Coronavirus ou comment notre passion pour la consommation des animaux sauvages nous tue.

Cela n’est pas la première fois que le contact avec un animal sauvage aboutit au déclenchement d’une épidémie mondiale. Au début des années 2000, le virus du SRAS (syndrome respiratoire aiguë sévère) avait déjà mis en lumière la dangerosité des activités liées au commerce des animaux sauvages exotiques : la consommation de leurs chairs, leur transport, la concentration d’un nombre important d’individus et d’espèces différents dans un même environnement, etc. Le virus avait déjà tué un millier de personnes dans le pays à l’époque. Aujourd’hui, le coronavirus ravive ces dangers. Ces deux pandémies sont originaires de Chine, où le commerce d’animaux exotiques est immense.

Ce nouveau virus « 2019-nCov » tire son origine dans le marché au poisson de Wuhan, au centre de la Chine. Dans ce marché, toutes sortes d’animaux peuvent être trouvées : mammifères comme la civette, reptiles, oiseaux, etc. Les animaux étaient destinés entre autres à la consommation.

La Chine a d’ailleurs annoncé le 26 janvier 2020 l’interdiction temporaire du commerce des animaux sauvages afin de tenter d’enrayer la propagation du virus. Interdiction en vigueur pendant le temps de l’épidémie.

Mais le 3 février, le président chinois Xi Jinping semble avoir émis le souhait d’une interdiction totale. Présidant un sommet pour étudier la prévention et le contrôle du coronavirus, il a déclaré « qu’il est nécessaire de renforcer la surveillance du marché, d’interdire résolument et de sévèrement réprimer les marchés et le commerce illicites des espèces sauvages et de contrôler les principaux risques pour la santé publique à la source ». De même le Congrès national du peuple (APN) de Chine a déclaré qu’il réviserait les lois et règlements sur la protection de la faune sauvage afin de « durcir la répression du trafic d’espèces sauvages » et que « la supervision, l’inspection et l’application devraient être renforcées pour garantir que les marchés de commerce des espèces sauvages sont interdits et fermés. »

Code Animal est d’ailleurs cosignataire de l’appel de l’ONG Born Free d’une lettre dénonçant le commerce des animaux sauvages vivants, aux côtés de 199 autres organisations et experts.

Le 2019-nCov viendrait d’une chauve-souris, qui l’aurait transmise à une autre espèce – le pangolin – avant que l’humain ne l’attrape.

Infographie Le Parisien (Dernière mise à jour : 20 févr. 2020)

Le commerce d’animaux sauvages en Chine

Le marché asiatique est tristement connu pour sa passion de destruction de la faune sauvage. Consommer des animaux exotiques seraient ainsi gage de vertus thérapeutiques, prouesses sexuelles ou encore statut social. Cependant, ce marché n’est pas le seul à être à risque ! Le marché des nouveaux animaux de compagnie est un réservoir non négligeable.

En Chine il est possible d’élever, transporter et vendre 54 espèces d’animaux sauvages, via un système de permis. Ces animaux sont considérés comme ayant une valeur économique. On trouve par exemple les crocodiles ou encore les civettes. Ce système de permis est dénoncé par des défenseurs chinois de l’environnement comme Anti-Poaching Squad car ils donneraient la possibilité de blanchir certaines espèces tuées illégalement pour les vendre ensuite sur le marché.

Selon un rapport du Gouvernement chinois de 2016, le commerce officiel d’animaux sauvages rapporterait au pays 20 milliards de dollars de revenus. Selon quelques articles de presse, les autorités chinoises locales voient le commerce faunique comme un moteur de développement économique local. Mais les estimations en termes de nombres sont difficiles à avoir.

En effet, le marché de la faune sauvage légal côtois très souvent le marché illégal ce qui rend la détection du trafic faunique très délicat et met à mal les efforts de réduction de la demande et de réduction du trafic. Certains secteurs privés ont adopté, suite notamment aux actions de l’ONG IFAW, des politiques de tolérance zéro comme par exemple les sites en ligne comme Alibaba. Les Nations-Unies estiment d’ailleurs le commerce illégal à environ 23 milliards de dollars par an, mais ce chiffre est très certainement sous-estimé.

La Chine a pourtant fait des efforts ces dernières années en faisant passer des réglementations pour criminaliser la consommation d’espèces protégées allant jusqu’à 3 ans d’emprisonnement. Le cas le plus connu est la fermeture du marché d’ivoire. Il est toujours très difficile de prouver que les produits existants sur le marché sont issus du trafic faunique illégal.

Cependant il serait prudent de ne pas faire de généralités sur la population chinoise puisque cette pratique est de plus en plus décriée dans le pays : ces derniers jours des journaux et citoyens dénoncent la pratique : http://global.chinadaily.com.cn/a/202001/27/WS5e2e4c78a3101282172735a1.html

A ce propos, un groupe de 19 chercheurs de renom de l’académie des sciences de Chine « Wuhan Institute of Virology » ainsi que des universitaires ont écrit une lettre publiée sur les réseaux sociaux (Weibo) chinois demandant aux autorités d’interdire les marchés d’animaux sauvages comme celui de Wuhan.

Ailleurs dans le monde, il est à noter que la consommation de viande de brousse à exploser ces dernières années, de nombreux rapports – notamment TRAFFIC – dénoncent ce marché. Des risques accrus de zoonoses et transmission de virus sont un point non négligeable que les autorités doivent prendre en considération.

Les zoonoses ?

Ce sont des maladies qui sont transmises à l’humain par les autres animaux. Ces cas sont assez nombreux, les plus connus sont souvent : le SRAS transmis par la civette ou encore le Sida par le singe. Des animaux domestiques ont également été des réservoirs comme pour la grippe aviaire.

Selon les chercheurs du projet Global Virome, la faune sauvage abriterait près de 1.7 millions de virus encore inconnus dont près de 50% seraient dangereux pour l’humain.

Les zoonoses sont un des risques les plus importants pour la sécurité sanitaire mondiale. Le trafic faunique se multiplie. Selon l’article « wildlife trade and the global diseases emergence» publié en 2005 : 40 000 primates, 4 millions d’oiseaux, 640 000 reptiles, 350 millions de poissons tropicaux passent chaque année par le marché faunique légal. Il a été estimé près de 1 milliard de contacts directs ou indirects entre les humains, les animaux sauvages et les animaux domestiques. L’industrie des animaux sauvages est estimée à 6 milliards de dollars.

Le pangolin ?

Depuis quelques semaines, un animal dont le grand public en majorité ignorait l’existence est projeté sur le devant de la scène : le pangolin. 

Début février, les chercheurs ont découvert que l’animal hôte qui aurait facilité la transmission du virus à l’humain serait le pangolin. L’animal réservoir du virus est toujours bel et bien la chauve-souris. Selon une récente étude, les génomes de ce virus et de ceux qui circulent chez cet animal seraient identiques à 96%. Mais le virus de chauve-souris n’étant pas équipé pour se fixer sur les récepteurs humains il a dû passer par un hôte intermédiaire.

Le pangolin est un petit mammifère dont le corps est recouvert d’écailles. Il est l’un des animaux les plus braconné – si ce n’est le plus braconné – au monde. Les 8 espèces de pangolins, tous classés sur la liste rouge des espèces menacées d’extinction en 2014, font l’objet d’un véritable massacre. Selon l’ONG WildAid, chaque année, près de 100 000 pangolins sont victimes en Asie et en Afrique d’un trafic illégal ce qui en fait l’espèce la plus braconnée au monde. Leur chair délicate est très prisée des gourmets chinois et vietnamiens, tout comme le sont leurs écailles, leurs os et leurs organes pour la médecine traditionnelle asiatique.

Code Animal salue la décision de Pékin de fermer le marché au poisson de Wuhan et l’arrêt du commerce des animaux sauvages le temps de l’épidémie. Cependant, nous souhaitons tout bonnement que les gouvernements agissent pour fermer les marchés d’animaux sauvages ainsi que la mise en place de protocoles pour réduire la demande des consommateurs sur ces animaux ou les produits dérivés. Cela a déjà été fait en Europe par exemple avec l’interdiction d’importation d’oiseaux exotiques suite à l’épidémie de grippe aviaire en 2005. En plus d’être un risque sans précédent pour la santé humaine, le trafic faunique est une des raisons majeures pour la disparition de la biodiversité de la planète.

Lire la lettre ouverte de Born Free, dont Code Animal est signataire aux côtés de 199 autres personnes et experts

Alexandra Morette

Sources journalistiques: 

National Geographic

Science Avenir