Le trafic faunique est toujours aussi lucratif.

4ème trafic le plus important au monde derrière celui de la drogue et des armes, le commerce illégal de la faune sauvage continue de faire des ravages au sein de populations très variées d’animaux. C’est un sujet vaste et complexe. Les experts ont identifié le commerce international des animaux de compagnie exotiques comme étant, notamment, un facteur important et croissant de perte de biodiversité. Les scientifiques par exemple ont décidé de ne plus publier la localisation des nouvelles espèces découvertes et renseignées, c’est le cas par exemple du Journal Taxa. Les trafiquants se servent de ces découvertes pour promouvoir le commerce d’espèces nouvelles et rares, causant par la même une perte massive de biodiversité dans les années qui suivent cette découverte. Internet a permis à un grand nombre de trafiquants un accès à un vaste marché virtuel où l’anonymat est garanti et les profits sont flagrants puisque la vente des espèces sauvages en voie de disparition peut être extrêmement élevées. De plus, ce trafic faunique pousse à une plus grande proximité entre les humains et les animaux, facilitée par nos activités humaines (déforestation, etc.). Cette proximité peut avoir des effets ravageurs sur la sécurité et la santé des humains via l’émergence accrue de maladies infectieuses issues de zoonoses comme la pandémie actuelle de la Covid19. Il existe également un phénomène de zoonoses inverses (reverse zoonoses) qui provient d’un microbe humain qui contamine d’autres animaux, comme c’est le cas pour la covid19 et la contamination des visons exploités pour leur fourrure dans les fermes.  Pour plus d’informations à ce sujet précis, nous nous permettons de vous renvoyer sur le dernier rapport IPBES  #PandemicsReport: Escaping the ‘Era of Pandemics’

Ces dernières semaines, les médias ont parlé d’un démantèlement de trafic sur des petits polatouches, une espèce d’écureuil volant ainsi que de l’opération « Thunder » d’Interpol.

Le trafic de petits polatouches

Le bureau de protection de la faune et de la flore de l’État de Floride (Etats-Unis) vient en effet d’annoncer le démantèlement, après 19 mois d’enquête, d’un réseau international composé de 7 personnes qui a expédié plusieurs milliers d’individus de polatouches en Asie. La valeur estimée de leurs méfaits dépasse le 1 million de dollars soit presque 850 000 euros.

Leur trafic était d’ampleur. Pendant 3 ans, sur plusieurs états américains, l’équivalent de 10 000 pièges a été utilisé pour capturer ces rongeurs notamment en Floride où ils sont une espèce protégée. Une fois attrapés, et par un système de coursiers entre plusieurs Etats pour pouvoir brouiller les pistes, ils étaient envoyés en Corée du Sud où plus de 3600 individus ont été vendus comme animaux de compagnie exotiques.

Outre ces écureuils volants, des tortues d’eau douce et des alligators, eux aussi protégés, ont été concernés par ce braconnage conséquent. Grant Burton, chef de la cellule d’investigation de la FWC (Florida Fish and Wildlife Conservation Commission) a déclaré que les auteurs de ces faits  pourraient avoir gravement endommagé les populations d’animaux sauvages de la Floride”.

Les écureuils volants, constitués de différents groupes de rongeurs dont font partie les polatouches, sont d’apparence très similaire aux autres écureuils. La différence majeure est leur membrane reliant leurs pattes avant avec celles d’arrière qui, une fois déployée dans les airs, leur permet de planer d’arbre en arbre. C’est un animal principalement nocturne.

L’opération Thunder d’Interpol

Cette opération mondiale a été menée entre le 14 septembre 2020 et le 11 octobre 2020 dans 103 pays. C’est la 5ème opération de ce type. Elle a permis l’arrestation de 699 trafiquants et plus de 2 000 saisies d’animaux sauvages et de produits issus de la flore protégés par la CITES (Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction).

Au total la saisie comprenait :

> Plus de 1,3 tonne d’ivoire
> Plus d’une tonne d’écailles de pangolins, représentant environ 1700 pangolins tués
> 56 200 kg de produits marins
> 87 camions de bois (950 tonnes)
> 15.878 kg de plantes

Plus de 45 500 spécimens d’animaux et de plantes vivants ont été récupérés au cours de l’opération, dont :
> 1 400 tortues et tortues et 6000 œufs de tortues ou de tortues
> 1 160 oiseaux
> 1 800 reptiles

« Ce type de trafic est le quatrième plus important au monde et il représente une activité illégale lucrative, dont les conséquences sont dévastatrices non seulement pour l’environnement mais aussi pour la société, la santé publique et l’économie mondiale », commente le secrétaire général d’Interpol, Jürgen Stock.

« Il s’accompagne souvent, en effet, de faits d’évasion fiscale, de corruption et de blanchiment d’argent, et même d’homicides, perpétrés par des groupes criminels ayant recours aux mêmes itinéraires de contrebande que le trafic d’armes, de drogue ou la traite d’êtres humains », ajoute-t-il.

Images Interpol

Les animaux sauvages détenus par les particuliers

Ces dernières années, nous observons une hausse non négligeable d’animaux sauvages détenus par des particuliers en France et en Europe. Il n’existe aucun chiffre officiel quant au marché des animaux sauvages. Eurogroup for Animals parle de 200-300 millions d’animaux sauvages. En France sur les 5 488 espèces de mammifères connus environ 95% sont autorisés à la détention. Par exemple, réglementairement parlant, sur les 440 espèces de primates connus (IUCN) en France il est possible d’en détenir 432 (soit 98%). Concernant les fauves, sur les 41 espèces connus, il est possible d’en détenir 40 soit 98%. Selon AAP, le nombre de sauvetages qu’ils effectuent a triplé depuis 2000 et la diversité des espèces a considérablement augmenté.

L’Union Européenne est un large marché pour les animaux sauvages : entre 2005 et 2007 par exemple, 6.7 millions de reptiles de différentes espèces ont été importées dans l’UE pour le marché des animaux de compagnie. Or des rapports scientifiques ont estimé que 75% des reptiles mourraient dans la première année de l’acquisition chez le particulier. Il s’agit d’une fourchette basse. L’Union Européenne est le deuxième plus gros importateur de reptiles vivants dans le monde.

Au-delà de la question du trafic faunique pour le marché des animaux sauvages chez les particuliers, nous pouvons également mentionner les problématiques liées à la condition animale, à la perte de biodiversité liée aux espèces dites « invasives », à l’aspect sanitaire lié aux zoonoses.

Pour rappel, en France, le trafic d’animaux exotiques est puni de 6 mois d’emprisonnement et de 9000 euros d’amende. Si il s’agit d’espèces protégées, la sanction passe alors à 7 ans de prison et 150 000 euros (jusqu’à 750 000  euros pour les trafiquants opérant en bande organisée).

Retrouvez plus d’informations sur notre dossier spécial « NAC » :

https://www.code-animal.com/les-campagnes-code-animal/campagne-nacs/

Mickaël Paul & Alexandra Morette

Source :

https://www.interpol.int/fr/Actualites-et-evenements/Actualites/2020/Wildlife-and-forestry-crime-Worldwide-seizures-in-global-INTERPOL-WCO-operation

https://www.geo.fr/environnement/floride-un-trafic-illegal-de-milliers-decureuils-volants-demantele-202562

Toland E. et al – The Exotic Pet Trade: Pet hate 2012; Warwick E. The Mortality of the Reptile “Pet” Trade; 2014