Retour sur la CITES COP 19

La COP19 de la Cites, la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvage menacée, vient de se terminer ce vendredi 25 novembre au Panama. Pendant 10 jours, les 184 pays membres (appelés parties) se sont réunis pour examiner les progrès en termes de sauvegarde des espèces sauvages et des propositions pour renforcer cette protection.

En effet, à chaque COP de la CITES, les parties peuvent proposer d’ajouter des espèces aux annexes de la CITES pour garantir un commerce dit durable, proposer le retrait d’espèces des annexes de la CITES ou demander le déplacement d’une espèce entre les annexes I ou II. Chacun des 184 pays examine les propositions et décide s’il appuie la proposition, suggère des amendements ou s’y oppose. À la CITES COP19, il y a 52 propositions au total. Parmi ces propositions, 39 visent à augmenter la protection des espèces, 12 à la diminuer et 1 est neutre car il s’agit d’une proposition technique.

Les nouvelles espèces qui seront inscrites à la CITES et leur commerce international réglementé en conséquence, comprennent près de 100 espèces de requins et de raies, plus de 150 espèces d’arbres, 160 espèces d’amphibiens, dont des grenouilles tropicales, 50 espèces de tortues et tortues et plusieurs espèces d’oiseaux chanteurs. Toutes ces espèces ont vu leurs populations décliner ces dernières années.

Photo credit ; CITES

Voici les retours de cette COP :

  • Les requins-requiem de la famille Carcharhinidae, requins-marteaux de la famille Sphyrnidae.

Les espèces de cette famille ont vu leur protection étendue, elles ont été inscrites à l’Annexe II. Elles sont notamment menacées par le trafic d’ailerons, convoités pour confectionner des soupes en Asie. Un marché qui dépasse le demi-milliard de dollars par an selon le journal RFI.

  • Elephants (Loxodonta africana)

La proposition du Zimbabwe qui aurait pu ouvrir le commerce de l’ivoire et d’autres produits de l’éléphant d’Afrique a été catégoriquement rejetée (83 voix contre, 15 pour et 17 abstentions), maintenant ainsi les statuts de protection CITES actuelles pour les éléphants d’Afrique.

Les tentatives d’harmonisation de l’interdiction internationale du commerce des éléphants d’Afrique et de ses produits en renvoyant les populations d’Afrique du Sud, du Zimbabwe, du Botswana et de la Namibie à l’Annexe I de la CITES n’ont pas réussi à atteindre la majorité des deux tiers nécessaires. Selon Robin des Bois, « Actuellement, lorsque les éléphants ont le malheur de transiter par le Zimbabwe, le Botswana, l’Afrique du Sud ou la Namibie, ils sont à l’Annexe II. A noter que l’Union européenne et les Etats-Unis d’Amérique ont voté contre la volonté de la majorité des pays d’Afrique qui ont pris part au vote. La proposition a échoué par 59 voix contre, 44 pour et 13 abstentions. »

La proposition de Bénin, du Burkina Faso, de la Guinée Equatoriale, de l’Ethiopie, du Niger, du Togo, du Sénégal et de la Libéria visant à introduire une interdiction pure et simple de l’exportation d’éléphants d’Afrique vivants capturés dans la nature vers les zoos et autres installations captives n’a pas été adoptée. Ils proposent que ces captures soient uniquement limitées à des programmes de conservation in situ ou à des zones sécurisées dans la nature, dans l’aire de répartition naturelle et historique de l’espèce en Afrique.

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  • Hippopotame (Hippopotamus amphibius)

La proposition du Bénin, du Burkina Faso, de la République centrafricaine, du Gabon, de la Guinée, du Liberia, du Mali, du Niger, du Sénégal et du Togo, soutenus à la tribune par l’Ouganda, le Cameroun et Israël, de déplacer l’espèce de l’annexe II à l’annexe I a été remplacée par maintenir l’espèce à l’Annexe II tout en fixant à zéro les quotas d’exportation. Cette concession a tout de même été refusée par 56 voix pour, 56 voix contre et 13 abstentions. Selon Robin des Bois « Une abstention des 27 pays de l’UE aurait permis aux hippopotames de passer la barre. Soutenue par le Zimbabwe, l’Eswatini, l’Afrique du Sud, le Malawi et la Zambie, l’UE a fait une contre-proposition à tiroirs qui aurait posé des problèmes d’application aux douaniers et conduit les hippopotames dans la même impasse que les éléphants (quota zéro pour toute l’Afrique … sauf pour l’Afrique australe). La contre-proposition européenne de scission de l’espèce n’a heureusement pas été acceptée (58 pour, 51 contre et 14 abstentions). Il va falloir revenir à charge pour les hippos à la prochaine CITES. »

  • Rhinocéros

La proposition de l’Eswatini de supprimer sa mention à l’Annexe II pour ouvrir le commerce des cornes de rhinocéros depuis son territoire a été refusée par 85 voix contre, 15 pour et 26 abstentions. Ce qui est une bonne nouvelle pour l’espèce.

En revanche, la proposition du Botswana et de la Namibie visant à transférer la population de rhinocéros blancs du Sud de la Namibie de l’Annexe I à l’Annexe II avec l’annotation suivante : : À seule fin de permettre le commerce international : a) d’animaux vivants pour la conservation in situ seulement ; et b) de trophées de chasse a été acceptée par 83 voix pour, 31 contre et 13 abstentions. Selon Robin des Bois : « Il ne s’agit donc pas d’une réouverture du commerce international de la corne mais ce déclassement de l’Annexe I à l’Annexe II sera tout de même perçu par les filières de contrebande comme un allègement de la protection de l’espèce non seulement en Namibie mais aussi au Botswana où le braconnage fait rage. L’approbation de cette proposition va faciliter les délocalisations de rhinocéros d’un pays à l’autre sur de longues distances. Ces transferts imposent une anesthésie de chaque individu et provoquent des mortalités. »

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  • Shama à croupion blanc (Kittacincla malabarica)
  • Bulbul à tête jaune (Pycnonotus zeylanicus)

A noter que les deux propositions sur ces espèces visant à augmenter leur degré de protection en intégrant le premier dans l’annexe II et le second dans l’annexe I ont toutes les deux été acceptées. Ces espèces d’oiseaux sont très prisées sur le marché des animaux dits de compagnie.

  • Tortues

Selon le CP de Robin des Bois : « Les tortues sont les victimes ancestrales, innombrables, muettes et globales du grand bazar international des animaux de compagnie. Les tortues ne pleurent pas, les tortues ne se défendent pas sauf les tortues serpentines, les tortues ne fuient pas. Elles se ramassent comme des pierres ou des gros cailloux dans les marais et les rivières. Elles sont manipulées, expédiées et parfois abandonnées par millions chaque année. Des espèces invasives comme la tortue de Floride entrent en compétition avec les espèces locales. (…) Les tortues étoilées de l’Inde ont été inscrites en Annexe I en 2019 à la 18ème session plénière de la CITES à Genève. Les kachugas à front rouge (Batagur kachuga) et les tortues-boîtes à front jaune (Cuora galbinifrons) y accèdent à la 19ème session plénière à Panama. Quant aux tortues géographiques (Graptemys barbouri, G. ernsti, G. gibbonsi, G. pearlensis et G. pulchra),  serpentines (Macrochelys temminckii et Chelydra serpentina) et  matamatas (Chelus fimbriata et C. orinocensis), elles accèdent à l’Annexe II. Sur le marché des animaux de compagnie, les kachugas à front rouge se vendent 2000 € par individu à Singapour ou en Thaïlande, et les tortues matamatas 800 € par individu en Europe et aux USA. »

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  • Grenouilles de verre (Centrolenidae spp.)

Selon le CP de Robin des Bois : « Arboricoles, nocturnes, mesurant de 2 à 5 cm de long, les grenouilles de verre vivent dans les forêts tropicales humides d’Amérique centrale et d’Amérique du sud jusqu’à 3500 m d’altitude. Elles communiquent par des cris courts et stridents adaptés à l’environnement sonore intense des cascades d’eau. Elles contrôlent les populations de moustiques vecteurs du paludisme, du virus Zika et de la dengue.
Les grenouilles de verre sont menacées d’extinction par la demande exponentielle du commerce international des animaux de compagnie. Leurs grands yeux et la peau transparente de leur ventre en font une cible de choix sur les marchés fauniques des Etats-Unis, du Canada, du Japon et de l’Union européenne avec aux premiers rangs, l’Allemagne, pays pionnier de l’extinction des reptiles et des amphibiens avec sa foire de Hamm, les Pays-Bas, la France et l’Espagne. Surnommée “Kermit la grenouille” par les experts en marketing de l’extinction, leur contrebande a explosé. Des trafiquants allemands et russes ont été récemment arrêtés au Costa Rica avec des dizaines de grenouilles de verre dans leurs bagages. La mortalité pendant le transport est élevée. L’increvable pandémie de Covid-19 a entraîné une réduction des opérations de lutte contre le trafic dans la plupart des pays de l’aire de répartition. L’inscription à l’Annexe II va améliorer la traçabilité du commerce et renforcer les sanctions à l’égard des collecteurs et des contrebandiers. (…) L’Argentine, le Costa Rica, le Brésil, l’Equateur, le Salvador, Panama, le Pérou, la République Dominicaine, les Etats-Unis d’Amérique, la Côte d’Ivoire, le Gabon, la Guinée, le Niger, le Togo proposaient l’inscription en Annexe II de toute la famille Centrolenidae qui comprend 158 espèces dont deux découvertes en 2022.
L’Union européenne avait déjà fait échouer cette proposition en 2019 à Genève. Elle a encore une fois tenté le coup à Panama. Poussée par le lobby de l’aquariophilie, elle a été la seule avec le Canada à exprimer fermement son opposition. L’Union européenne, comprenant que la partie était perdue, a renoncé à demander un vote. La proposition a été acceptée par consensus. »

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Gecko de l’Inde (Cyrtodactylus jeyporensis)

Selon le CP de Robin des Bois : « La proposition de l’Inde d’inscrire le gecko de l’Inde a l’Annexe II a été acceptée par consensus. L’Union européenne était favorable Son aire de répartition est inférieure à 100 km2 dans le sud de l’Odisha et le nord de l’Andhra Pradesh. Il est en tête de gondole pour le commerce des animaux de compagnie. Il est régulièrement disponible sur les plateformes en ligne européennes. Il mériterait l’Annexe I. »

Pléco-zèbre (Hypancistrus zebra)

La proposition du Brésil d’inscription des pléco-zèbres en Annexe I avait été refusé dans un premier temps. Selon le CP de Robin des Bois, « Le Brésil a obtenu une réouverture des débats et soumis un amendement de compromis qui a été accepté par consensus. Le pléco-zèbre fait donc son entrée à la CITES en Annexe II avec un quota zéro pour les spécimens sauvages. »

Alexandra

Photo credit ; Wikipedia

Sources

https://www.genevaenvironmentnetwork.org/fr/evenements/briefing-on-the-world-wildlife-conference-19th-meeting-of-the-conference-of-the-parties-to-cites/

https://robindesbois.org/les-hauts-et-les-bas-de-la-cites/

https://robindesbois.org/cites-11-hauts-et-un-bas/

https://cites.org/eng/cop/19/summary-records

https://www.code-animal.com/a-la-rencontre-danimaux-extraordinaires/ https://cites.org/eng/news/record-number-of-species-to-be-regulated-by-cites-after-cop19