De nouveaux engagements du Pays-Bas en matière de condition animale

Le bien-être animal entre dans la sphère politique et juridique, les initiatives se succèdent : l’organisation d’un référendum pour les animaux ; les annonces de septembre de Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique, comprenant six mesures dont la fin des cirques itinérants avec animaux sauvages ; une proposition de loi du groupe EDS en octobre 2020 et plus récemment, la proposition de loi n° 3661 présentée par Loïc Dombreval, Laëtitia Romeiro Dias et Dimitri Houbron visant à renforcer la lutte contre la maltraitance animale et qui sera prochainement débattue au Sénat (le 30 septembre et 1er octobre 2021).

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Alors que la France commence doucement à adopter une position un petit peu plus zoocentriste qu’anthropocentriste dans nos rapports avec l’animal, nos voisins européens semblent être moins timides. En effet, la Wallonie a adopté un Code de l’Animal en 2018 et possède depuis plusieurs années un Ministère du Bien-être animal (aujourd’hui représenté par Céline Tellier).

Plus récemment, ce sont les Pays-Bas qui se sont manifesté pour les animaux. Après une année 2020 sans abandon de chiens grâce à l’application d’un nouveau dispositif, le parti animaliste néerlandais (Partij voor de Dieren) a déposé un amendement visant à empêcher tout ce qui nuit au comportement naturel de l’animal. Le texte a été adopté alors même que le parti, bien que présent parmi les élus depuis 2002, ne dispose que de peu de sièges.

Photo credit : Police des animaux néerlandaise, site : https://www.politie.nl/informatie/uitleg-over-de-dierenpolitie.html

Les Pays-Bas, un pays déjà en avance en matière de protection animale

En 2010, une police de l’animal est mise en place. Parmi elle 250 agents peuvent être contactés au 114, un numéro qui leur est dédié. Le Parti des animaux néerlandais met également en avant le lien entre la violence envers les animaux et celle envers les humains. Des études ont également démontré que les personnes commençant par violenter les animaux étaient plus susceptibles de passer à l’acte avec des humains (à titre d’exemples : l’étude de Sarah Degue et David Dilillo, « Is animal cruelty a “red flag” for family violence? Investigating co-occuring violence toward children, partners and pets », Journal of Interpersonal Violence, n°24, 2009 ou encore celle menée par Martin Killias, Sonia Lucia, Philippe Lamon et Mathieu Simonin, « Juvenile deinquency in Switzerland over 50 years : assessing trends beyond statistics », 2011. Le Sergent Smit, de la police veillant à la protection de l’animal, avait notamment confié à un journaliste du New York Times que si sa mission première est de veiller sur les animaux, il constate que dans la plupart des cas, « le propriétaire de l’animal est lui-même en difficulté ». Son rôle sera également de rendre visite aux personnes chez auprès de qui il est intervenu afin de s’assurer de la pérennité du bon traitement de l’animal par son propriétaire.

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Ainsi, une personne qui a maltraité un animal pourra donc plus facilement être appréhendée et punie grâce à cette police spéciale.

Les peines aux Pays-Bas si elles peuvent paraître dérisoires, sont appliquées. En France, l’abandon est sanctionné au même titre que les actes de cruauté et les sévices sexuelles de 2 ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende (article 521-1 du Code pénal). Pourtant, dans les faits, il est rare qu’une personne soit condamnée à cette hauteur. Seul l’auteur des actes de cruauté sur un chaton à Marseille a donné lieu à une peine d’emprisonnement ferme d’une année (Tribunal correctionnel de Marseille, 3 février 2014), et pour cause : l’auteur était récidiviste et la mobilisation des internautes fut très forte à de la diffusion de la vidéo sur les réseaux (où l’on y voit un individus lancer à plusieurs reprise le chaton) avec une pétition en ligne. La maltraitance est quant à elle punie dans l’Hexagone d’une contravention de 4ème classe, soit 750 euros, sans être pour autant précisément définie (article R. 654-1 du Code pénal).

Chez nos voisins néerlandais, un homme ayant maltraité son chien a été condamné à 56 jours de travaux d’intérêt général avec l’interdiction de détenir un animal pendant un an. Une peine qui n’est certes pas sévère mais dont l’application est réalisable, et aura donc l’avantage de pouvoir être appliquée.

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Une volonté d’aller plus loin

Les élus ont approuvé la proposition du Parti des animaux empêchant toutes pratiques contraires aux besoins de chaque espèce. Les conséquences sont de deux ordres.

En premier lieu : l’élevage. Les animaux détenus pour la consommation humaine devront pouvoir avoir un mode de vie qui se rapproche le plus de celui qu’ils auraient s’ils n’étaient pas des animaux dits de « consommation » ou « de rente ». Par exemple pour les canards : il leur faudra un accès à un étang pour s’y baigner, comme ils le feraient dans la nature.

En d’autres termes, le fait pour ces animaux de finir à l’abattoir pour la consommation humaine ne doit pas les empêcher de jouir d’une existence exempte de souffrance. Si les modifications à apporter pour les éleveurs pourront s’avérer coûteuses, les grandes lignes de cette loi n’ont pas encore été précisées.

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En second lieu : les animaux de compagnie. Toute entrave non nécessaire et contraire au bien-être de l’animal est interdite. Le Parti voor de Dier rassure sur son site Internet qu’il ne s’agira pas de contrôler « si les propriétaires de chat ont une chatière » mais de s’assurer qu’un animal n’est pas détenu dans une cage toute la journée.

Le texte pourrait ici remettre en question la possession d’espèces domestiques exotiques, telles que les reptiles ou encore les oiseaux qui sont en cage ou dans un terrarium de petite taille.

En effet, il est parfois difficile (voire impossible) pour certains oiseaux de voler alors que c’est l’essence même de leur espèce.

Également, les reptiles qui sont détenus dans des terrariums n’arriveraient pas à visualiser la vitre, et s’y cogneraient.

Pour ces deux exemples, les besoins les plus primaires des animaux ne sont pas respectés, ce qui peut être une source de détresse et de douleur pour certains animaux sans que le propriétaire de l’animal n’ait souhaité les faire souffrir.

Le but de cette loi étant d’adapter l’élevage ou la détention d’un animal à ses besoins et non de le contraindre au système mis en place par l’humain et pour lui-même. Il faudra attendre encore un peu avant de savoir ce qui viendra à changer dans la pratique.

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Un texte assez ambitieux ?

Si quelques éleveurs et particuliers, propriétaires d’un animal s’inquiètent des effets de cette nouvelle législation, le progrès réalisé par le parti animaliste est immense. Il s’agit avant tout de respecter les besoins d’un animal en lui assurant des conditions de vie et de détention décentes, dignes et adaptées aux besoins de son espèce.

Et pourtant, le texte semble ne pas aller assez loin car il évince pour le moment les animaux sauvages captifs. Il n’est en effet pas plus naturel de détenir un ours polaire dans un enclos, sur un territoire qui ne répond pas à ses besoins les plus primaires, qu’un oiseau dans une cage.

La faune sauvage captive rentrera-t-elle dans les débats sans que soit évoqué la conservation et la pédagogie ? Il semblerait que l’industrie des parcs zoologiques ne soit souvent pas abordée par d’autres que les associations de protection animale. Pourtant un animal sauvage ne devrait pas subir l’enfermement pour le divertissement humain. En effet, la conservation des espèces est un argument fallacieux : seules 19% des espèces détenues dans ces établissements sont réellement en danger d’extinction (« Contributions of zoos and aquariums to reintroductions : historical reintroduction efforts in the context of changing conservation perspectives », T. Gilbert, R. Gardner, A. R. Kraaijeveld, P. Riordan, 2017).

De plus la reproduction de l’animal n’y a rien de naturel : soit les animaux sont placés ensemble spécifiquement dans ce but, soit il s’agit d’une insémination artificielle.

Les animaux ont parfois été stimulé par les soigneurs du parc eux-mêmes (comme c’est possible de le voir dans le documentaire Blackfish de Gabriela Cowperthwaite avec les orques). Ce sont notamment des images similaires tournées à Harderwijk (un delphinarium néerlandais) qui aurait incité à l’arrêt de l’insémination artificielle de reproduction des cétacés suite à l’enquête RamDam de 2016.

Crédit photo : RamDam, Undercover in Dolphinarium, 2016, https://www.youtube.com/watch?v=KmcSIeLLwbc

Ainsi, il serait important que la loi néerlandaise se penche sur la faune sauvage captive en plus des animaux de compagnie et de rente. Certains individus ne connaitront que leur enclos, et ce uniquement pour le divertissement humain. Nulle conservation, aucun bien-être ne peut être assuré malgré la bonne volonté des soigneurs : un habitat artificiel ne remplacera jamais l’habitat naturel de l’animal sauvage.

Si le sort des animaux tend à être amélioré, il ne faut pas écarter des débats les animaux sauvages sous de faux prétextes qui alimentent en réalité l’industrie des zoos.

Chaque naissance, réhabilitation, longévité d’âge est vantée par les zoos, saluée par les médias et personnalités politiques sans que les conditions de vie des animaux enfermés ne soient améliorées. L’animal reste un produit, qu’il faut entretenir pour faire venir le public. Il importe peu que la cage soit grande, elle ne fait pas disparaître les barreaux et surtout, il est impossible pour l’animal de jouir d’une vie « normale »

Pénélope EHLES

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Sources :

https://www.consoglobe.com/police-animaux-pays-bas-cg

https://www.ad.nl/nieuws/nieuwe-dierenwet-legt-bom-onder-veehouderij-en-houden-huisdieren~a55cc06e9/

https://www.nytimes.com/2018/01/29/world/europe/netherlands-animal-police.html