8 décembre 2025 – Code Animal salue une décision judiciaire majeure pour la protection des animaux sauvages en France. La Cour d’Appel de Douai a confirmé la confiscation définitive de trois tigres et trois lionnes exploités dans des conditions contraires à leur bien-être.
Une condamnation exemplaire en appel
Cette décision du 8 décembre 2025 constitue l’une des toutes premières condamnations d’un cirque en appel en France. Code Animal, qui s’était constitué partie civile avec son avocate Arielle Moreau, se félicite de cette victoire pour la cause animale.
Photo credit : Code animal
Les faits : 12 jours d’enfermement dans des conditions inacceptables
En août 2024, les forces de l’ordre découvrent six félins enfermés dans une remorque sur le parking d’un hypermarché à Villeneuve d’Ascq. Les animaux concernés sont trois tigres nommés SANGA, SHERKAN et NATCHA, ainsi que trois lionnes appelées FARAIL, SARABY et NALLA.
Les investigations ont révélé que ces animaux étaient restés parqués pendant 12 jours consécutifs, du 19 au 30 août 2024, sans jamais être sortis de leur enclos intérieur. Cette situation a été confirmée par l’exploitation des enregistrements de vidéosurveillance du site ainsi que par les déclarations de l’exploitant lui-même lors de sa garde à vue.
Des conditions de détention contraires à la réglementation
L’inspection menée par l’Office Français de la Biodiversité (OFB) a constaté de multiples violations de l’arrêté du 18 mars 2011 fixant les conditions de détention des animaux sauvages dans les établissements itinérants. Les agents ont notamment relevé l’absence totale de cage de détente extérieure, alors que la réglementation impose un minimum de 60 mètres carrés pour permettre aux félins de se déplacer librement.
Les surfaces intérieures étaient également largement insuffisantes. Certains félins disposaient de seulement 3,5 mètres carrés au lieu des 7 mètres carrés minimum réglementaires par animal. Les trois lionnes se trouvaient ensemble dans un espace d’environ 16 mètres carrés, ce qui ne respectait pas non plus les prescriptions légales. De plus, la remorque ne pouvait être entièrement déployée sur le site, réduisant encore davantage l’espace disponible pour les animaux.
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L’absence de piscine pour les tigres constituait une autre violation majeure, cet équipement étant obligatoire sauf en période de grand froid. Les agents ont également constaté qu’aucun dispositif d’abreuvement permanent n’était mis à disposition des animaux. L’exploitant justifiait cette absence en expliquant que les félins faisaient leurs besoins dans les récipients d’eau, ce qui l’obligeait à les abreuver manuellement plusieurs fois par jour.
Enfin, les installations ne comportaient aucun équipement d’enrichissement permettant aux animaux de faire leurs griffes, de se mettre en hauteur ou de s’occuper. Ces dispositifs, pourtant essentiels à l’expression des comportements naturels des félins, étaient totalement absents de la remorque servant d’enclos intérieur.
Une double infraction caractérisée
La Cour d’Appel a retenu deux infractions distinctes à l’encontre de l’exploitant, démontrant la gravité et la complexité des manquements constatés.
1. Exploitation irrégulière d’établissement
L’exploitant détenait une autorisation préfectorale délivrée le 9 juin 2011 pour présenter des animaux dans le cadre d’un cirque dénommé « Cirque de Rome ». Cette autorisation l’autorisait spécifiquement à présenter quatre tigres et six lions au public dans le cadre d’un spectacle de cirque itinérant. Or, les investigations ont établi que les félins étaient détenus lors d’un spectacle de type « Monster Truck », un show de cascades automobiles n’impliquant aucune présentation au public des animaux.
La Cour rappelle fermement que les autorisations de détention d’animaux sauvages sont strictement encadrées et limitées à leur objet initial. L’article R 413-19-IV du code de l’environnement dispose clairement que l’autorisation d’ouverture des établissements mobiles ne peut être accordée que si les animaux non domestiques présentés au public participent à un spectacle. En l’espèce, les six félins n’ont jamais été présentés au public pendant la période du 19 au 30 août 2024, ce qui rendait leur détention totalement irrégulière.
Cette analyse juridique est renforcée par les déclarations mêmes de l’exploitant qui a admis détenir ces animaux dans le cadre de l’activité « Monster Truck » qu’il menait dorénavant, et non plus pour leur présentation dans le cadre du « Cirque de Rome » comme auparavant. Il a également reconnu ne pas disposer de solution de garde alternative pendant la durée de sa tournée, ce qui l’obligeait selon lui à garder les animaux avec lui malgré l’absence de présentation au public.
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2. Mauvais traitements envers les animaux (c’est là la réelle victoire !)
Au-delà des violations réglementaires, la Cour a reconnu que les conditions de détention constituaient des mauvais traitements au sens de l’article L.215-11 du Code rural. Cette disposition réprime le fait, pour toute personne exploitant un établissement détenant des animaux, d’exercer ou de laisser exercer sans nécessité des mauvais traitements envers les animaux placés sous sa garde.
L’élément décisif de cette qualification réside dans la distinction entre l’état physique des animaux et leurs conditions de détention. Même si les animaux ne présentaient pas de blessures physiques apparentes et étaient nourris régulièrement, l’impossibilité d’exprimer leurs comportements naturels pendant une période prolongée caractérise la maltraitance. Cette interprétation marque une évolution importante de la jurisprudence en matière de bien-être animal.
Jimmy Ebel, directeur du Zoo de Maubeuge, a été requis par les services de police pour apporter son expertise sur l’impact de ces conditions de détention. Dans son avis détaillé, il a confirmé que la détention prolongée de lions et de tigres dans une remorque de transport avait de multiples impacts négatifs sur ces animaux. Il a notamment souligné le manque de confort, l’impossibilité d’évoluer sur une surface adaptée, la privation d’air libre, l’absence d’enrichissements comportementaux nécessaires à leur bien-être, et surtout l’impossibilité pour ces félins d’exprimer leurs comportements naturels tels que courir, bondir ou chasser.
La Cour a également retenu l’élément intentionnel de l’infraction. L’exploitant, professionnel du cirque depuis plusieurs décennies et se présentant lui-même comme interlocuteur privilégié du ministère de l’Environnement, ne pouvait ignorer les prescriptions de l’arrêté du 18 mars 2011. Ses déclarations en garde à vue, notamment « ces textes, moi j’en ai rien à foutre », ont démontré une violation délibérée et assumée de la réglementation destinée à protéger le bien-être des animaux sauvages en captivité.
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La décision de la Cour : une protection définitive des animaux
Confiscation sans retour possible
La Cour d’Appel de Douai a ordonné la confiscation définitive des six félins, une mesure exceptionnelle qui prive irréversiblement l’exploitant de ses animaux. Cette sanction, prévue par l’article L.215-11 du Code rural et l’article 131-21 du Code pénal, constitue la peine principale prononcée dans cette affaire. Elle reflète la volonté de la justice de protéger durablement ces animaux contre toute forme d’exploitation future.
Les six félins ont été confiés à une ONG de protection animale, qui pourra en disposer librement pour leur assurer une vie digne. Cette décision rectifie d’ailleurs une erreur des premiers juges qui avaient confié les animaux à La Tanière Zoo-Refuge, une simple entreprise individuelle ne remplissant pas les conditions légales pour recevoir des animaux confisqués. La loi impose en effet que seules les fondations ou associations de protection animale reconnues d’utilité publique ou déclarées peuvent recevoir de tels animaux.
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Un précédent essentiel pour la protection animale
Une jurisprudence qui fait date
Cette décision crée un précédent majeur en matière de protection des animaux sauvages en captivité. Elle affirme plusieurs principes fondamentaux qui pourront être invoqués dans d’autres affaires similaires et qui marquent une évolution significative de l’approche judiciaire du bien-être animal.
Le premier principe établi par cet arrêt est que le bien-être animal ne se limite pas à l’absence de blessures physiques ou à la fourniture de nourriture. L’impossibilité d’exprimer des comportements naturels constitue à elle seule une maltraitance, même lorsque les animaux sont en apparente bonne santé physique. Cette interprétation extensive de la notion de mauvais traitements place le bien-être psychologique et comportemental des animaux au cœur de la protection juridique.
Le deuxième principe affirme que les autorisations de détention d’animaux sauvages sont strictement limitées à leur objet. Détenir des animaux en dehors du cadre précis de l’autorisation préfectorale, même temporairement, constitue une exploitation irrégulière sanctionnée pénalement. Ce rappel ferme des obligations des professionnels renforce le contrôle exercé sur les établissements détenant des animaux non domestiques.
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Le troisième principe concerne la responsabilité aggravée des professionnels expérimentés. La connaissance de la réglementation, particulièrement lorsque le professionnel se présente comme expert du domaine, rend inexcusable toute violation des textes applicables. L’ignorance ou la négligence ne peuvent être invoquées pour atténuer la responsabilité d’un professionnel qui exerce depuis des décennies.
Enfin, la Cour consacre la confiscation comme une sanction appropriée et proportionnée en cas de violations graves et répétées de la réglementation relative au bien-être animal. Cette mesure, qui prive définitivement le propriétaire de ses animaux, démontre que la justice privilégie désormais l’intérêt supérieur des animaux sur les intérêts économiques des exploitants.
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Le rôle déterminant de Code Animal
Code Animal s’est constitué partie civile dans cette affaire pour représenter l’intérêt collectif de protection des animaux. Notre présence renforce la défense des intérêts des animaux victimes et contribue à l’évolution de la jurisprudence en faveur du bien-être animal.
Nos demandes ont été entièrement entendues par la justice. La Cour a confirmé la recevabilité de notre constitution de partie civile et a reconnu le préjudice moral que nous subissons en tant qu’association œuvrant pour la protection animale face à de telles maltraitances.
Cette reconnaissance judiciaire valide notre action et notre légitimité à intervenir dans de telles procédures. Elle confirme que les associations de protection animale jouent un rôle essentiel dans la lutte contre la maltraitance et que leur présence aux côtés des victimes animales contribue à une meilleure prise en compte de leurs intérêts par la justice.
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Notre combat continue
Cette victoire historique nous encourage à poursuivre notre action pour que tous les animaux sauvages soient libérés des cirques et spectacles itinérants. Si cette décision marque une avancée significative, elle ne doit pas faire oublier que de nombreux autres félins, éléphants, primates et autres animaux sauvages continuent de souffrir dans des conditions similaires à travers la France.
Code Animal continuera à signaler les établissements ne respectant pas la réglementation en vigueur. Nos équipes de bénévoles et nos correspondants locaux surveillent les cirques et spectacles itinérants présents sur leurs territoires et transmettent leurs observations aux autorités compétentes. Lorsque des manquements sont constatés, nous alertons les services de l’État et demandons des contrôles approfondis.
Nous continuerons également à nous constituer partie civile dans les procédures pénales concernant des infractions de maltraitance animale. Cette présence judiciaire est essentielle pour garantir que les intérêts des animaux victimes sont défendus et pour contribuer à l’évolution de la jurisprudence vers une meilleure protection du bien-être animal. Chaque procès remporté constitue un précédent qui renforce notre arsenal juridique pour les affaires futures.
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Cette action en justice a nécessité des moyens importants. Les honoraires d’avocats spécialisés en droit de l’environnement et en droit pénal représentent un coût significatif pour notre association. Le suivi du dossier pendant plus d’un an, depuis les premiers constats en août 2024 jusqu’à l’arrêt de la Cour d’Appel en décembre 2025, a mobilisé des ressources humaines considérables. Les déplacements pour assister aux audiences à Lille puis à Douai ont également généré des frais de transport et d’hébergement.
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