Réseaux sociaux et maltraitance animale : le double tranchant d’une visibilité accrue

Les réseaux sociaux sont aujourd’hui au cœur de notre société et continuent à prendre de plus en plus de place dans la vie des Français. C’est donc tout naturellement que leur rôle dans diverses prises de décisions et modes de pensées est aujourd’hui primordial. Une bonne utilisation des réseaux associée à un contrôle de qualité sur ces derniers peut permettre de mettre en avant certains phénomènes et de les éradiquer plus rapidement.

A l’inverse, les réseaux peuvent parfois avoir un effet pervers en donnant de la visibilité à certains phénomènes dont l’éthique peut poser question et ainsi inciter certaines personnes à réaliser des actes peu recommandables afin de faire le « buzz ». C’est ce que nous allons décrypter aujourd’hui en prenant le cas de la maltraitance animale.

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Partie 1 : les différents visages de la maltraitance animale

Pour la plupart des individus, la maltraitance animale passe forcément par des coups, de la malnutrition et toute sorte de mauvais traitements physiques.

Cependant, la maltraitance peut prendre diverses formes et n’est pas forcément synonyme de violence. Un cas classique de maltraitance silencieuse se retrouve fréquemment sur les réseaux sociaux. En effet, un des phénomènes que l’on retrouve fréquemment depuis quelques années, concerne la mise en scène de certains animaux par leurs propriétaires dans le but d’amuser les internautes. Déguisements, danse, situations stressantes et effrayant l’animal… Si ces actions peuvent paraître anodines et faire rire, elles s’apparentent en réalité à une nouvelle forme de maltraitance.

En donnant de la visibilité à ce type de contenu, c’est tout un cercle vicieux qui se met en marche. En effet, sur Instagram par exemple, il n’est pas rare de trouver des comptes dédiés à des animaux comptant des millions d’abonnés. Les propriétaires peuvent ensuite signer des partenariats avec certaines marques et l’appât du gain peut les pousser à toujours plus innover pour faire rire les abonnés sans prendre en compte les besoins de l’animal en question. Selon la vétérinaire Hélène Gateau « il y a bien souvent de la maltraitance animale, ou en tout cas une méconnaissance de ce qui peut faire du mal à l’animal, à court terme, voire à moyen terme. (…) On effraie volontairement le chat, et on voit immédiatement les manifestations de peur ».

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Les chats sont bien souvent victimes de ce type de vidéos et en étant attentifs, on peut repérer plusieurs signes d’inconfort chez les animaux dans la grande majorité des vidéos. Deux exemples fréquemment observés sont la salivation excessive et léchage de babines à répétition. Ces deux signes sont la preuve que l’animal est en situation de stress et n’apprécie pas la situation dans laquelle il se trouve. 

En 2018, une vidéo avait fait le buzz et séduit les internautes. On y voyait un rat dans un évier, recouvert de gel douche et qui se frottait comme s’il se savonnait sous la douche. Sans toujours le savoir, en soutenant ce type de vidéo nous participons à des actes de maltraitance. En effet, le pauvre animal n’était pas en train de se doucher avec du savon mais tentait tant bien que mal d’enlever la substance de son corps.

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Les animaux sauvages ne sont pas épargnés

On pourrait avoir tendance à penser que ce type de phénomène ne concerne que les animaux de compagnie mais ce n’est malheureusement pas le cas. Les animaux sauvages sont également victimes de ce nouveau type de maltraitance. L’appel au buzz et le trafic d’animaux sauvages sont en réalité étroitement liés.

Nous pouvons prendre le cas des loris pour illustrer ce triste phénomène. Le loris est une sous-espèce menacée de lémurien. Il n’est pas rare de tomber sur des vidéos de loris les bras en l’air, se faisant chatouiller devant la caméra. Si cette image peut sembler touchante, il n’en est rien dans les faits puisque ce comportement indique que l’animal est en situation de stress extrême. En effet, dans la nature le loris lève les bras lorsqu’il est effrayé pour sécréter du venin avec une petite glande localisée sous ses bras. Ce venin, mélangé par la suite à sa salive, permet à l’animal de rendre sa morsure toxique.

En raison de l’ignorance de la grande majorité des internautes, les loris sont braconnés depuis des années pour servir d’animaux de compagnie. Ils vivent un enfer qui débute dés leur transport qui est réalisé dans des conditions effroyables et pendant lequel une grande partie trouvera la mort.

Par la suite, leurs dents sont souvent arrachées sans anesthésie pour éviter les morsures. Certains restent dans leurs pays d’origine en Asie et serviront d’attrape-touristes afin de réaliser des photos contre quelques euros ; d’autres seront exportés à l’étranger et vivront dans des conditions ne garantissant par leur bien être mental, alimentaire ou leurs besoins primaires. Le loris étant un animal aimant réaliser plusieurs kilomètres durant la nuit, il n’est pas difficile d’imaginer que vivre enfermé dans une cage est loin de pouvoir lui apporter ce dont il a besoin.

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Un autre cas similaire est celui du paresseux. Cet animal inoffensif est aujourd’hui menacée d’extinction en raison de la déforestation qui diminue son habitat mais également du trafic dont il est victime. Là encore, après avoir été arrachés à leur habitat naturel, beaucoup vont trouver la mort pendant le transport.

Le plus souvent, les paresseux sont utilisés pour attirer les touristes et leur faire payer des photos avec ces animaux sauvages. Là encore, ces pratiques sont désastreuses aussi bien sur le plan éthique que physique pour ces animaux qui dorment en moyenne 20h par jour dans la nature. Le non-respect de ce besoin physiologique associé au stress et aux manipulations à répétition peut engendrer une mort prématurée.

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Maltraitance animale : quelles solutions et quelles sanctions ?    

Face à la recrudescence de ce type de phénomène sur les réseaux, les autorités cherchent des solutions. Fin 2022, Gérald Darmanin avait annoncé sa volonté de créer une division nationale d’enquête composée de 15 policiers et gendarmes. Cette dernière a été créée en janvier 2023 et a pour but de lutter contre les mauvais traitements envers les animaux. Cette décision a été prise en 2021 à la suite de chiffres assez alarmants révélant qu’entre 2016 et 2021 les faits de violence sur les animaux avaient augmenté de 30% (chiffres officiels du gouvernement français). 

Le ministre de l’Intérieur avait également annoncé la mise en place d’un référent maltraitance animale dans tous les commissariats et gendarmes. Ces référents devront suivre une formation spécifique et agir en lien avec diverses associations de protection animale et les services vétérinaire de l’Etat.

Au-delà de ces mesures, les solutions pour lutter contre certaines formes de maltraitance animale sont entre nos mains à tous. Nous pouvons tous commencer par censurer, dénoncer et combattre les vidéos ou photos exposant des animaux domestiques ou sauvages à des situations inadaptées et stressantes.

Les réseaux sociaux ont eux aussi un rôle à jouer. Ils ont notamment un devoir de vigilance et de contrôle.

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Instagram l’a bien compris puisque l’application a décidé d’utiliser les mêmes outils que ceux qu’elle avait mis en place pour lutter contre les suicides et l’automutilation afin de lutter contre la mise en danger des animaux sauvages. Le réseau a bien compris son rôle dans la propagation de certaines mauvaises pratiques et tente d’intervenir pour les contrer.

La stratégie adoptée se base sur ces fameux « hashtags » utilisés par les internautes. Tout hashtag faisant référence à des animaux sauvages déclenche à présent de manière automatique une notification à destination de la personne ayant publié la vidéo ou la photo sur la maltraitance animale. Prenons le cas d’une personne en vacances en Asie et qui décide de se prendre en photo sur la plage avec un paresseux puis qui publiera sa photo avec le #paresseuxselfie. Il recevra automatiquement le message suivant « La maltraitance animale et la vente d’animaux en voie de disparition ou de certaines parties de leur corps n’est pas autorisée sur Instagram. Vous recherchez un hashtag qui pourrait être associé à des publications encourageant des comportements nuisibles pour les animaux ou l’environnement. »

Par la suite l’instagrammeur sera invité s’il le souhaite à se diriger vers une page apportant d’avantage d’information sur l’exploitation des animaux sauvages.  Le même principe est utilisé pour tout hashtag faisant référence à la vente d’animaux ou de parties d’animaux. Cette décision honorable prise par Instagram a fait suite à une enquête révélée par National Geographic sur le braconnage et le commerce d’animaux sauvages en Amazonie. Cette enquête mettait en évidence que la majorité des animaux braconnés étaient destinés au commerce de selfies.

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En ce qui concerne les sanctions, selon le code pénal tout individu exerçant « des sévices graves ou commettant un acte de cruauté envers un animal domestique, ou apprivoisé, ou tenu en captivité, est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende ».

A noter que « lorsque les faits ont entraîné la mort de l’animal, les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 75 000 euros d’amende ».

Malheureusement, les condamnations restent rares ou manque parfois de sévérité.

En revanche, il est clair que pour les maltraitances morales telles que celles que nous avons pu mettre en évidence plus haut, rien n’est pour l’heure établi légalement parlant.

Conclusion

Pour conclure, il est important de prendre conscience que la maltraitance peut avoir plusieurs visages.

Elle passe bien évidemment par des violences physiques et des actes de torture mais elle peut également être dissimulée derrière des photos ou vidéos en apparence innocentes.

Les réseaux sociaux ont aujourd’hui un véritable rôle à jouer pour être garants du contenu qu’ils diffusent. Les animaux ne sont pas des jouets et il est temps que chacun prenne conscience de cette vérité : nous avons tous un rôle à jouer dans ce grand combat qu’est la protection animale.

Cette maltraitance touche aussi bien les animaux domestiques qui se retrouvent bien souvent dans des situations de stress pour faire le buzz que les animaux sauvages qui sont fréquemment arrachés à leur environnements, transportés dans des conditions effroyables et utilisés à des fins de divertissement.  

Des sanctions existent et la loi tente progressivement de s’adapter à se durcir face à la multiplication de ces situations mais comme toute évolution, celle-ci prend du temps et c’est pourquoi il est de notre responsabilité à tous de changer notre manière de voir les animaux et de sensibiliser et d’informer notre entourage sur la réalité qui se cache derrière ces selfies en l’apparence anodins.

Johanna NIEF

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Sources

https://www.francetvinfo.fr/animaux/maltraitance-animale-comment-enrayer-le-phenomene-sur-les-reseaux-sociaux_5626715.html

https://www.francetvinfo.fr/animaux/animaux-les-autorites-veulent-endiguer-la-maltraitance-sur-les-reseaux_5627822.html

https://www.leparisien.fr/environnement/trafic-torture-la-terrible-realite-derriere-les-adorables-videos-de-loris-04-04-2017-6823341.php