Quelle définition au concept One Health/Une seule santé ?

Dans nos différents articles et posts sur les réseaux sociaux ou lors d’interventions dans les médias, nous abordons souvent la notion de « One Health, une seule santé » mais que signifie exactement cette expression ? Il s’agit en fait d’un concept complexe, nous allons tenter ici d’en faire une synthèse pour nous permettre de mieux en comprendre les grandes lignes.

Le concept

Ce concept a été remis en avant pendant la pandémie liée au virus Sars-CoV-2. En décembre 2021, les principaux organes internationaux (FAO, OIE, OMS et UNEP) se sont mis d’accord sur une définition commune de « One Health » :

Le principe « Une seule santé » consiste en une approche intégrée et unificatrice qui vise à équilibrer et à optimiser durablement la santé des personnes, des animaux et des écosystèmes.

Il reconnaît que la santé des humains, des animaux domestiques et sauvages, des plantes et de l’environnement en général (y compris des écosystèmes) est étroitement liée et interdépendante.

L’approche mobilise de multiples secteurs, disciplines et communautés à différents niveaux de la société pour travailler ensemble à améliorer le bien-être animal et à lutter contre les menaces pour la santé et les écosystèmes. Il s’agit également de répondre au besoin collectif en eau potable, en énergie propre, en air pur, et en aliments sûrs et nutritifs, de prendre des mesures contre le changement climatique et de contribuer au développement durable.

Ce travail avait déjà commencé en avril 2010, lorsque ces organismes (excepté le PNUE) avaient déclaré qu’il était primordial de mettre en place une collaboration internationale capable de prévenir, détecter, circonscrire, éliminer et répondre aux risques pour la santé animale et humaine attribuables aux zoonoses et aux maladies animales ayant un impact sur la sécurité sanitaire des aliments.

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Le contexte :

La crise sanitaire a finalement permis de mettre en lumière le lien entre la santé humaine, la santé animale et la santé de l’environnement dans lequel nous vivons mais également le fragile équilibre qui lie ces trois piliers. Lorsqu’il y a déséquilibre d’un des trois, les autres sont impactés. Rappelons que selon les dernières informations, la crise liée au Covid-19 a pour origine une zoonose (maladie animale transmissible à l’humain). Or, comme nous l’avons vu déjà dans notre synthèse du rapport de l’IPBES « l’ère des pandémies », 70% des maladies infectieuses ont été transmises à l’Homme par la faune sauvage et/ou le bétail, et 1,7 millions de virus actuellement non découverts seraient les hôtes de mammifères et d’oiseaux. Parmi ceux-ci, 540 000 à 850 000 pourraient infecter les humains.

De nombreuses pandémies, comme la covid-19, les virus Zika et Ebola, la grippe aviaire ou encore le Sida, ont pour origine le contact avec les animaux.

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Les activités humaines jouent un réel rôle facilitateur dans la propagation de ces maladies : perte massive de la biodiversité. La proportion des populations de vertébrés sauvages a diminué en moyenne de 68 % au cours des 50 dernières années, et l’abondance de nombreuses espèces d’insectes a diminué de plus de la moitié. Cela est principalement dû à la dégradation des écosystèmes à un rythme sans précédent, principalement par le changement d’affectation et l’exploitation des sols, le changement climatique, la pollution et les espèces exotiques envahissantes. Ces dernières sont considérées comme la 5ème menace pour la biodiversité, les données cumulées soulignent que les espèces dites invasives ont augmenté de 40% depuis 1980 et sont notamment associées au commerce international. Presqu’un cinquième de la surface de la terre est à risque.

Le changement climatique aggrave d’autres menaces pour la biodiversité, et de nombreuses espèces végétales et animales ont déjà connu des changements dans leurs aires de répartition, leur abondance et activités saisonnières.

Lire notre article à ce sujet

Les écosystèmes naturels ont été transformés par l’humain à un rythme accéléré depuis le milieu du XXe siècle. Seul un quart de l’habitat d’origine sur des terres libres de glace fonctionne toujours d’une manière presque naturelle. Une grande partie de cet habitat se trouve dans les zones sèches, froides ou montagneuses avec une faible densité de population humaine et comprend également les aires protégées qui couvrent 15 pour cent de la superficie totale des terres.

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Une vision globale et des actions pro-actives

Dans ce contexte, le concept de One Health encourage une vision plus globale et replace l’humain dans sa dépendance à son écosystème. Il incite ainsi à prendre en compte dans les décisions politiques tous les facteurs d’émergence des maladies et encourage une collaboration transdisciplinaire plus rapprochée des parties prenantes dans les secteurs de santé publique, animale et l’environnement. La collaboration doit également être internationale avec des échanges d’informations mais également du travail de recherche.

Cela nécessite, à notre sens, une transformation dans les formations des professionnels de santé afin d’y inclure ce point de vue plus global de la santé.

Le concept et le travail collaboratif permettraient ainsi de prévenir et d’anticiper d’avantage les maladies émergentes afin de détecter et gérer les futures crises en amont. Ainsi le lien entre acteurs scientifiques et acteurs politiques est-il indispensable.

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En France, c’est notamment l’ANSES qui travaille sur le concept One Health. Selon le site internet de l’organisme, nous pouvons lire les missions de recherche suivantes :

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Le conseil scientifique qui travaille sur la gestion de la crise de la covid19 a également émis un avis sur le concept One Health en date du 8 février 2022 (pages 21 et 22) et préconise notamment les actions suivantes :

  1. Mettre en place une plateforme interministérielle One Health ou une gouvernance interministérielle placée au plus haut niveau du gouvernement qui associerait différentes expertises scientifiques. Cette plateforme aurait pour rôle d’analyser et d’actualiser régulièrement les risques majeurs d’émergence de pathogènes dans l’environnement, chez les animaux ou chez l’homme et de les partager en toute transparence avec toutes les parties prenantes.
  2. Etablir une surveillance conjointe de la santé animale et de la santé humaine pour les zoonoses. Ceci impliquerait de renforcer l’implication du Ministère en charge de la santé et de Santé Publique France dans les plateformes d’épidémio-surveillance multiacteurs mises en place par le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation. La surveillance conjointe de virus émergents dans la population animale et humaine pourrait permettre d’anticiper une émergence chez l’homme, pour peu qu’on établisse à minima une liste de pathogènes à surveiller et qu’on mette en oeuvre des recherches rapidement chez l’homme et chez l’animal en cas de détection. A ce titre, des travaux ont déjà commencé avec la mise en place d’un groupe de travail, sous l’égide de l’ANRSMIE, multidisciplinaire du monde animal, environnement et humain pour établir une liste de pathogènes à potentiel épidémique.
  3. Renforcer le développement d’actions One Health entre les ministères en charge de la Santé, de l’Agriculture et de l’Environnement, leurs agences (en particulier Santé publique France et l’Anses) et les autorités régionales (ARS, DDPP, …) en favorisant les interactions opérationnelles avec les secteurs de la santé animale et de l’environnement, pour inclure le One Health dans une vision renouvelée de la Santé publique.

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       4. Favoriser le rapprochement des laboratoires de référence du ministère de la santé (CNR) et de l’agriculture et de l’alimentation (LNR) par des financements communs, voire une double tutelle.

  1. Identifier les déficits de surveillance des émergences à l’interface santé humaine – santé animale et redéfinir les responsabilités ministérielles : des pathogènes ou maladies d’intérêt de santé publique peuvent circuler dans les élevages ou chez les arthropodes vecteurs sans relever directement de la responsabilité du ministère de l’agriculture car non catégorisés (exemple du virus de l’influenza porcine, surveillance influenza aviaire H5N8 chez l’homme, du virus CCHF chez l’animal…). La responsabilité de surveillance et de la gestion de ces maladies doit être redéfinie.
  2. Mettre en oeuvre rapidement les moyens de la mobilisation des experts en santé animale et des experts en santé humaine dès le début des crises sanitaires.
  3. Impliquer l’hôpital, des infectiologues jusqu’aux réanimateurs, afin qu’ils puissent rapporter des évènements cliniques anormaux et sévères sans étiologie repérée (maladie X), en particulier si elle se révèle d’importation. Mobiliser les équipes de recherche hospitalières sur des diagnostics rapides et innovant des maladies infectieuses sévères d’origine indéterminée. Faciliter la remontée d’information rapide ainsi que le retour sur le suivi des cas pour avancer dans la démarche diagnostic.
  4. Lever les blocages administratifs pour la mobilisation des laboratoires de recherche et des laboratoires vétérinaires sur le diagnostic et le séquençage en temps de crise : faciliter pour ces laboratoires la préparation des échantillons par les CHU, leur inactivation, leur fourniture, faciliter également l’enregistrement des résultats et leur diffusion aux différents acteurs, notamment dans les territoires outre-mer où les capacités sont limitées.
  5. Favoriser les recherches à l’interface environnement/santé animale/santé humaine concernant les zoonoses en renforçant les collaborations entre institutions (ANSES/CIRAD/INRAE/INSERM/IRD/IP…) et les échanges de données et d’informations, notamment à travers l’ANRS MIE, une agence mise en place pour coordonner la recherche autour des maladies infectieuses émergentes. Cette vision intègre la nécessité d’une collaboration Nord-Sud.
  6. S’appuyer sur les réseaux partenariaux de recherche et implantations françaises dans les régions d’outre-mer et dans « les pays du Sud » pour que la France soit moteur pour l’Europe d’un recherche/surveillance intégrée One Health dans les zones d’émergence en favorisant les partenariats/études « Sud-Sud ».

« Sans stratégie préventive, les pandémies vont émerger plus souvent, se propager plus rapidement, tuer plus de gens et affecter l’économie mondiale avec des impacts dévastateurs sans précédent » (extrait du rapport de l’IPBES, Benjamin Roche, directeur de recherche à l’IRD et expert membre de l’IPBES).

Alexandra

Acronymes :

Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO),

Organisation mondiale de la santé animale (OIE)

Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE)

Organisation mondiale de la santé (OMS)

Sources :

https://www.who.int/fr/news/item/01-12-2021-tripartite-and-unep-support-ohhlep-s-definition-of-one-health?fbclid=IwAR3UCTXjwxgiLJcHcFeSnsXdn6vxNW-ul-aFE9nYsxtWvNmSjOIP6IcTd84

https://www.anses.fr/fr/glossaire/1774

https://www.oie.int/fr/ce-que-nous-faisons/initiatives-mondiales/une-seule-sante/

Contribution du Conseil scientifique COVID-19 (8 février 2022)

« ONE HEALTH » – UNE SEULE SANTE SANTE HUMAINE, ANIMALE, ENVIRONNEMENT :

LES LEÇONS DE LA CRISE (pdf)

Aller plus loin

https://www.code-animal.com/une-seule-espece-est-responsable-de-la-pandemie-du-covid-19-la-notre-le-rapport-choc-de-lipbes/

https://www.code-animal.com/blueprint-unep-2021-making-peace-with-nature-resume/

https://www.code-animal.com/pourquoi-le-coronavirus-ne-sera-certainement-pas-la-derniere-pandemie-mondiale/

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