Focus sur le paresseux : animal emblématique du Costa Rica

Lors de notre périple au Costa Rica, il est un animal qu’il nous a été donné de croiser à maintes reprises, dans les sanctuaires, les parcs et au sommet d’arbres sur les plages désertes des Caraïbes, c’est le paresseux.

PRÉSENTATION GÉNÉRALE

Seules deux espèces (classées Préoccupation mineure sur la liste rouge de l’IUCN) sur les 6 existantes, sont présentes au Costa Rica.

On les distingue assez aisément grâce à leurs caractéristiques morphologiques et comportementales qui différent sur plusieurs points.

 

Communément appelés paresseux à deux doigts ou à trois doigts (pour le nombre de doigts aux antérieurs), ils appartiennent tous deux au Super ordre des Xenarthra, des mammifères placentaires édentés présents de nos jours à l’état naturel uniquement en Amérique et dont les origines remonteraient au début du tertiaire (il y a environ 60 millions d’années).

Ce super ordre se divise en l’ordre des Cingulatas (les tatous) et l’ordre des Pilosa,( celui des fourmiliers et des paresseux), ce dernier étant lui-même divisé en sous ordre des Folivora pour les paresseux, vermilingua pour les fourmiliers.

-Les paresseux dits à 2 doigts appartiennent à la Famille des Megalonychidae, Genre Choloepus (=Unau) qui comptent 2 espèces Choloepus Hoffmani qui est celle rencontrée au Costa Rica et  Choloepus didactylus non présente au Costa Rica,

-Les paresseux dits à 3 doigts appartiennent à la Famille des Bradypodidae, Genre Bradypus.

L’espèce retrouvée au Costa Rica est Bradypus Variegatus, (appelé aussi paresseux à gorge brune ou Aï).

Il existe en fait 4 espèces pour le genre Bradypus.

Bradypus torquatus est placé en Vulnérable, tridactylus en préoccupation mineure.

Le cas de Bradypus pygmaéus mérite qu’on s’y attarde même s’il ne vit pas au Costa Rica.

Il n’a été découvert qu’en 2001, sur l’île Escudo de Veraguas, au large du Panama.Et il est classé En Danger Critique d’Extinction par l’IUCN.

En fait, l’Escudo de Veraguas, berceau du peuple Ngöbe – Buglé est restée en grande partie non peuplée jusqu’en 1995.

D’abord classée zone protégée en 2009, l’île a ensuite été en 2012 déclarée ouverte au développement touristique, la recherche, le divertissement et les sujets culturels par le gouvernement.

Les pêcheurs Ngöbe – Buglé des villes côtières voisines ont emménagé, utilisant d’abord l’île comme base pour les parties de pêche, puis se sont installés de manière permanente.

Fin 2012, environ 120 pêcheurs et leurs familles étaient déjà installés sur l’île.

L’Ile subit depuis les méfaits d’une déforestation par les populations locales qui utilisent le bois de l’île comme combustible ou matériaux de construction, réduisant et morcelant d’autant plus le territoire déjà très restreint des paresseux endémiques. On sait en effet que ces derniers vivent dans les mangroves mais qu’il se déplacent également dans la foret, des suivis grâce a des colliers GPS ayant en effet permis de mieux connaître leurs déplacements.

Photo credit : Sophie Wyseur pour Code Animal

Le commerce illégal de ces paresseux dans le but d’en faire des animaux de compagnie, ou pour la satisfaction de certains « collectionneurs « est également un problème majeur. Certains zoos ont souhaité en acquérir pour les présenter au public, comme ce zoo américain qui en a capturé 10 en 2013, alors qu’on ignorait encore la façon dont ils vivaient et se nourrissaient.

Devant les protestations véhémentes des associations pour la faune sauvage du Panana, les 10 animaux capturés avaient été relâchés sur l’île mais 2 individus étaient morts peu de temps après.

Les paresseux sont considérés comme les plus anciens représentants des mammifères.Il y a 10 millions d’années, il existait  des formes terrestres, habitantes des savanes et souvent géantes, et des formes arboricoles qui, elles, ne dépassèrent jamais le sud du Mexique.Les paresseux actuels sont des animaux arboricoles, évitant la plupart du temps de descendre sur le sol, où ils sont beaucoup plus vulnérables, du fait de leur lenteur et de leur morphologie non adaptée à la marche.

Une étude publiée en 2014 révèle également que les représentants du  genre Thalassocnus ( environ 8 Millions d’années) mesuraient environ 3 mètres de long pour un poids de 200 kg et passaient sans doute le plus clair de leur temps en milieu aquatique, à la recherche de rhizomes de plantes immergées qu’ils extrayaient grâce à leurs longues griffes.

Photo credit : Sophie Wyseur pour Code Animal

Une soixantaine de genres de paresseux appartenant à deux grands groupes ont été décrits :

  • d’un côté, la famille des mylodontités 
  • de l’autre, celles des mégalonychidés, des choloépidés, des mégathéridés et des bradypodidé

Dans la famille des mégathéridés, le mégathérium qui vivait au pléistocène en Amérique du Sud mesurait 6 m de long et  pesait plus de 3 tonnes ! Il s’est éteint sans laisser de descendance, il y a environ 10 000 ans, victime des changements climatiques.

Son métabolisme, sans doute beaucoup moins économe que celui des paresseux actuels, couplé à sa grande taille exigeaient une grande quantité de nourriture qui a peut-être manqué ensuite. Sa disparition coïncide aussi avec l’apparition des homos sapiens.

Il semblerait qu’il ait les mêmes ancêtres que les bradypodidés actuels, ( ou paresseux à trois doigts), dont subsistent actuellement les 4 espèces B.pygmaeus, varigatus,tridactylus et torquatus.

Quant à la famille des mégalonychidés, elle ne comporte aujourd’hui plus que deux espèces du genre Choloepus, petits paresseux à deux doigts vivant en Amérique centrale et du Sud, Choloepus didactylus et Cholopeus Hoffmani, ce dernier étant celui retrouvé au Costa Rica.

PARTICULARITÉS LIÉES AU SOUS-ORDRE DES FOLIVORA

Les paresseux sont différents des autres mammifères à bien des égards.

Voici les particularités les plus marquantes de ces animaux :

Le paresseux actuel est donc arboricole et descend très rarement au sol, environ une fois par semaine pour déféquer, il peut alors perdre un tiers de son poids!

Sa digestion est extrêmement lente, jusqu’à un mois pour certains végétaux. L’estomac à plusieurs compartiments ( qui représente environ 30% de la masse corporelle totale chez un animal adulte alors que l’intestin est relativement court) et il est rempli de protozoaires et bactéries qui dégradent les aliments ingérés mais seulement  à hauteur de 0,2 à 13,4% par jour.

Il a été démontré que chaque individu avait des habitudes alimentaires assez précises alors que le régime folivore de l’espèce est très varié.Cela semble être du à la façon dont la mère éduque ses petits. Allaité jusqu’à l’âge de 3 à 4 semaines seulement, le nouveau né d’abord accroché ventralement aux mamelles pectorales de sa mère passe ensuite sur son dos jusqu’à ses 5 mois environ. Il va alors acquérir par mimétisme les memes préférences alimentaires que celles de sa mère et dans  le même temps, les micro organismes  capables de digérer ces aliments. Il s’opère alors une véritable spécialisation de la flore digestive qui rendra difficile voir impossible un changement brutal de régime alimentaire.

Photo credit : Sophie Wyseur pour Code Animal

Des déplacements très lents

Les paresseux se déplacent d’environ 2,45 mètres par minute.

L’animal est parfaitement adapté à son mode de vie dans les arbres, il vit la plupart du temps la tête en bas PHOTO REFLUX EMPÊCHÉS VALVES

Ses mouvements très lents lui permettent de passer plus inaperçu pour ses prédateurs mais sont aussi un sérieux handicap s’il se retrouve au sol où il n’est pas capable de marcher mais avance plutôt a la force de ses bras en rampant sur le sol.

En revanche, il peut être un excellent nageur comme l’ont prouvé certaines observations de terrain.

La lenteur de leurs mouvements associée au fait qu’ils puissent se reposer plus de 14 heures par jour sont des adaptations efficaces et les garants de leur survie à travers les millénaires malgré un régime alimentaire très pauvre en énergie.

Une température corporelle et une musculature différente de celle des autres mammifères 

Un autre caractéristique physiologique marquante des paresseux par rapport aux autres mammifères est leur température corporelle beaucoup plus basse, environ 32°C, alors que la moyenne est de 36° pour les autres représentants de la même classe. C’est bien entendu en adéquation parfaite avec leur métabolisme de base, c’est à dire les besoins énergétiques « incompressibles » de l’organisme, très bas en comparaison avec la plupart des autres mammifères.

Ainsi, la dépense d’énergie minimum quotidienne pour maintenir l’organisme en vie est minimale, tout est au ralenti et c’est très économique !

Effectivement, maintenir une température corporelle stable coûte énergiquement très cher à l’organisme et les paresseux semblent avoir « sacrifié » cette compétence au cours de l’évolution.

Ils ont plus un fonctionnement de poikilothermes (leur température corporelle varie avec celle du milieu dans lequel ils sont) que d’homeothermes (la température corporelle reste stable malgré les écarts de températures externes).

A cette singularité pour un mammifère d’avoir une température basse et variable s’ajoute le fait que la masse musculaire des paresseux est environ 30% inférieure à celle d’un autre mammifère de même taille, ce qui est aussi une méthode efficace pour économiser de l’énergie.

Mais cela ne les empêche pas d’être étonnamment forts et résistants à la fatigue musculaire, ce qui est sans doute due à la structure même et l’implantation de leurs muscles.

 

Des algues et des insectes dans les poils 

La fourrure du paresseux grouille de vie ! Des centaines d’insectes (papillons et coléoptères), et d’acariens vivent en permanence en commensalité dans l’humidité relative des poils de chaque individu.

Les femelles papillon, (des pyrales) quittent leur hôte quand celui-ci descend déféquer, et pondent dans les selles produites. Après la métamorphose de la chenille, l’adulte remonte à la cime des arbres à la recherche du pelage du paresseux et se reproduit sur lui, le cycle peut continuer.

La présence aussi d’une microflore d’algues unicellulaires comme des chlorophytes,des cyanophytes, des chrysophytes ou des rhodophytes entraîne une coloration verdâtre du pelage et permet un meilleur camouflage, ces algues servent aussi de nourriture aux arthropodes présents sur le corps du paresseux.

Un squelette particulier 

Le Bradypus a 9 vertèbres cervicales, c’est plus que tous les autres mammifères (l’immense majorité en possède 7), ce qui lui permet de tourner la tête à 270 degrés environ.

En revanche, le Choloepus n’en a que 5 ou 6 en fonction des espèces (comme le lamentin).

D’autre part, les Xénarthres se caractérisent par l’existence d’une articulation particulière entre la dernière vertèbre dorsale et la première lombaire : cette articulation à laquelle les Xénarthres doivent leur nom, est due à la présence d’apophyses supplémentaires sur ces vertèbres (Quillet Suppl.1971).

Photo credit : Sophie Wyseur pour Code Animal

PRINCIPAUX RISQUES PESANT SUR LES PARESSEUX

Sa popularité

Depuis quelques années, le paresseux est très médiatisé, très à la mode.

De Sid dans les différents épisodes de l’âge de glace, à Flash dans Zootopia, en passant par Belt ( ou Brassé dans la version française ) dans les Croods, la mise en scène de ces personnages de fiction contribue à véhiculer une  image de l’animal très éloignée de la réalité mais motive aussi  certaines personnes à acquérir ce genre d’animal.

Ce phénomène est bien connu notamment en ce qui concerne les races de chiens, le boom des dalmatiens après la sortie du film les 101 dalmatiens, des cockers après Boule et Bill, des colleys après Lassie chien fidèle, des Saint Bernard avec Beethoven ou encore des huskys dans la série Game of Thrones, animaux alors « produits » en masse pour satisfaire la demande et aussi abandonnés en masse car ne correspondant évidemment pas à l’image que s’en été faite les acquéreurs qui souvent ne s’étaient pas correctement renseignés sur les véritables besoins de ces animaux.

Le même phénomène a existé avec le poisson clown et le film d’animation et son personnage principal Némo.

En effet, suite à l’immense succès du premier opus sorti en 2003, un million de poissons-clowns, semblables à son héros et personnage principal, aurait  été arrachés à leurs récifs coralliens pour être vendus comme poissons d’aquarium, des centres d’élevage ayant ensuite pris  le relais pour satisfaire la demande des aquariophiles. Entre deux, la pêche au cyanure de ces animaux a grandement endommagé les récifs coralliens.

Photo credit : Disney

Les exemples ne manquent malheureusement pas, que ce soit pour les animaux domestiques ou les animaux sauvages, victimes de l’« amour » soudain qu’on leur porte.

Marché juteux pour beaucoup, les élevages se multiplient alors, élevages intensifs parfois  avec les affres de la consanguinité en ce qui concerne les races de chien, les achats sans que soient pris en compte les besoins de l’animal, le temps qu’on peut lui accorder et les coûts d’entretien.

Pour les animaux sauvages, des captures dans le milieu naturel, des trafics en tout genre…

Avoir un paresseux chez soi est fashion… les » stars « se mettent en scène avec leur animal favori ( du moment), créant ainsi un engouement d’un public qui cherche à leur ressembler…

La vidéo virale de l’actrice américaine Kristen Bell qui a comme surprise d’avoir un paresseux chez elle pendant 3 heures pour son anniversaire… n’est pas vraiment l’image que les protecteurs de la nature voudrait voir véhiculer … Cela ne fait qu’augmenter l’intérêt de certaines personnes à avoir un paresseux comme animal de compagnie, ce qui nécessite toutefois de gros moyens financiers, le prix de vente n’étant pas à la portée de toutes les bourses (entre 6000 et 10 000 euros ) et cela incite les autres aux selfies, certains propriétaires américains faisant commerce de leurs « protégés » en  les louant pour des soirées ou autres animations.

Ce genre d’activité n’incite pas à protéger les  animaux dans leur milieu naturel et les respecter en tant qu’être sensible.

Heureusement aujourd’hui, de nombreuses associations et vétérinaires aux USA  alertent de plus en plus sur les dangers et l’aberration d’acquérir un tel animal.

Aux USA, les lois diffèrent en fonction des états et certains autorisent des particuliers à avoir des paresseux chez eux, avec plus ou moins de contraintes légales.

Il y aurait des élevages aux USA mais la plupart du temps, les animaux sont issus de trafics illégaux et viennent notamment de Colombie.

Les paresseux comme les autres animaux sauvages au Costa Rica sont soumis aux mêmes problématiques en ce qui concerne leur survie.

Au braconnage s’ajoutent les risques inhérents à la déforestation, la pollution aux pesticides, le trafic routier, les chiens errants (voir nos différents articles à ce sujet).

JOURNÉE MONDIALE POUR LES PARESSEUX ET CENTRES DE SAUVEGARDES AU COSTA RICA

Tous les ans depuis 2010 est célébrée la journée internationale des paresseux le 20 octobre, à l’initiative de l’association colombienne AiUnau qui défend ces animaux.

Cette journée a été établie par la fondation après la célébration de la première rencontre internationale sur le bien-être et la conservation des paresseux, qui s’est tenue à Medellín – Colombie, en novembre 2010. Le but de cette initiative est de mettre en exergue l’importance de tous les êtres vivants et de la nature. Avec cette journée, l’association souhaite générer une plus grande connaissance de ces êtres si particuliers et donc la reconnaissance de l’importance de leur présence dans les forêts.

Au Costa Rica, beaucoup de centre de sauvegarde récupèrent les paresseux en difficulté.

Le sloth sanctuary est l’unique centre au monde dédié à la recherche, au sauvetage et à la réhabilitation des paresseux (voir notre article à ce sujet :

Il y a aussi le Sloco ou Sloth conservation foundation (). Nous avions rencontré Sarah, une des responsables, qui nous expliquait le fonctionnement de la fondation et le travail de suivi par télémétrie, grâce à des « sacs à dos émetteurs « des paresseux qui pouvaient être relâchés.

Photos prises au Sloth sanctuary

Il y a également le sloth insitute sur la côte pacifique, à Manuel Antonio ( où nous ne nous sommes pas rendus)

Et bien sûr tous les autres centres et refuges non spécialisés dans la sauvegarde des paresseux mais qui en récupèrent aussi, comme le Meso American Rescue center

Sophie Wyseur

Photo prise au Animal Rescue center

Sources

https://fr.qaz.wiki/wiki/Three-toed_sloth

https://academic.oup.com/jmammal/article/96/4/703/840632

https://www.aiunau.org/quienes-somos/

www.fondationensemble.org/projet/empowering-communities-to-protect-declining-ecosystems-shielding-from-extinction-the-pigmy-three-toed-sloth-bradypus-pygmaeus-phase-ii/

https://fr.qaz.wiki/wiki/Isla_Escudo_de_Veraguas

https://academic.oup.com/jmammal/article/96/4/703/840632

https://www.sciencesetavenir.fr/archeo-paleo/il-y-a-10-millions-d-annees-des-paresseux-geants-peuplaient-les-mers_21615

https://www.larousse.fr/encyclopedie/vie-sauvage/paresseux/184556

https://www.bbc.com/news/magazine-26734289

https://www.xenarthrans.org/

https://www.proximus.be/pickx/fr/2086507/celebrons-la-journee-internationale-des-paresseux-avec-ces-personnages-animes

« Le monde de Dory » au cinéma ! et demain, un monde sans Dory ?

https://www.thesprucepets.com/pet-sloths-1239558

https://slate.com/human-interest/2017/03/is-it-legal-to-own-a-sloth-in-the-u-s.html

https://www.code-animal.com/le-sanctuaire-pour-paresseux/)

https://slothconservation.com/

Welcome to The Sloth Institute

 

Relâché d’un paresseux avec le Meso American Rescue Centre

 

Día Internacional del Perezoso