« Nous avons sauvé les pandas de l’extinction, tandis que le reste de la Nature continue de s’effondrer »

« La problématique du statut de mascotte d’une espèce sauvage : derrière les efforts et les moyens mis en place pour sauver les pandas de l’extinction (considérés comme des stars dont la conservation est primordiale), les autres espèces menacées d’extinction sont invisibilisés / quid des autres espèces menacées d’extinction ? »

C’est en 1966, en Russie, qu’une tentative de reproduction entre deux pandas géants (Chi-Chi et An-An) a eu lieu, sans succès. Cela a marqué le début d’une campagne mondiale massive de reproduction des pandas en captivité, menacés d’extinction par la destruction de leur seul habitat naturel (sud-ouest de la Chine) et placés dans des zoos. La naissance de cette idée de « Panda mascotte » est en partie due au gouvernement chinois qui, dans les années 1970, offrait des pandas capturés à d’autres pays ; on parle de « diplomatie du panda ». A noter qu’aujourd’hui, les individus sont utilisés comme un outil politique et sont « prêtés » comme des marchandises vivantes, aux pays les accueillant. Ces pays d’accueil doivent payer un tribut tous les ans, c’est ce qu’on appelle le coût diplomatique [1].

L’ONG internationale WWF, le Fonds Mondial pour la nature (WorldWide Fund for Nature), a largement contribué à la mise en valeur des pandas en tant qu’icône pour la faune sauvage en le choisissant comme logo en 1961 (aussi car le noir et blanc étaient moins chers à imprimer, pratique !).

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Mais comment sauver les pandas géants ? La Chine et WWF ont souhaité s’appuyer sur deux approches. Celle d’établir des zones protégées, notamment en créant des dizaines de réserves forestières pour protéger les individus. En octobre 2021, la Chine a annoncé l’ouverture de son « Parc national du panda géant » : un habitat trois fois plus grand que le parc national de Yellowstone [2]. La seconde approche consistait à construire un élevage massif, mais les premières années étaient difficiles (au Japon, par exemple, un panda mâle est mort lors d’une procédure qui consistait à envoyer un choc électrique à la prostate de l’animal afin qu’il produise du sperme). D’autres actions ont été mises en place : la Chine, les États-Unis et d’autres zoos du monde entier ont alimenté la campagne d’élevage en captivité en investissant des dizaines de millions de dollars dans la recherche vétérinaire. De plus, il existe en Chine, plusieurs centres de reproduction et de recherche sur le panda géant (ouverts au public) [3].

[4] Depuis 2016, le panda n’est plus une espèce menacée d’extinction ; elle a été classée comme vulnérable par l’IUCN, l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (The International Union for the Conservation of Nature). Comme l’indique le journaliste spécialisé dans l’étude de l’environnement et de la faune sauvage, Benji Jones [5], : « Si les pandas géants sont les mascottes des espèces en danger, alors leur équipe est en train de perdre ». En effet, pendant ce temps-là, la majorité de la faune sauvage continue à décliner. Car même si la sauvegarde des pandas est une réussite, cela doit alerter sur le fait que le modèle de conservation qui a sauvé les pandas ne pourra pas sauver toutes les autres espèces en danger. L’idée était d’utiliser des espèces emblématiques telles que le tigre, l’éléphant ou le panda pour « attirer des fonds » et participer à la protection d’autres espèces. On parle d’approche « mono-espèce ou mono-spécifique » selon laquelle plusieurs espèces bénéficient des actions de conservation d’une seule espèce [6] : l’espèce parapluie (espèce dont le territoire est assez étendu pour que sa protection assure aussi celle des autres espèces qui l’entourent [7]).

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Tandis que la campagne pour sauver les pandas s’intensifiait depuis 1970, WWF a publié un rapport sur l’état de la biodiversité et de la planète en général en 2022 [8] « Les populations de la plupart des principaux groupes d’animaux, notamment les mammifères, les oiseaux et les poissons, ont diminué en moyenne de 69 % au cours du dernier demi-siècle ». De plus, les parcs conçus pour protéger les espèces emblématiques ne protègent pas toujours les autres animaux ; une étude publiée en 2020 [9] révèle que « quatre espèces de grands carnivores (le léopard, le léopard des neiges, le loup et un chien asiatique appelé dhole) ont décliné dans l’habitat du panda depuis le milieu du 20e siècle ».

La conservation des espèces t’elle qu’elle est menée a ses limites. Les structures zoologiques permettent à la population humaine de s’attacher aux espèces dites emblématiques, amenant par exemple la Chine à intensifier son travail de conservation des pandas. Certains chercheurs affirment que les campagnes visant à sauver ces espèces ont déformé la relation humaine avec la Nature. Etant seulement visibles dans les zoos ou les zones protégées, cela renforce l’idée que la Nature est une chose à admirer et détachée de l’espèce humaine. Pourtant, chaque espèce existe au sein des écosystèmes dont nous, le Vivant, dépendons. Marco Lambertini, directeur du WWF International, a déclaré qu’utiliser les pandas et les tigres pour inciter le public à se soucier de la faune sauvage était « efficace ». Il a reconnu que cette approche a aidé WWF à devenir la plus grande organisation environnementale mondiale, mais que l’ONG aurait dû relier la faune aux écosystèmes.

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Finalement, cela n’a peut-être pas de sens d’avoir une seule espèce comme « mascotte de la conservation ». Selon David Jachowski [10], professeur en écologie de la faune sauvage, l’animal représentant le mouvement en faveur de la conservation des habitats naturels pourrait être la belette, des prédateurs qui contribuent à maintenir la chaîne alimentaire. D’autres chercheurs pensent même aux vers de terre. Ces espèces sont les piliers d’un réseau complexe de vie (tout comme les papillons de nuit, les mouches, les chauves-souris, les musaraignes…), que nous devons soutenir afin de préserver les écosystèmes de la planète.

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