Le Costa Rica fait figure de paradis pour la faune sauvage et tous les amoureux de la nature rêvent de se rendre un jour dans ce petit pays d’Amérique centrale où on peut facilement croiser des animaux sauvages libres, écouter les vocalises des singes hurleurs, lézarder au soleil sur une plage à côté d’iguanes, nager dans des eaux marines riches en biodiversité, admirer le vol des aras rouges et des toucans dans le ciel…

Mais plus concrètement et derrière l’image idyllique, quelles sont les réalités du terrain, le modèle Costaricain est-il encore perfectible et/ou transposable à d’autres pays ?

Les lois environnementales sont-elles véritablement appliquées, le gouvernement a-t-il les moyens financiers et logistiques de les faire appliquer ?

A travers notre périple du mois de janvier 2021, nous avons eu la chance de croiser le chemin de nombreux responsables de sanctuaires et de refuges, nous avons discuté avec des politiques, des biologistes, des guides, mais aussi beaucoup de locaux qui nous ont donné leur perception et leur ressenti sur leur pays, la façon dont étaient gérées les richesses environnementales, la flore et la faune.

LOIS EN FAVEUR DES ANIMAUX

Loi sur la protection animale

En 2013 s’est déroulée dans les rues de la capitale San José une grande manifestation citoyenne pour réclamer une loi contre la maltraitance des animaux. Des milliers de Costaricains accompagnés de leurs animaux avaient ainsi défilé dans les rues pour demander au gouvernement de l’époque un texte de loi punissant sévèrement les actes de cruauté sur les animaux.

Mais c’est en février 2015 que le mouvement a vraiment pris de l’ampleur, le Costa-Rica ayant fait la une des journaux nationaux à cause d’un cas de maltraitance animale particulièrement barbare. Un toucan sauvage qui appréciait anormalement la compagnie des humains dans un petit village du Costa Rica, était devenu la mascotte des locaux qui le nourrissaient et le laissaient libre de ses mouvements. Profitant de la confiance de l’oiseau, un groupe d’adolescents a un soir décidé de s’amuser en martyrisant ce pauvre toucan et en lui arrachant le bec…Laissé pour mort, le toucan a été récupéré par des villageois, transporté au Rescate animal ZooAve (actuel Rescate wildlife Rescue center) où il a reçu les premiers soins. Par le biais des réseaux sociaux, l’information est alors devenue virale, au-delà des frontières du pays.

Pour un oiseau, le bec est bien entendu crucial pour se nourrir, se toiletter mais aussi pour réguler la température corporelle. Cette dernière fonction se retrouve chez pratiquement tous les oiseaux mais elle est exacerbée chez les Toucans étant donné la grande surface d’échange que représente ce bec « démesuré » par rapport à la taille globale du corps.

Sophie Wyseur pour Code Animal

Le bec du Toucan est très irrigué et fonctionne un peu comme les oreilles des éléphants en ce qui concerne la régulation thermique.

Il fallait donc reconstruire ce bec mais malheureusement aussi se résoudre, si l’animal survivait, à le garder captif jusqu’à la fin de ses jours.

L’animal baptisé Grecia bénéficie alors de la mobilisation de milliers de personnes. Des fonds sont ainsi collectés sur des plateformes de financement collaboratif, permettant la fabrication sur mesure, grâce à une imprimante 3 D, d’une prothèse de bec.

A l’époque et suite à la diffusion de photographies de l’animal mutilé, dans le pays, de nombreux costariciens s’étaient à nouveau mobilisés pour demander à ce que ses agresseurs soient traqués et punis. Mais cette requête n’avait pas pu aboutir puisqu’il n’y avait à l’époque, aucune loi au Costa Rica qui punisse la maltraitance animale.

Au cours d’une conférence de presse où il évoquait la cruauté envers les animaux, le président avait cependant dénoncé de récents cas « sauvages et barbares » et déclaré : « Je profite de cette opportunité pour lancer un appel aux différents groupes politiques, qu’ils s’accordent sur un projet de loi, afin que nous ayons les outils pour punir ce type de comportement qui est clairement inacceptable ».

Le Costa Rica est devenu depuis le premier pays d’Amérique latine à adopter une loi punissant la maltraitance animale.

Dorénavant Au Costa Rica, la loi, révisée en juin 2018 (n°7451), prévoit des peines pouvant aller jusqu’à 2 ans de prison à l’encontre de ceux qui causeront la mort d’un animal domestique (1 an en cas de maltraitance, combats d’animaux, zoophilie ou actes de vivisection). Mais sont exclues du champ de cette loi les activités de pêche, d’élevage du bétail, ou encore les activités de recherche dans le domaine de la santé. Les animaux sauvages eux ne sont pas concernés par cette législation. La signature de cette nouvelle loi a été très médiatisée, il aura fallu 5 années de débats parlementaire pour qu’elle aboutisse.

Depuis, d’autres cas ont fait la une des journaux, notamment celui de Campeon (Champion en français), premier animal victime de maltraitance en Amérique latine a avoir assisté au procès de son bourreau ; c’était le 22 juillet 2019 à Atenas près de San Jose.

https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-01913294/document

Sophie Wyseur pour Code Animal

Campagne anti-selfies avec animaux sauvages

Depuis 2019, une campagne de communication mise en place par le gouvernement et des associations de protection de la nature demande aux touristes de ne pas se prendre en photo avec des animaux sauvages. Cette pratique encourage en effet le braconnage, les touristes plébiscitant les contacts étroits avec les animaux sans s’interroger plus avant sur leur provenance, leur condition de détention et leur devenir.

Source de revenu pour des locaux ou des réseaux plus organisés, les animaux sont souvent capturés dans la nature et/ ou arrachés bébé à leur mère pour servir d’attraction dans des lieux publics, des restaurants ou des halls d’hôtel. Manipulés, stressés, mal nourris, ils succombent souvent rapidement à leurs mauvaises conditions de détention ou ne sont en général plus aptes à être relâchés dans la nature quand ils sont récupérés par des associations de sauvegarde de la faune sauvage, trop imprégnés à l’humain ou mutilés.

Sophie Wyseur pour Code Animal

Abolition de la chasse, des cirques, des delphinariums, des animaux sauvages comme animaux de compagnie et des zoos

La chasse « sportive » est interdite depuis 2012, la chasse n’est plus tolérée que dans le cadre de recherches scientifiques et de contrôle des espèces. Cette mesure fait partie d’une loi plus globale concernant la vie sauvage, dont les points sont les suivants :

-Interdiction de chasse des animaux sauvages (sauf pour la recherche et la régulation)

-Interdiction de domestiquer des espèces sauvages comme les singes, les iguanes, les aras, les paresseux et certaines espèces d’oiseaux

-Le respect des traditions indigènes dont les us et coutumes seront identifiés et autorisés par la loi

-La loi renforcera l’obligation de l’Etat d’assurer les activités de développement et de production liées à la gestion de la faune.

Cette loi ne concernera pas les entreprises de pêche qui continueront leur activité sous la loi INCOPESCA.

Le 4 août 2018, le texte a été modifié pour considérer la vie sauvage comme une « propriété de domaine public ». Les costaricains ont ainsi l’obligation de la « protéger et de la gérer correctement, pour les générations présentes et futures ».

Le 4 juin 2020, l’Assemblée législative a approuvé une nouvelle réforme de la loi sur la faune et la flore sauvages, qui interdit l’importation et la commercialisation des trophées de chasse.

C’est une mesure “très rare” au niveau international.

Malheureusement, si les contrôles sont très sévères dans les aéroports, le trafic reste important par voies routière et maritime.

Au Costa Rica, il n’y a plus de cirques ni de delphinariums et les animaux sauvages ne peuvent pas être utilisés comme animal de compagnie.

Mais malgré la loi votée, de nombreux costariciens possèdent encore chez eux des animaux sauvages, singes, perroquets, perruches qu’ils maintiennent dans de plus ou moins bonnes conditions.

En 2014, Andrea Aguilar, du refuge pour animaux Instituto Asis disait : « Nous n’avons pas de chiffres précis, mais nous savons que le problème est de grande ampleur, car selon une étude du ministère de l’Environnement, 25% des foyers ont comme animal domestique une perruche, ce qui représente déjà près de 400.000 » oiseaux exotiques détenus en maison ». Pour analyser l’impact de ce phénomène et chercher des solutions, des représentants d’une quarantaine d’organisations non gouvernementales, institutions publiques et professionnelles s’étaient réunis pour le premier congrès sur le sauvetage et la libération de la faune sauvage.

 

Souvent capturés dans le milieu naturel quand ils sont bébés, ces animaux reçoivent des soins bien souvent inappropriés aussi bien en ce qui concerne l’alimentation que le respect de leurs besoins psychologiques et sociaux. Les singes capucins par exemple sont très prisés par les gens car ils sont considérés comme un signe extérieur de richesse, ils sont d’une intelligence supérieure et très facétieux, en tous cas jusqu’à ce qu’ils deviennent adolescents où leur comportement change radicalement et qu’ils deviennent bien souvent agressifs avec les humains. A ce stade, ces derniers cherchent alors à s’en débarrasser, dans le meilleur des cas, en les confiant à des centres de sauvetage, sinon en s’en débarrassant de façon plus expéditive.

Quant aux oiseaux, ils sont bien souvent maintenus dans des cages minuscules, où ils dépérissent lamentablement.

Sophie Wyseur pour Code Animal

Les animaux servent aussi comme nous l’avons déjà dit, d’attraction pour les touristes dans des hall d’hôtels, des restaurants, des lieux touristiques…

Il arrive cependant de plus en plus souvent que ces pratiques soient dénoncées aux autorités par des touristes ou des locaux qui préviennent les services du MINAE-SINAC, les animaux sont alors saisis et les contrevenants ont une amende…en théorie…

En ce qui concerne les zoos, les limites sont plus floues sur le terrain.

En 2003, le président de l’époque, Mr Abel Pacheco avait tenté de faire fermer les deux zoos publics du pays mais n’y était pas parvenu pour des raisons de procédure.

En 2013, le gouvernement socialiste de Laura Chinchilla reprend la bataille pour transformer les deux zoos publics du pays en jardin botanique et en parc urbain et réimplanter dans leur habitat naturel les 400 animaux de 60 espèces différentes qui y résident.

A nouveau, la Fundación Pro Zoológicos (Fundazoo), qui administre ces deux zoos conteste cette décision et obtient gain de cause, au motif que le ministère de l’environnement s’y est pris trop tard pour annuler le renouvellement décennal automatique de la concession. Les zoos devraient rester ouverts au moins jusqu’à la fin de la nouvelle concession, en 2024, à l’expiration du contrat avec les administrateurs actuels des deux zoos. En attendant, le gouvernement a suspendu le financement public de la Fundazoo.

Ainsi existent sur tout le territoire ce qu’on appelle des Rescue center, des centres de sauvetages ou de réhabilitation ouverts au public et dont l’entrée est payante.

De nombreux permis, aux dires des personnes interrogées au fil de notre périple, sont régulièrement délivrés par le gouvernement à des structures présentant des animaux.

Certaines de ces structures ont véritablement pour but la conservation des espèces et le relâché des animaux rescapés quand leur état le leur permet, pour d’autres, le but serait plutôt lucratif.

En réalité, la loi distingue deux types de zoos :

-un type commercial, de divertissement du public qui amène les fonds.

-un type sanctuaire, à but non lucratif, administré par une fondation ou une association, dont le but est souvent la conservation.

Certaines grosses structures séparent ces deux entités qui sont cependant regroupées sur un même lieu. Certains endroits sont alors accessibles au public, d’autres ne le sont pas.

C’est le cas notamment du Rescate wildlife Rescue Center, près de la capitale à Alajuela. Anciennement nommé Rescate zoo Ave, il est géré par la Fundacion Restauracion de la Naturaleza.

Voir article en rapport : https://ticotimes.net/travel/costa-rica-zoo

Mais le travail des centres qui récupèrent les animaux sauvages pour les remettre en liberté n’est pas aisé, d’autant que les règlements changent souvent et ne sont pas toujours cohérents.

Aucun centre de sauvetage au Costa Rica ne reçoit d’aide gouvernementale, ils sont tous financés par des particuliers et des dons provenant principalement de l’étranger.

Pour chaque animal qui est relâché, une autorisation du MINAE est requise. En général, les relations des centres sont bonnes avec le MINAE, et ils reçoivent donc habituellement les autorisations. Quand ce n’est pas le cas, pour des raisons plus ou moins subjectives ou en tous cas mal compris comme nous le dirons certains responsables de centre, il suffit en général de présenter la requête de nouveau quelques temps plus tard (ou de ne pas retomber sur la même personne qui traite le dossier) pour obtenir satisfaction.

 Mais le plus compliqué dorénavant est qu’il y a de moins en moins de sites disponibles pour la remise en liberté.

C’est pourquoi les fondations qui en ont les moyens font l’acquisition de terrains afin que les animaux soient relâchés en toute sécurité, loin de la présence humaine, des pesticides, des câbles électriques et des chiens errants (voir plus loin).

Le Meso american rescue center, où nous avons rencontré le responsable German Sibaja, se situe dans la province d’Heradia, à Puerto Viejo de Sarapiqui, dans une région connue pour son agriculture respectueuse de l’environnement, qui n’utilise pas de pesticides. German relâche le plus souvent les animaux sur une propriété privée de 9 hectares toute proche, la Finca sura, une ferme principalement axée sur la production biologique d’ananas, les notions d’autoconsommation, et la durabilité environnementale en privilégiant les anciennes pratiques de culture.

Au Jaguar Rescue Center, quand nous nous y sommes rendus en janvier 2021, le public ne pouvait venir qu’à certaines heures et seulement par le biais d’un tour avec guide afin de limiter l’impact de la présence humaine sur les animaux.

Très impliqué dans la conservation de la faune sauvage locale, le Jaguar Rescue récupère un grand nombre d’animaux blessés, confisqués ou orphelins.

Il a également fait l’acquisition d’une parcelle de terrain où les animaux peuvent être relâchés et monitorés. Encar Garcia Vila, co-fondatrice du Jagar rescue center nous explique avoir fait l’acquisition d’un espace ou les animaux peuvent être relâchés et surveillés un temps. La Ceiba release station est une réserve naturelle de 49 hectares de forêt primaire qui fait partie du refuge faunique de Gandoca-Manzanillo. C’est aussi un corridor biologique naturel qui traverse le Costa Rica et le Panama et qui recèle une flore et une faune exceptionnelle.

https://www.jaguarrescue.foundation/en-us/AboutJRC/LaCeibaReleaseStation

Sophie Wyseur pour Code Animal

Certains pensent que les centres de sauvetage devraient être fermés au public, car il n’est pas bon que les animaux sauvages soient en contact avec les humains. Mais le tourisme étant la première manne financière du pays, il est donc difficile d’envisager une solution aussi radicale, à moins que l’état finance ces centres.

La crise de la Covid-19 n’a bien entendu pas arrangé la situation, les dons, aides diverses, les revenus liés au tourisme, l’absence de bénévoles étrangers qui sont une source de revenus mais surtout une aide logistique et physique très importante, ont manqué cruellement comme partout ailleurs et les sanctuaires et refuges peinent à faire face aux différentes dépenses incompressibles. Certains fondateurs, comme par exemple Bernal Lizaro que nous avons rencontré au Costa Rica Rescue center, n’ont pas hésité à revendre leurs biens personnels pour continuer à subvenir aux besoins de leurs pensionnaires.

Sophie Wyseur pour Code Animal

LOIS ENVIRONNEMENTALES 

Reforestation avec primes de l’état

Le Costa Rica est considéré comme un pays pionnier pour avoir mis en place dès 1996 dans sa loi forestière n° 7575 un programme d’ampleur national de Paiements pour Services Environnementaux (PSE) afin de lutter contre la déforestation (Pagiola, 2008 ; Wunder, Engel et Pagiola, 2008).

En effet, le pays a été largement déboisé au fil des siècles ; entre 1950 et 1985, il a ainsi perdu le tiers de ses forêts, affichant même à la fin de cette période un des taux de déforestation les plus forts au monde de 4% par an.

La mise en politique de la notion de Services Environnementaux a été la conjonction de 4 facteurs principaux :

-l’identification même du problème lié à la déforestation

-l’existence depuis plus ou moins 20 ans de dispositifs d’appui au secteur forestier et de groupes d’intérêts structurés représentant le secteur forestier, mais aussi le développement de flux d’idées au sein de quelques élites costariciennes bien insérées dans des réseaux internationaux,

-l’existence d’entrepreneurs de politique qui ont su tirer parti du contexte national et international pour construire un compromis à l’origine d’une nouvelle politique forestière au Costa Rica.

https://journals.openedition.org/vertigo/12920

Au début des années 1990, les représentants du secteur privé forestier (petits et grands) commencent à être conscients de la nécessité de mettre en place des formes plus durables d’exploitation forestière, de conserver les forêts existantes et de trouver des mécanismes de financement pérennes. En dépit des efforts de reforestation, la couverture forestière continue de se réduire et met à terme en péril l’industrie du bois dans le pays. Par ailleurs, la négociation des budgets publics pour l’appui au secteur forestier, via les différents instruments financiers mis en place, devient de plus en plus difficile dans le contexte de déficit public et de plans d’ajustements structurels qui touchent le Costa Rica depuis la fin des années 1980.

 Mais avec la reconnaissance au niveau international, de l’importance des forêts tropicales dans les négociations sur la lutte contre le réchauffement climatique et la perte de la biodiversité (sommet de la terre de 1992 à Rio), ces acteurs commencent à entrevoir de nouvelles possibilités pour justifier l’appui à la reforestation et de nouvelles options de financement à travers les mécanismes de compensation d’émissions de carbone.

D’autre part, de nouveaux types de travaux de nature économique sur la forêt, en lien avec l’économie de l’environnement et le développement de l’économie écologique (et plus seulement des travaux menés par des biologistes autour de l’inventaire de la faune et la flore) sont réalisés au Costa Rica pour évaluer les bénéfices économiques des parcs nationaux et des ressources naturelles. Alors que les études naturalistes avaient montré la richesse de la biodiversité costaricienne, ces nouveaux travaux commencent à mettre en relief et à chiffrer les bénéfices économiques de la conservation.

Sophie Wyseur pour Code Animal

En 1992-1993, une première évaluation économique de la réserve de Monteverde est réalisée par le Centre Scientifique Tropical (Centro Cientifico Tropical – CCT) avec l’appui du Fonds Mondial pour la Nature (« World Wild Fund »).

En 1994, l’Université Nationale du Costa Rica à travers son Centre de Recherche sur les Politiques Économiques pour le Développement Durable (Centro Internacional de Política Económica Para el Desarrollo Sostenible – CINPE) organise la 3e conférence internationale d’économie écologique au Costa Rica, à laquelle participent plus de 1300 chercheurs du monde entier. Cet évènement contribue à accroitre la conscience de décideurs politiques sur l’intérêt économique de préserver l’environnement et les écosystèmes naturels, notamment forestiers. Si la plupart des travaux présentés traitent de « l’évaluation économique de l’environnement », la notion de « services environnementaux / services écosystémiques » commence à être mise en exergue par quelques chercheurs au Costa Rica.

 

Sur un plan plus opérationnel, quelques expériences locales de nouveaux mécanismes pour promouvoir la protection de la forêt et l’adoption de pratiques durables de gestion sont testées au sein de projets de coopération. Il s’agit de projets conduits au début des années 90 et qui visaient à la reforestation et à la conservation des ressources naturelles. Ces projets développent de manière expérimentale et empirique des formes de paiements contractuels aux propriétaires forestiers pour conserver leur forêt : ce sont les premières expérimentations de PSE.

 A l’époque, les promoteurs de ces expérimentations ont alors cherché, mais sans succès, des soutiens auprès de grandes ONG environnementales américaines et de la Banque mondiale.

 Mais rémunérer des propriétaires forestiers pour « services rendus » n’était pas encore une notion acceptable à l’international à l’époque. Il faudra attendre l’adoption par le Costa Rica de la 4e loi forestière pour commencer à faire infléchir cette position internationale.

En 1995, des « certificats pour la protection de la forêt » (Certificado de Protección de Bosque” – CPB) sont créés afin d’éviter la déforestation en finançant les propriétaires pour qu’ils conservent les forêts existantes. Ce nouvel instrument marque l’émergence d’une nouvelle modalité d’action publique pour lutter contre la déforestation : on encourage non seulement de replanter des arbres mais aussi la conservation et la protection de la forêt existante.

 Pour la première fois, la forêt n’est plus seulement conçue comme pourvoyeuse de matières premières (le bois), mais aussi comme un écosystème pourvoyeur d’autres bénéfices.

En 1998, la Ley de la Biodiversidad met en avant l’exploitation durable des ressources et la protection de la biodiversité ; c’est une première mondiale.

Cette loi sera réformée en 2012.

Cependant, le MINAE (ministère de l’Environnement et de l’énergie) qui a beaucoup communiqué au sujet de sa politique de soutien financier aux agriculteurs qui replantent des arbres dans leurs propriétés, donne actuellement des permis pour couper des arbres, pour construire des maisons ou des routes.

 Résultat, la déforestation se poursuit, ce qui pose évidemment un problème aux animaux sauvages qui perdent de plus en plus leur habitat naturel.

Il y aurait donc une contradiction importante entre les discours officiels et le terrain, et un problème majeur d’application des lois.

 Il existe un tribunal de l’Environnement créé en 1995, mais il n’y a pas assez d’inspecteurs traiter les plaintes, enquêter et donc faire sanctionner.

Création de parcs naturels et de zones protégées

De la loi pour la biodiversité découle la création de parcs nationaux, qui avec les nombreuses réservent du pays couvrent environ un quart du territoire national. Ils sont sous la gérance du SINAC (Sistema National de Areas de Conservacion) et sous la tutelle du ministère de l’Environnement et de l’Energie. 75 % du territoire était recouvert de forêt en 1950, ce taux était descendu à 26 % en 1985.

Grâce à la politique mise en place, il est remonté à plus de 50 % de nos jours mais la superficie de la forêt primaire a nettement diminué.

Actuellement, il existe160 aires protégées dont 26 sont des parcs nationaux. Les autres aires sont des refuges de vie sauvage, des réserves biologiques, des monuments nationaux, des réserves de forêt, des zones humides et des zones protégées.

Sophie Wyseur pour Code Animal

En tant qu’institution décentralisée du ministère de l’environnement et de l’énergie (MINAE), le SINAC est l’entité responsable de la gestion globale de la conservation et de l’utilisation durable de la biodiversité et des ressources naturelles, avec intégration du facteur humain. Ainsi, pour s’assurer du soutien des populations, le SINAC n’a pas oublié dans sa gestion la valorisation des zones protégées notamment à travers l’écotourisme. 40 % des visiteurs viennent aujourd’hui au Costa Rica pour la nature, ce qui rapporte plus de 2 milliards de dollars au pays chaque année (chiffres avant la pandémie de la Covid-19), des revenus loin d’être négligeables pour un petit pays.

Sophie Wyseur pour Code Animal

Utilisation d’énergie renouvelable

Le 20 septembre 2019, Le Costa Rica a reçu le prix « Champions de la Terre 2019 », l’honneur environnemental le plus prestigieux attribué par l’ONU, pour son rôle dans la protection de la nature et son engagement en faveur de politiques ambitieuses de lutte contre le changement climatique.

Chef de file mondial de la durabilité, le pays d’Amérique centrale a élaboré un plan détaillé visant à décarboniser son économie à l’horizon 2050, conformément à l’Accord de Paris sur le climat et aux objectifs de développement durable de l’ONU. La nation espère fournir un modèle aux autres pays pour réduire les émissions mortelles responsables du changement climatique.

Le fait que le Costa Rica ait réussi à placer les préoccupations environnementales au cœur de ses politiques et de son économie prouve que la durabilité est à la fois atteignable et économiquement viable.

Le plan national de décarbonisation du Costa Rica comprend des objectifs ambitieux à moyen et à long terme en matière de réforme des transports, d’énergie, de la gestion des déchets et de l’utilisation des sols. L’objectif est d’obtenir des émissions nettes nulles d’ici 2050, ce qui signifie que le pays ne produira pas plus d’émissions qu’il ne peut en compenser par des actions telles que le maintien et l’expansion de ses forêts.

Plus de 98% de l’énergie du Costa Rica est d’ores et déjà produites par des sources renouvelables, le couvert forestier du pays est supérieur à 53%. En 2017, le pays a enregistré un record de 300 jours pendant lesquels le pays était uniquement alimenté en électricité grâce aux énergies renouvelables. L’objectif est d’atteindre 100% d’électricité renouvelable à l’horizon 2030. 70% des bus et taxis devraient être électriques à l’horizon 2030, l’électrification totale du parc automobile étant prévue pour 2050.

LOIS SOCIALES

Abolition de l’armée et basculement du budget sur d’autres secteurs

Le Costa Rica a été le premier pays au monde à abolir l’armée par un décret-loi le 1er décembre 1948. 

En effet, le 8 février de cette année-là, les élections présidentielles sont entachées par la fraude électorale : dans un premier temps, Otilio Ulate Blanco, candidat de l’opposition, est déclaré vainqueur. Mais le Congrès, composé essentiellement de membres proches du gouvernement en place, déclare vainqueur le candidat du parti au pouvoir.

Le problème est qu’aucune vérification n’est possible puisque les bulletins de vote sont partis en fumée dans un mystérieux incendie (dont on ne connait toujours pas d’ailleurs l’origine).

C’est la goutte de trop pour l’opposition. Un chef populaire, José Figueres Ferrer, surnommé « Don Pepe », met alors sur pied une armée, la Légion des Caraïbes, qui vient à bout de l’armée du gouvernement dans une guerre civile de deux mois à peine.

Don Pepe prend la tête d’un gouvernement provisoire pendant 18 mois, le temps d’instaurer la démocratie et en 1949, la constitution entérine l’abolition de l’armée. A la place de l’armée, c’est la force publique qui s’occupe d’à peu près tout depuis 60 ans : elle est chargée à la fois de la police judiciaire, de la sécurité publique, du maintien de l’ordre, de la surveillance des frontières et de la lutte contre le trafic de drogue… (d’ailleurs en forte recrudescence ces dernières années).

Le budget de l’armée a été transféré à d’autres causes, notamment l’éducation et la santé.

Pour se protéger, le Costa Rica a signé des pactes de non-agression et des accords de protection. En cas de conflit, il pourrait recevoir le soutien des Etats-Unis ou du Brésil, au sein de l’Organisation des Etats d’Amérique, créée pour assurer entre ses membres « un ordre de paix et de justice ». Depuis, il a fait des émules chez ses voisins, comme le Panama qui a supprimé son armée en 1994.

Système de santé du Costa Rica

Le Costa Rica fournit des soins de santé universels à ses citoyens et résidents permanents. Des études ont montré que le Costa Rica offre certains des meilleurs soins de santé en Amérique latine, en raison des améliorations constantes apportées aux systèmes de santé privés et publics. La Caja Costarricense de Seguro Social a la charge de la majorité du secteur de la santé publique du pays et est obligée de formuler et d’exécuter des programmes de santé à la fois préventifs comme la vaccination et curatifs comme les actes de chirurgie, la médecine, les hospitalisations… Aujourd’hui, il y a environ 29 hôpitaux publics fonctionnant sous le CAJA et environ 250 cliniques publiques situées dans tout le pays. Au cours des dix dernières années, le Costa Rica est devenu une destination de choix pour l’écotourisme et le tourisme médical, attirant des clients des États-Unis et du Canada ainsi que d’autres étrangers. Le Costa Rica fournit des soins de santé de haute qualité à un coût bien inférieur à celui de nombreux autres pays.

Cependant, les grands avantages du système de soins de santé du Costa Rica ne sont pas ressentis par l’ensemble de la population. Les peuples autochtones du Costa Rica (il existe 8 tribus indiennes qui descendent des Mayas et d’indigènes d’Amazonie et qui représentent moins de 1,5% de la population) sont pour la plupart exclus du développement économique, des services sociaux et de la protection juridique. Ils sont souvent incapables d’accéder aux soins de santé ou aux soins d’urgence et ont également du mal à accéder à l’eau potable et surtout à conserver la possession de leurs terres.

Ainsi, une des menaces imminentes qui pèse sur les populations indigènes est la perte des terres et des ressources naturelles que les agriculteurs non indigènes, les compagnies minières, pétrolières et hydroélectriques conquièrent petit à petit.

Sloth sanctuary – Sophie Wyseur pour Code Animal

Globalement, même si le Costa Rica fait figure d’exemple par rapport aux autres pays d’Amérique centrale, la pauvreté est globalement estimée à 21 % (16 % de pauvreté relative et 5 % de pauvreté). Ce problème a sans doute été accentué par une immigration massive de Nicaraguayens fuyant la répression dans leur pays (ils représenteraient 10% de la population costaricienne).

L’économie émerge de la récession en 1997 et montre depuis une croissance supérieure à 4,3 % dans les années 2000. Elle reste néanmoins fragile, avec une dette publique de 50 % du PIB, et surtout ne profite pas à tous avec un chômage en progression et surtout 21 % de la population vivant sous le seuil de pauvreté (2014).

Comme chacun sait, la pauvreté dans un pays augmente nettement les risques de violence, de corruption et de pratiques illégales. Braconnage, coupes illégales de bois, trafic d’animaux sauvages, tout cela a bien entendu était accentué par la crise du Covid qui a provoqué une baisse de revenus de la population qui vit du secteur touristique et diminué la surveillance sur certains territoires.

Comme nous l’expliquait Jeffery du Sloth Sanctuary, de nombreuses coupes sauvages de la forêt ont entrainé une perte importante de l’habitat de ces animaux dès le début de la pandémie. La rapidité avec lesquelles ces coupes illégales ont été effectuées n’ont même pas permis aux paresseux de s’échapper et beaucoup d’entre eux ont été retrouvés errants à même le sol alors qu’ils y descendent rarement en temps normal. Des pans entiers de forêt ont ainsi étaient rasés en quelques heures et les troncs chargés sur des camions, laissant à terre les habitants de ces arbres qui avaient échappé à ce « carnage » et qui n’avait pu fuir. Le nombre d’animaux arrivés au centre a ainsi augmenté de façon exponentielle en 2020.

Sloth sanctuary – Sophie Wyseur pour Code Animal

Les aspects qui pourraient être améliorés :

Eaux usées

Si le pays a fait beaucoup d’effort ces dernières années et sans aucun doute beaucoup plus que d’autres, dans la préservation de l’environnement, le traitement des eaux usées, le tri et la gestion des déchets restent un gros problème.

En fait, le passage d’une société majoritairement rurale à une société urbaine a été extrêmement rapide (un peu moins de 15 ans) et les infrastructures d’assainissement n’ont pas évolué au même rythme.

D’après les chiffres de fin 2019, Seulement 14% des eaux usées sont traitées au Costa Rica, c’est le pays ayant la plus faible couverture en égouts sanitaires (26% du territoire) de l’Amérique centrale. 70 % des foyers costariciens sont reliés à des fosses septiques mais ces fosses septiques traitent uniquement ce qu’on appelle les eaux-vannes (eaux issues des toilettes). Les eaux ménagères (eaux de la cuisine, de la salle de bain et de la machine à laver) sont généralement reversées dans les rivières, ce qui est bien évidemment un véritable problème d’un point de vue environnemental et sanitaire.

Cette problématique a été qualifiée d’urgence nationale et un plan national d’assainissement des eaux usées (PNSAR) a été initié.

Acueductos y Alcantarillados (AYA) est l’institution qui régit tous les projets liés aux services publics de stockage de l’eau potable et d’assainissement.

Le système d’assainissement du Costa Rica nécessite de nombreuses améliorations telles que le remplacement des canalisations, les travaux de branchement aux stations de traitement…

Il existe aujourd’hui plusieurs projets d’assainissement qui incluent principalement la gestion de l’eau, et il a été mis en place une » Politique nationale de traitement des eaux usées 2017-2045 ».

Le système d’aqueducs et d’égouts vieux de plus de 50 ans n’a pas été convenablement entretenu par manque d’investissement, et c’est maintenant devenu un véritable défi de nettoyer les eaux et de restaurer les écosystèmes. L’absence de moyens financiers et logistiques au sein des organisations en charge de suivre les mandats, la duplication des fonctions, une opacité dans la législation et la désarticulation des efforts ont amené à la situation actuelle.

Mais les nouvelles mesures prises devraient faire évoluer la situation favorablement et permettre de restaurer à terme l’équilibre fragile des écosystèmes fluviaux.

Cultures intensives, Monocultures et Pesticides

Le Costa Rica est un gros producteur de fougères, de roses, de fleurs tropicales, de feuillages, également de fruits tropicaux comme la banane et l’ananas, ainsi que les agrumes, le tabac, le sucre de canne, l’huile de palme, le riz, le cacao, le café.

Un Costaricien sur sept travaille dans le secteur agricole. Les exportations de produits agricoles représentent 8 % du PIB du pays avec dans le même temps une agriculture familiale en recul, en raison de l’exode rural et de la tertiarisation de l’économie.

Focus sur la banane :

 La banane produite en Amérique latine à très faible coût pour être vendue au plus bas prix en Europe et aux États-Unis, tout en générant d’énormes profits est connue sous le nom de « banane dollar ».

Ce fruit a donné naissance à l’une des premières multinationales du monde, engendré des coups d’Etat et des guerres économiques.

 Cultivé depuis plus de 8500 ans en Nouvelle-Guinée, c’est le développement du chemin de fer au 19 -ème siècle qui permettra de le retrouver dans le monde entier.

En 1871, Minor Keith, un Américain envoyé au Costa Rica pour embaucher la main-d’œuvre nécessaire au développement de lignes de train, plante des bananiers le long des chantiers pour nourrir les travailleurs. C’est lui qui donnera naissance en 1899 à la United Fruit Company (UFCo, ancêtre de Chiquita). Considérée comme l’une des premières multinationales, elle symbolise aussi l’impérialisme américain. L’entreprise s’étend dans d’autres pays d’Amérique latine, où elle demande des terres en échange d’investissements et de services. Elle finance aussi des coups d’Etat pendant cinquante ans pour développer ses activités et n’hésite pas à avoir recours à la corruption, donnant naissance à l’expression « république bananière ».

A la même époque se développent les sociétés Dole et Del Monte aux Etats-Unis, et Fyffes en Irlande. Les trois firmes américaines dominent largement le marché mondial, et les fruits issus de leurs productions se voient surnommés « bananes dollars ». Toutes-puissantes en Equateur, au Costa Rica et en Colombie, elles imposent des conditions de travail et de rémunération largement décriées par de nombreuses ONG.

La banane est le fruit d’or, un fruit extrêmement lucratif pour les grandes compagnies et il suscite bien des tensions, même internationales avec des conflits commerciaux ouverts.

A voir sur le sujet le documentaire https://youtu.be/o_uRcagn7HA qui révèle la face cachée de la production de bananes au Costa Rica dans les plantations appartenant à la société Del Monte Foods. Usage de produits chimiques interdits en Europe, gestion quasi esclavagiste des travailleurs, corruption et conflits d’intérêt au sein même du gouvernement, voilà le cocktail explosif qui régit la culture de la banane.

L’ananas soulève également de nombreux problèmes éthiques et sociaux ; cultivé en monoculture au Costa Rica, le produit star, l’ananas extra-sweet est un fruit « fabriqué « par l’humain. Plébiscité par les marchés européens et états-uniens pour sa forte teneur en sucre, il est également très apprécié des insectes ravageurs. Et cela « justifie » pour des raisons commerciales, l’utilisation massive de pesticides, les consommateurs ne souhaitant pas retrouver dans leur fruit des parasites (notamment la cochenille).

La monoculture d’huile de palme utilise également des pesticides et a été responsable d’une déforestation massive. Nous avons eu l’occasion de longer des « champs » de palmiers s’étendant à perte de vue, ainsi qu’une usine de traitement de ces palmiers sur la côte pacifique, du côté de Quepos.

C’est un des paradoxes du pays : résolument attentif aux problématiques climatique et environnementale, le Costa Rica reste cependant aujourd’hui le plus gros utilisateur de pesticides à l’hectare, ce qui est bien entendu un problème majeur.

Une étude de la UCR (Universidad de Costa Rica), l’université la plus cotée du pays, indique ainsi que le pays utilise 18,2 kg de pesticides par hectare cultivé, alors que la moyenne au sein de l’Union Européenne est de 1,8 kg/ha et celle aux Etats-Unis, pourtant régulièrement critiquée pour son manque de conscience écologique est de 2,5 kg/h, soit 7 fois moins que le Costa Rica ! Même la Chine, pourtant peu avare en produits phytosanitaires, se classe en-dessous avec 17 kg/ha.

A noter tout de même que l’utilisation de pesticides au Costa Rica est en baisse, elle était en effet de 23 kg/ha cultivé en 2010.

Bien que ce soit la population humaine (et notamment ceux qui travaillent dans les exploitations et les habitants limitrophes de ces exploitations) qui est la plus susceptible d’entrer en contact direct avec les pesticides dangereux, la propagation involontaire de traces de produits chimiques est très problématique pour la biodiversité.

 Les écosystèmes aquatiques sont largement pollués par le ruissellement de pesticides venant des champs de riz et de canne à sucre à proximité. On retrouve des fongicides, herbicides et des insecticides dans les ruisseaux et rivières.

Les organophosphates (en particulier chlorpyrifos et éthoprofos) utilisés dans la culture de bananes et d’ananas se retrouvent dans les cours d’eau après de fortes pluies et sont régulièrement responsables de la mort de nombreux organismes aquatiques.

Une étude menée dans la région nord-est du Costa Rica a trouvé des traces de neuf pesticides différents couramment utilisés en bananeraie, dans le sang des caïmans dont les habitats sont situés en aval d’une ferme bananière (la zone de conservation de Tortugureo). L’un des pesticides trouvés dans les échantillons de sang étaient du DDT qui est interdit au Costa Rica depuis plusieurs années. Les scientifiques pensent que les produits chimiques se sont accumulés dans l’environnement en raison de leur insolubilité et se sont accumulés dans les tissus de grands animaux.

Les mammifères aussi font les frais de cette utilisation massive de pesticides. Par exemple, une expérience de 2013 a révélé des traces de sept pesticides différents couramment utilisés dans la production de bananes, d’ananas et de cacao dans des échantillons de sang, de fourrure et de salive de paresseux vivant à proximité de zones agricoles. Se nourrissant dans les arbres qui bordent les fermes (lisières de forêts, fragments de forêt et clôtures vivantes), ils sont exposés à un risque élevé de contamination et éventuellement de bioaccumulation. Avec à la clé, des problèmes de reproduction et de malformations.

 L’utilisation excessive de pesticides conduit également au développement de résistance chez les ravageurs. Il en résulte également un appauvrissement certain des terres avec une baisse drastique de leur fertilité.

 

On retrouve également des cas de malformation, notamment chez les paresseux et les singes, qui seraient dues à l’utilisation massive de pesticides dans certaines exploitations.

D’autres études suspectent également le rôle des pesticides dans changement de couleur du pelage de certaines colonies de singes hurleurs. En effet, de nombreux produits de synthèse pulvérisés pour protéger les futures récoltes des différents parasites contiennent du soufre qui interagirait avec la mélanine (pigment contenu dans les poils et responsable de la couleur brune de la fourrure), provoquant alors un changement de structure du pigment et donnant ainsi naissance à la phéomélanine, retrouvée dans les parties jaunâtres du pelage des singes hurleurs.

Outre le fait que cette découverte démontre que les pesticides se retrouvent vraiment partout, il faut noter que cette couleur de fourrure beaucoup plus claire rend ces singes beaucoup plus visibles et donc beaucoup plus vulnérables.

En 1970, le Costa Rica a créé un organisme administratif appelé National Pesticide avec des commissions chargées d’examiner, de réviser et de faire appliquer la législation sur les pesticides.

Mais cette législation fait interagir de trop nombreuses entités aux rôles mal définis et qui se chevauchent souvent, ce qui rend son application difficile. La corruption facile et fréquente ne fait qu’accentuer le problème.

De l’avis général, les politiques relatives à l’environnement et à la santé sont rigoureuses et bien rédigées, mais il y a généralement un conflit entre le désir de se conformer aux lois et soutenir le mode de vie vert que le Costa Rica tient en si haute estime et le désir de maximiser les profits et d’accélérer le développement en prenant des raccourcis non viables.

MENACES SUPPLÉMENTAIRES DIRECTES SUR LA FAUNE SAUVAGE :

Le problème des chiens errants

Dans la province de Limon encore plus qu’ailleurs, les chiens errants sont un véritable fléau pour la faune sauvage.

Notamment en ce qui concerne les paresseux. Ces animaux vivent quasiment toute leur vie dans les arbres et ne descendent sur le sol que pour déféquer, plus ou moins une fois par semaine en fonction de l’espèce. Ils sont alors extrêmement vulnérables, car même armés de griffes acérées et de bonnes dents, ils ne peuvent fuir et résistent rarement aux attaques de chiens.

Le Costa Rica a fait voter une loi pour que les chiens soient tenus en laisse mais cette loi n’est que très rarement appliquée, encore moins dans les campagnes que dans les villes.

Les associations de protection de la faune sauvage ont donc très souvent dans leurs programmes, la stérilisation des chiens.

Le pays héberge d’ailleurs le plus grand refuge pour chien au monde, sur un territoire de plus de 60 hectares, « le territoire des chiens errants » ou Territorio de Zaguates », Zaguate signifiant chien de rue, dans les montagnes au Nord de la capitale, qui récupère surtout, soigne, stérilise et fait adopter des chiens des villes livrés à eux-mêmes après avoir été abandonnés.

https://fb.watch/5zGaGvrFgn/

Le problème est du même acabit avec les chats errants, qui ont été abandonnés, qui se reproduisent de façon exponentielle et déciment également un certain type de faune, surtout les oiseaux et les reptiles

 

Trafic routier

En ville, la pollution est forte et notoirement accentuée par les embouteillages et le manque de transports en commun. Le mode de vie des Costaricains est passé de essentiellement rural à urbain en 15 ans à peine et le pays n’était pas prêts pour un changement aussi rapide. Par exemple, il n’y a qu’un seul train qui circule dans San José, qui concentre pourtant 2,5 millions d’habitants, périphérie incluse, soit près de 50 % de la population du pays.

Dans son programme de décarbonisation, le Costa Rica a pour objectif Zéro voiture neuve à émission carbone à l’horizon 2050.

Le plan prévoit un premier palier en 2030 pour limiter le nombre de voitures en circulation chaque jour à 1,5 million (moitié moins qu’aujourd’hui) et convertir 70 % des bus et des taxis à l’électrique. Ils devront tous y parvenir en 2050, ainsi que 60 % des véhicules particuliers. Les voitures neuves à émission carbone seront alors interdites à la vente.

Outre le problème de pollution du aux voitures, ces dernières sont également responsables de la mort de nombreux animaux.

Nombre d’entre eux périssent en traversant les routes.

Au bord des routes, on peut voir des panneaux demandant aux automobilistes de ralentir, de freiner et d’être vigilant concernant la faune sauvage susceptible de traverser, une campagne de sensibilisation avait d’ailleurs été lancée et à certains endroits, des ponts suspendus ont été mis en place pour permettre aux paresseux de traverser les grandes routes.

A titre d’exemple voici les statistiques 2020 du Jaguar Rescue Center où on note que 44 des animaux récupérés sur les 828 ont subis des accidents de la route.

 

Lignes électriques

Une autre cause majeure de mortalité pour la faune sauvage, surtout pour les paresseux singes et oiseaux sont les câbles électriques qui restent à nu et qui cause l’électrocution, de graves lésions ou la mort de très nombreux individus.

A titre d’exemple, les statistiques ci-dessus du Jaguar Rescue center en 2020, 42 animaux sur les 828 avaient été victime d’électrocution.

Presque toutes les lignes électriques utilisées au Costa Rica sont aériennes et construites avec des matériaux conducteurs en aluminium nu. Ils sont une cause continue de risque d’électrocution pour tout être vivant qui entre en contact avec ou s’approche des lignes.

On distingue les lignes basse tension (de 120 et 240 volts) et les lignes moyenne tension (supérieures à 14 000 volts) ainsi que les transformateurs installés dans les poteaux qui ont les mêmes niveaux de tension que les lignes électriques et sont donc tout aussi dangereux pour la faune que les lignes elles-mêmes.

Le Jaguar Rescue center travaille en coopération avec l’ICE (le fournisseur national d’électricité du réseau) sous la supervision du MINAE (l’organisme gouvernemental responsable de l’environnement). Les lieux où il y a le plus d’accidents sur la côte Caraïbe sont répertoriés pour être traités en priorité et la Fondation de la forêt primaire de La Ceiba du Jaguar Rescue Center s’est engagée à fournir des matériaux et équipements isolants dans les cas où ICE ne dispose pas d’un stock suffisant.

 

CONCLUSION

Dans les médias et la télévision, le Costa Rica est souvent cité comme exemple, mais sur le terrain, la réalité est parfois différente.

 Les lois environnementales et de protection des animaux qui existent ne sont pas toujours respectées, les populations n’étant pas toujours au courant des lois, ou alors les sanctions sont inexistantes ou inappliquées, des décrets atténuent ou contredisent la loi nationale dans certaines régions, permettent des exceptions qui ont tendance à se généraliser et il existe un problème de corruption à différents étages dans tout le pays…

Cependant, s’il est vrai qu’il y a encore de nombreux points à améliorer dans le pays, il est indéniable qu’il existe au sein de la population une véritable envie de protéger la richesse nationale que représente la faune et la flore.

 Bien entendu car c’est une source de revenus pour tous ceux, nombreux, qui vivent directement ou indirectement de l’écotourisme, mais aussi en général car il existe une notion de respect de la nature de plus en plus ancrée chez chaque individu, grâce notamment à l’éducation. De nombreux messages sont aussi présents dans les aéroports et lieux publics et tous les guides et autres locaux avec qui nous avons eu la chance de discuter insistent bien sur l’importance de la protection de l’environnement.

 

Au Costa Rica, l’état d’esprit est différent d’ailleurs, la célèbre expression « Pura vida » n’est pas qu’un slogan publicitaire, c’est tout un art de vivre au positif.

Alors effectivement, son fonctionnement n’est pas parfait : le Costa Rica est surtout particulièrement bon en marketing, et sait communiquer à l’international pour faire rêver et donner envie aux gens de venir à la rencontre de ce petit territoire et de ses habitants humains et non humains plutôt que de choisir d’autres destinations.

Quoi qu’il en soit, n’oublions pas que le Costa Rica a fait le pari de la préservation, bien avant la prise de conscience mondiale du problème environnemental. Et qu’il parvient mieux que les autres nations pour l’instant, en fonction de ses particularités géographique, climatique et sociale, en tenant compte de ses limites et dysfonctionnements, à concilier développement économique du pays et respect de la nature.

Très récemment en mai 2021, le président de la République du Costa Rica, associé à son homologue gabonais, a de plus appelé à modifier le droit international afin que la prévention et la lutte contre la criminalité liées aux espèces sauvages soient intégrées dans le cadre du droit pénal international par le biais d’un nouvel accord mondial. Il s’agirait alors d’un quatrième protocole de la convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée (UNTOC ou Convention de Palerme) qui s’ajouterait à ceux déjà existant concernant la traite des personnes, le trafic illicite de migrants, le blanchiment d’argent ainsi que la fabrication et le trafic illicite d’armes à feu.

Un pas de plus dans l’investissement de ce petit pays dans la protection de l’environnement et de la biodiversité.

 

Sources et aller plus loin :

https://stopanimalselfies.org/wp-content/uploads/2019/10/AF-codigo-etico-ingles.pdf

https://ticotimes.net/travel/costa-rica-zoo

Relâché d’un paresseux avec le Meso American Rescue Centre

https://www.jaguarrescue.foundation/en-us/AboutJRC/LaCeibaReleaseStation

Animal Rescue Center

https://journals.openedition.org/vertigo/12920

http://www.imagenes-tropicales.com/FRANCAIS/infos_generales_Costa_Rica/Fiches_Infos/Indien/Indien-CostaRica.htm

Le Sanctuaire pour paresseux

https://www.deleguescommerciaux.gc.ca/costa-rica/market-reports-etudes-de-marches/0004215.aspx?lang=fra

La question des pesticides au Costa Rica

Les travailleurs des plantations d’ananas voient rouge au Costa Rica

https://unctad.org/system/files/official-document/INFOCOMM_cp08_PalmOil_fr.pdf

https://www.maxisciences.com/singe/a-cause-de-l-homme-ces-singes-du-costa-rica-changent-de-couleur_art42257.html

https://www.law.ufl.edu/law/wp-content/uploads/2012/04/2014-CR_Public-Health-Practicum_Report-final.pdf

https://www.jaguarrescue.foundation/en-us/WhatweDo/JRCStatistics2020