Retour sur le rapport d’application de la loi contre la maltraitance animale de novembre 2021

Le 15/12/2022, les députées Laurence Pétel et Danielle Simonnet ont présenté leur Rapport d’information déposé en application de l’article 145-7 alinéa 1 du règlement, par la commission des affaires économiques sur l’application de la loi n° 2021-1539 du 30 novembre 2021 visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes, n° 609 . Code Animal a été auditionné pour ce rapport.

Nous souhaitons revenir sur des passages marquants de ce rapport.

Avant tout, il est important de souligner que la loi de novembre 2021 a été promulguée il y a un an, mais à ce jour, le Gouvernement via le Ministère de la Transition Écologique n’a toujours pas présenté de textes d’application. Nous sommes toujours dans l’attente de la mise en place de la liste positive qui réglementera la vente et la détention des animaux non domestiques chez les particuliers et les éleveurs dits d’agrément. Des premiers textes ont bien été présentés par le Ministère de l’Écologie mais ils ne correspondent en rien au principe et ni à la définition même d’une liste positive !  

A ce sujet, nous pouvons lire dans le rapport : « Les associations de protection animale entendues ont alertées sur les travaux actuellement menés par le ministère, qui pourraient contredire l’esprit de la loi, en modifiant l’arrêté du 8 octobre 2018 fixant les règles générales de détention d’animaux d’espèces non domestiques pour y insérer une annexe interdisant la détention des espèces inscrites actuellement dans la colonne c de l’annexe 2 de l’arrêté. Une telle démarche contreviendrait au principe de « liste positive » voulu par le législateur. Il apparaît donc absolument primordial que les textes réglementaires d’application de l’article 14 établissent bien une liste limitative des espèces non domestiques pouvant être détenues, en s’appuyant sur les modèles étrangers existant actuellement – Belgique, Pays-Bas, Chypre, Luxembourg et Italie, notamment. » (p.22)

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Le rapport revient sur les dispositions du chapitre 3 de la loi, concernant l’interdiction de l’utilisation des animaux sauvages dans les spectacles et notamment dans les cirques itinérants. Malheureusement, aucun texte d’application n’a encore été publié à ce jour. Or, il est indispensable que des dispositifs transitoires concrets et détaillés soient prévus bien en amont pour que tout se passe au mieux pour les animaux et les professionnels. Les retards dans les dispositions à prendre semblent principalement dus aux tensions provenant de certains acteurs professionnels qui refusent d’évoluer et du contexte politique plus global notamment à cause des élections présidentielles.

En lisant le rapport, notre association déplore que le Gouvernement soit toujours dans la phase conciliation, tentant plutôt de rassurer des professionnels dans le déni, que de  simplement faire appliquer la loi  entrée en vigueur il y a plus d’un an. La phase de conciliation a pourtant bien existé et s’est déroulée en amont de cette loi, puisque nous le rappelons, des concertations avaient été mises en place entre 2018 et 2020 avec tous les acteurs concernés par les dispositions.

« Comme cela a déjà été souligné (voir supra) vos rapporteures dénoncent le climat de tension délétère dans lequel le ministère se trouve contraint de travailler. Elles appellent l’ensemble des acteurs à s’inscrire dans une démarche constructive et à conserver pour l’ensemble des parties prenantes le respect élémentaire qui doit prévaloir dans le cadre de la préparation de l’application d’une loi. » p31

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De même les textes dits prioritaires comme la publication de la constitution de la commission faune sauvage captive n’ont toujours pas été publiés alors qu’ils sont prêts (d’après ce que nous pouvons entendre) depuis le départ de Barbara Pompili.

« Le retard pris dans la publication de l’arrêté fixant la composition, l’organisation et le fonctionnement de cette commission est préoccupant. » p31

« Pour l’heure, le contenu du texte présenté en novembre par le ministère aux associations de protection animale a soulevé de vives protestations. La loi fixait les grandes catégories auxquelles devaient appartenir les membres de la commission, sans préciser le nombre de représentants par catégorie. Les associations de protection animale estiment que la composition actuellement proposée est déséquilibrée. L’arrêté n’est donc, à ce stade, pas publié. Vos rapporteurs souhaitent insister sur l’importance d’une composition de la commission qui ne soit pas déséquilibrée au détriment des associations de protection animale, et sur la nécessité de ne pas y admettre des personnes ayant été condamnées pour des faits de maltraitance animale, de harcèlement ou de menaces. » p32

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Nous regrettons le fait que le Ministère ne soit toujours pas en mesure de donner un inventaire précis des animaux présents dans les cirques en France. La référence aux différentes aides Covid pour « obliger » les propriétaires des animaux à les déclarer, revient toujours mais nous n’avons de cesse de rappeler que ces informations sont uniquement déclaratives !

« La question du recensement des animaux non domestiques dans les cirques est un préalable indispensable à la préparation de l’accueil de ces animaux dans le cadre de l’interdiction de détention entrant en vigueur en 2028. » p. 33

Nous continuons de dénoncer le fait que les interdictions de reproduction et de nouvelles acquisitions ne soient effectives que dans deux ans seulement, laissant le temps aux cirques de continuer la reproduction des animaux. Le stock des animaux présents dans les structures augmente donc, ce sont de nouveaux individus  qu’il faudra replacer dans des structures d’accueil adaptées. Malheureusement, le nombre de ce type d’établissement sur notre territoire est déjà très insuffisant actuellement. 

Comme le mentionne le rapport, «ce délai, introduit à l’initiative des sénateurs en commission mixte paritaire, permet donc de nouvelles naissances, ce qui rend encore plus incertaine la fiabilité du recensement dans le fichier i-FAP. Certains circassiens encouragent ainsi au maximum la reproduction de leurs animaux avant l’entrée en vigueur de l’interdiction. Les associations de protection animale soulignent, en outre, que ces naissances sont susceptibles de nourrir des trafics d’animaux d’espèces protégées. »

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Concernant le nombre d’animaux présents dans les cirques itinérants en France, le Ministère donne les chiffres suivants, que nous pouvons lire page 33 :

– 174 lions, 110 tigres, 4 léopards, 1 hyène ;

– 17 babouins, 30 macaques, 5 lémurs catta ;

– 6 éléphants, 2 hippopotames ;

– 8 zèbres ;

– 8 ratites ;

– 6 reptiles (python, boa, tortue, caméléon) ;

– 11 psittaciformes (oiseaux tropicaux, notamment les perroquets).

Au total, ce serait donc environ 400 animaux qui pourraient être concernés.

Page 39, nous pouvons lire : Dans le cadre du premier AMI, le nombre de places identifié est d’environ 150 pour une population actuellement estimée à environ 400 animaux. La répartition de ces places d’accueil par espèces, détaillée ci-dessous, renforce les craintes:

– 36 places pour félins,

– 5 places pour éléphantes,

– 17 places pour zèbres,

– 15 places pour ratites,

– 35 places pour primates,

– 12 places pour psittacidés,

– 30 places pour reptiles.

Code Animal partage totalement l’analyse que font les rapporteurs page 34 :

« Ces chiffres font l’objet de vives contestations de la part des associations de protection animale qui les contestent sur la base de leurs propres observations et qui soulignent le décalage entre les chiffres issus du fichier i-FAP et un rapport remis au ministère par le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) en mai 2021, concernant « le placement des animaux sauvages vivants » (1). Le rapport du CGEDD faisait, par exemple, état de 233 lions (contre 174 dans le recensement i-FAP), 173 tigres (contre 110) et aucune hyène (contre 1). En outre, dans le cadre des auditions menées par vos rapporteures, un représentant des circassiens a affirmé ouvertement que le recensement n’était pas complet, une partie de la profession sous-déclarant ou sur-déclarant les animaux en sa possession. Cet enjeu semble particulièrement primordial à vos rapporteures. Sans une connaissance fine des animaux de la faune sauvage concernés, la préparation de leur accueil en structures fixes ne pourra pas être correctement calibrée et les dispositions votées par les parlementaires ne pourront être pleinement appliquées. »

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Concernant les structures d’accueil auxquelles la loi donne une existence juridique, suite notamment aux actions de Code Animal, nous rejoignons la position des rapporteures qui déplorent le fait que les aides ne sont pas équilibrées entre la reconversion professionnelle des cirques (nécessaires bien entendu) et les aides attribuées aux structures d’accueil qui sont en première ligne pour recueillir les animaux visés par la loi. Il est de la responsabilité du Gouvernement de s’assurer que toutes les mesures ont été prises pour l’accueil les animaux sauvages, y compris protégés par la CITES.

« Vos rapporteures alertent sur le déséquilibre entre les soutiens publics alloués à l’accompagnement des cirques et ceux déployés ou prévus pour l’accompagnement des refuges chargés d’accueillir les animaux. Elles souhaiteraient que l’accompagnement à la création et au fonctionnement de refuges soit prioritaire. » p. 36

Nous partageons également l’analyse du rapport sur lesdits cirques fixes poussés par le Gouvernement et qui, nous le rappelons, n’ont aucune existence juridique, pour l’heure en tout cas. Nous nous opposons à ce genre de dispositions.

« Elles souhaitent, par ailleurs, insister sur la mesure 3 (accompagnement à la création de structures fixes) et la mesure 5 (facilitation des conversions de certificats itinérants) pour souligner qu’en aucun cas ces mesures ne doivent permettre de favoriser le développement de parcs zoologiques « au rabais », moins exigeants que les parcs actuels sur la question notamment du bien-être animal. L’arrêté du 25 mars 2004 (1) ne doit donc surtout faire l’objet d’aucune modification susceptible d’abaisser les standards qu’il fixe. » p36

Rappelons également qu’un Appel à Manifestation d’Intérêt a été lancé par le Ministère cet été pour l’attribution de subvention publique à l’investissement uniquement à des structures d’accueil candidates. A ce jour, nous n’avons pas d’informations sur le détail des candidats et lauréats.

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Nous rappelons qu’un des compromis qui avait été forcé par le Sénat à l’époque de la CMP était ce point :

« L’article 46 prévoit la possibilité de déroger, par voie réglementaire, aux interdictions prévues, à compter de leur entrée en vigueur, lorsqu’il n’existe pas de capacités d’accueil favorables à la satisfaction du bien-être des animaux visés par les interdictions de la détention, du transport et des spectacles incluant des espèces d’animaux non domestiques en vue de les présenter au public dans les établissements itinérants. » p. 39

Nous partageons également la position des rapporteures : « Vos rapporteures appellent à la plus grande vigilance sur la rédaction de ce décret en Conseil d’État susceptible de vider la loi de sa substance. » p39

Vidéo de la présentation du rapport :

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/deputes/PA718930

Alexandra Morette