent d’offrir aux animaux captifs une meilleure expérience de vie.

Les sanctuaires mettent également en avant des individus propres plus que des animaux simples “représentants d’espèces”. Les animaux ont en effet des parcours de vie spécifiques qui définissent leur personnalité. Parfois ces animaux ont de graves problèmes de santé, dus par exemple à la captivité et aux conditions de détention non adaptées, ou arrivent vieux. Ces parcours peuvent entraîner des dépenses considérables pour soigner et héberger les animaux. Pour ces raisons, certaines structures ouvrent au public et permettent par exemple des visites guidées et commentées pour expliquer le passé de ces animaux. Les valeurs mises en avant sont toujours la non-exposition des animaux au public, la possibilité pour ces animaux de pouvoir être à l’abri du regard du public. Les visites ne doivent en aucun cas nuire aux animaux. Donc le contact à l’humain dans un sanctuaire, contrairement à dans les zoos, est non-invasif.

Photo credit : Code Animal / 269 Life France – 2020

Pourquoi est-ce important aujourd’hui de cadrer les choses ?

Parce que certains établissements profitent de la charge positive des termes refuges et sanctuaires pour obtenir l’aval des élus locaux, nationaux et de l’opinion publique et ainsi ouvrir leurs faux sanctuaires au public. Ces établissements produisent des animaux à la chaîne pour permettre, par exemple, au public de prendre des selfies, de faire des balades avec des bébés animaux ou encore ils perpétuent un marché légal ou non d’animaux sauvages pour les industries du divertissement ou pour les particuliers.

En France, les organisations Aves France et Four Paws ont parfaitement démontré cet exemple avec l’établissement Caresse de Tigre où pour 50€ le public pouvait prendre un selfie avec des bébés lions. D’autres établissements de ce type existent en France.

Certains zoos surfent également sur cette vague et promeuvent un certain greenwashing à leurs activités économiques. Cependant, ces établissements, contrairement aux refuges et sanctuaires comme nous l’entendons, ne font pas passer les intérêts des individus qu’ils détiennent en premier.

Les zoos restent des endroits où des gens payent pour voir des animaux sauvages malgré le fait que de nombreuses études scientifiques ont démontré que la proximité humain/animaux sauvages est une source de stress chez ces animaux (Larsen et al – 2014).

Photo credit : Code Animal

Les animaux captifs des zoos sont également forcés de se reproduire au moyen d’un contrôle humain sur le groupe social ou le partenaire ou bien même l’insémination artificielle. Même si l’argument des zoos est la conservation, en réalité peu de ces animaux finiront leur vie dans leur milieu naturel mais resteront bien captifs dans les zoos et exposés au regard du public, réduisant finalement ces individus à des réserves génétiques au détriment du respect de leurs besoins les plus fondamentaux. Cet argument de réservoir génétique peut également être remis en question en soulignant la consanguinité comme problème.

Enfin les zoos peuvent également abattre des animaux en pleine forme : abattage de gestion ou de confort. Selon l’Association des zoos européens, entre 3 000 et 5 000 animaux sont tués chaque année dans les zoos européens alors qu’ils sont en pleine forme.

Cependant, nous ne pouvons pas non plus passer sous silence le fait que certains zoos français et européens accueillent des animaux issus de sauvetage ou d’abandon. Même si ces animaux sont secourus par certains zoos, ils n’en sont pas moins soumis aux protocoles de gestion de population : exposition au public, transferts inter-zoos, et donc rupture des liens sociaux établis, reproduction potentiel avec une génétique inconnue.

Photo credit : Code Animal

L’éthique de la captivité dans les sanctuaires ?

Réintroduire les animaux issus de la captivité dans les milieux naturels est une tâche complexe et avec une probabilité de réussite faible dans la plupart des cas. La plupart des animaux nés par la main de l’humain n’ont pas la palette comportementale pour survivre dans le milieu naturel par exemple. Malheureusement la vie des animaux placés en sanctuaire se finira en captivité, ce qui est moralement problématique.

Même si les enclos sont aménagés du mieux possible, cela reste des enclos dans lesquels les animaux ne peuvent pas exprimer la pleine possibilité de leurs comportements, langage, culture.  Dans les sanctuaires et refuges, comme dans tout autre endroit où se trouve des animaux sauvages captifs, le moindre aspect de la vie d’un animal est soumis au contrôle et à la volonté de l’humain : où et dans quelles conditions ils vivent, quand et quoi manger, avec qui ils peuvent socialiser, etc. Les animaux sont donc toujours dépendants des humains et des enrichissements pour diminuer l’ennui. Il est également important que les animaux hébergés dans les sanctuaires puissent se réfugier dans des endroits de l’enclos où ils peuvent ne pas être vu du public par exemple. En effet, certains animaux souffrent du regard des humains et en sont traumatisés il est donc important que ces animaux puissent rester cachés au besoin.

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Au vu de ces considérations, il est fondamental que les refuges et sanctuaires ne reproduisent pas les animaux, ni n’achètent de nouveaux animaux pour peupler leur établissement. En effet, il existe un manque cruel de places en structure d’accueil pour les animaux abandonnés ou saisis et recueillis par les forces de l’ordre, les associations, etc. Il est donc crucial de laisser les places vides aux animaux dans le besoin et de ne pas les remplir avec des bébés animaux.

Ayant tout cela en tête, il parait cohérent de reconnaître que les structures d’accueil semblent la solution la moins mauvaise pour ces animaux sauvages et qu’il ne pourra jamais y avoir de vie confortable en captivité. C’est en ce sens que les structures d’accueil se doivent de rendre la vie des animaux qu’ils hébergent la plus confortable possible et de se concentrer sur les besoins, caractères et passés individuels.

Voir notre colloque à ce sujet

La vision du public ?

Loin de la vision de « reconnexion avec la nature » qui n’est en fait qu’un pâle simulacre de la réalité ou autre vision de la domination humaine sur les animaux et sur la nature qu’ils ont réussi à dompter, les valeurs promues dans les structures d’accueil se rapprochent plus de celles de l’empathie et de la bienveillance.

Comme nous l’avons vu ci-dessus, de plus en plus de personnes remettent en cause la captivité des animaux sauvages dans les divertissements, et peuvent être mal à l’aise avec cette vision.  Aller dans un refuge ou un sanctuaire en revanche semble une expérience perçue comme plus positive. En effet, la captivité semble plus bénéfique à ces animaux même s’ils sont toujours dans des enclos. Les missions de ces structures d’accueil sont de recueillir et répondre aux besoins des individus ayant une histoire parfois dramatique et individuelle. Ces missions peuvent parfois devenir une justification à la captivité. Il semble donc important que dans le discours pédagogique, la remise en question de la captivité et la place de ces animaux dans nos sociétés et modes de vie soient abordées. Les animaux sauvages sont des individus complexes avec des besoins sociaux, physiologiques et biologiques spécifiques auxquels ni les humains ni la captivité ne peuvent répondre. Il est donc important d’expliquer les éléments que nous avons des comportements des animaux en milieu naturel et de sensibiliser aux impacts réels des actions de l’humain sur ces milieux et comment notre consommation peut se révéler néfaste sur ces milieux et animaux.

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Conclusion

Les refuges et sanctuaires peuvent être un premier pas vers une reconsidération de nos relations avec les autres animaux parce que leurs missions incluent la restauration, la réconciliation et la restitution de ces individus après des passés parfois chaotiques. Cependant même si cela reste de la captivité, les structures d’accueil – lorsqu’elles sont sérieuses et qu’elles partagent les valeurs décrites ci-dessus – sont cependant la meilleure option pour ces animaux. Les sanctuaires et refuges ont un rôle fondamental dans la remise en question de cette captivité pour le divertissement dans des industries comme les zoos, les cirques ou la possession d’animaux chez des particuliers ainsi que l’implication des personnes qui perpétuent consciemment ou inconsciemment leur utilisation.

Alexandra Morette

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