Retour sur le cas du culling des chauves-souris du zoo de Montpellier

Le Zoo de Montpellier a détenu jusqu’à environ 800 chauves-souris de Seba (Carollia perspicillata), issues de la reproduction de 70 individus fondateurs amenés au zoo en 2007-2008. 

Les individus de cette espèce ont une longévité d’une dizaine d’années. 

Les Chiroptères libres bénéficient d’une protection intégrale depuis 1976 en France, à la suite de la publication de la Loi sur la protection de la nature, qui a elle-même était complétée par trois textes effectifs au niveau européen, dont la France est signataire. Il s’agit des Conventions de Bonn et de Berne ainsi que de la Directive Habitats-Faune-Flore. 

Ainsi, la destruction des 36 espèces de chauves-souris libres présentes en France, directe comme indirecte, est interdite de même que celle de leurs habitats naturels. 

Malheureusement, les chauves-souris du zoo de Montpellier étant des animaux nés en captivité, elles ne sont pas protégées par cette loi. 

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En 2021, la serre amazonienne du zoo de Montpellier a été fermée pour cause d’insalubrité, obligeant le déplacement des chauves-souris dans un bâtiment provisoire. Les problèmes relevaient notamment d’un manque d’entretien des locaux où étaient détenues les chauves-souris, ce qui avait entraîné une forte dégradation des infrastructures : L’environnement dans lequel étaient maintenus les animaux avait alors était jugé inadapté.

Pendant cette période, un rapport de la DDPP a été écrit mentionnant les conditions de détention insalubres pour les animaux, avec des taux de mortalité importants : 338 animaux sur 820 morts, soit plus de 40%. 

Dès le déplacement des animaux hors de la serre amazonienne, l’équipe du zoo a alors tenté de prendre contact avec la AfdPZ, l’EAZA et les zoos qui détenaient cette espèce, sans qu’on leur propose une quelconque solution. Code animal ne sait pas quelles ont été les démarches du zoo en amont de la fermeture de l’établissement pour tenter de replacer l’ensemble des  animaux dans d’autres structures.

A cette époque également, un sexage des individus a été fait pour séparer mâles et femelles et pour tenter de limiter les naissances. Des femelles gestantes avant le tri ont cependant mis bas et quelques erreurs de sexage expliquent que des naissances aient encore eu  lieu après la séparation.

Il est cependant important de noter que séparer  des mâles et des femelles entraîne la formation de groupes sociaux artificiels. Or, les chauves-souris de Seba vivent en harem, où un mâle dominant protège un groupe de femelles et leurs petits.

Nous nous questionnons sur l’impact de cette séparation artificielle sur le bien-être de ces individus sociaux et plus globalement sur le maintien en captivité de telles espèces.

En l’absence de possibilité de contraception, la gestion de la reproduction de telles espèces ne semble donc pouvoir passer que par l’abattage régulier de certains individus ou la séparation en groupes artificiels unisexes.Est-ce éthiquement recevable pour des structures qui prônent le respect et la sauvegarde  des espèces?  

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Eddine Ariztegui, adjoint au maire de Montpellier, a alors remué ciel et terre pour trouver des solutions pour reloger ces animaux. Il a contacté diverses structures d’accueil en France et à l’étranger. Grâce à lui, 80 chauves-souris ont été transférées vers un zoo à Berlin. Il a ensuite continué à s’opposer à l’abattage du reste du groupe, en cherchant des solutions plus éthiques.D’ailleurs, un placement a été trouvé pour 50 autres chauve-souris dans un établissement français, juste avant le massacre du reste de la colonie.Nous restons ainsi intimement persuadés qu’avec un peu plus de temps, cette tuerie de masse aurait pu être évitée.

Il avait également sollicité auprès de la mairie le vote d’un budget pour construire  un nouveau bâtiment pouvant accueillir les animaux, budget chiffré entre 200 000 et 250 000€, mais cela n’a pas été accepté par le Maire. 

En 2025, la mairie a pourtant alloué des budgets assez conséquents sur d’autres sujets : par exemple, 2,5 millions ont été investis Place de la Comédie.

Grâce à Mr Eddine Ariztegui, la vie de dizaines de chauves-souris a été épargnée mais il faut souligner que l’abattage du reste de la colonie  a été fait sans que personne ne juge bon de l’en prévenir. Il s’est retrouvé devant le fait accompli.

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La mairie a décidé l’abattage des chauves-souris 

L’arrêté a été signé par le maire le 3 février 2025. Cette mairie avait pourtant fait voter une délibération au conseil municipal quelques mois plus tôt seulement, le 11 juillet 2024 : « Bien-être animal – Bilan – Feuille de route 2020-2026 – Présentation » où elle s’opposait en ces termes à la pratique du culling (abattage) : « L’espace zoologique du Lunaret de Montpellier s’engage aussi à refuser les pratiques de « culling » et l’éjointage  »

Le terme « culling », d’origine anglo-saxonne, désigne une pratique d’abattage sélectif au sein des établissements zoologiques. Elle concerne des animaux sains, mais jugés génétiquement inintéressants ou surabondants dans un objectif de gestion des populations captives. Cette pratique peut également viser des individus âgés, afin de libérer de l’espace pour des spécimens plus jeunes et reproducteurs.

Le protocole de mise à mort des animaux s’est déroulé en deux phases :  

  • Les animaux ont été capturés puis placés dans un petit caisson d’induction et endormis profondément à l’aide d’Isoflurane, un agent anesthésique volatil de la famille des éthers halogénés. 
  • Une fois les animaux profondément endormis, ils ont été maintenus dans le caisson et un second gaz (Dioxyde de carbone) a été envoyé, provoquant le décès.  

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Les zoos clament leur rôle incontournable dans la conservation des espèces : pourquoi ces chauves-souris n’ont-elles pas été relâchées dans leur milieu d’origine en Guyane ?

Voici, selon nos sources, les arguments qui ont été avancés pour ne pas relâcher les animaux dans leur milieu d’origine :

  1. Il a été énoncé que ces chauves-souris étaient porteuses de Demodex.

En fait, le Demodex est acarien cutané qui est la plupart du temps symbiote.

Leur symbiose (association biologique durable et réciproquement profitable entre deux organismes vivants-Le Robert), est le résultat d’une si longue coévolution, que les  Demodex sont d’ailleurs considérés comme les acariens parasites les plus spécialisés des mammifères.

Ils font partie du microbiote cutané et sont des organismes dits stationnaires, ce qui signifie que tout leur cycle se déroule sur l’hôte.Il est donc normal d’en trouver sur les individus.

La démodécie, elle, est la maladie causée par une « explosion démographique » du nombre des Demodex, cette prolifération étant due la plupart du temps à un déséquilibre du système immunitaire, ce qui entraîne des lésions cutanées visibles, du prurit et éventuellement des infections bactériennes et fongiques secondaires. Nous ne savons pas si les chauves-souris abattues étaient atteintes de démodécie ou juste porteuses saines.

  1. Les chauves-souris étaient  très consanguines  (les 800 individus sont issus de 70 membres fondateurs), cela est indéniable.

Il a donc été avancé que ces chauves-souris, si elles étaient libérées dans la nature, pouvaient entraîner une contamination génétique très préjudiciable sur les  populations sauvages.

D’autant plus qu’outre la grande consanguinité avérée des chauve-souris  due à la gestion déficiente de la population depuis son arrivée au zoo de Montpellier, il existe une incertitude de départ quant à la pureté génétique des individus qui ne seraient pas de souche pure (Carollia perspicillata). En effet, avant  leur arrivée au zoo de Montpellier , il est possible qu’il y ait eu des croisements avec d’autres populations ou même avec des individus d’autres espèces proches. Nous n’avons malheureusement pas l’information quant à l’origine même des membres fondateurs arrivés au zoo de Montpellier (capturées dans le milieu naturel ? en provenance d’autres zoos ?). Nous savons simplement qu’ils viennent d’un zoo en Allemagne. 

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En fait, les trois derniers arguments énoncés ci-dessus expliquent en grande partie pourquoi les zoos ne réintroduisent que très rarement des animaux (et encore moins avec succès) dans les milieux naturels malgré leurs discours sur leur rôle primordial et incontournable dans la conservation des espèces.  

Dans le cas présent, on a un exemple vraiment marquant d’un zoo qui laisse se reproduire des animaux entre eux, de façon totalement anarchique pour une population captive, ce qui ne pouvait aboutir qu’à une forte consanguinité des individus. Et une telle consanguinité dans de telles conditions est totalement à l’opposé des principes de conservation d’espèces régulièrement mis en avant par les zoos pour justifier leur existence.

Une situation si déplorable semble contredire drastiquement le discours marketing promu par la communauté des zoos. Code animal a eu l’opportunité de pouvoir suivre le dossier, notre association ayant été sollicitée par Eddine Ariztegui, l’élu animaliste de la ville, afin de trouver des solutions pour sauver les chauves-souris avant qu’elles ne soient abattues, et nous avons pu voir le véritable fonctionnement de l’industrie des zoos dans une situation précise. La tentation est forte de généraliser ce cas particulier, d’autant que les chiffres des « euthanasies de gestion » dans les zoos en France restent extrêmement confidentiels. 

Nous serions censés croire sur parole les zoos qui nous disent qu’ils ne le font que rarement et uniquement dans des cas extrêmes.  

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Le culling ( abattage) ou l’euthanasie de convenance pratiquée dans les zoos

L’euthanasie dite de convenance ou de gestion est beaucoup utilisée dans les pays de l’Europe du Nord et revendiquée par les parcs zoologiques pour, d’après eux, permettre une meilleure gestion de la génétique des animaux. Les autopsies peuvent même se faire en public à des fins de pédagogie. Cela a pu se faire par exemple avec le girafon Marius du zoo de Copenhague, en pleine santé mais dont le patrimoine génétique n’intéressait pas le zoo. Après avoir abattu le girafon, le zoo de Copenhague a, peu de temps après, tué quatre lions, par souci ont-ils justifié, de conserver l’espèce et sa diversité génétique. 

En France, l’euthanasie est un sujet tabou car fortement désapprouvée par le grand public. On ne fait pas naître les animaux captifs pour les tuer ensuite. Selon nos enquêtes et des témoignages recueillis auprès de soigneurs, l’euthanasie de gestion est « un secret de polichinelle » et beaucoup de parcs zoologiques en France la pratiquent malgré l’opposition des soigneurs. 

La majorité des parcs zoologiques en France étant des entreprises privées, la notion de rentabilité et d’attractivité auprès des consommateurs sont deux notions importantes à prendre en compte. Faire naître des petits au moment de la haute saison est une excellente méthode pour attirer le public. Les zoos communiquent énormément sur les carnets roses pour deux raisons principalement : les bébés ont un potentiel « mignon » énorme et dans l’imaginaire collectif, si les animaux se reproduisent dans un zoo c’est qu’ils y sont bien, ce qui tendrait à prouver que l’établissement est de qualité.

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 La gestion des populations est faite en collaboration entre les zoos membres des associations. L’accent est porté, semble-t-il, sur une préservation d’une génétique aussi pure que possible chez les animaux captifs mais des études ont montré sans équivoque que pour certaines espèces, le nombre d’individus détenus captifs était insuffisant pour maintenir cette qualité génétique, à cause notamment de leur taux de reproduction trop faible (Lees C & Wilcken 2009). L’une des solutions proposées notamment dans l’article est l’utilisation de nouvelles technologies, comme la conservation des gamètes et la fécondation in vitro. Lorsque les zoos disent qu’ils préservent la génétique des animaux pour appuyer la reproduction in-situ, ne serait-ce pas plutôt pour préserver leur stock afin de pérenniser le modèle économique ? 

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Questionnements :

Quand on voit ce qu’il est advenu de ces centaines de chauves-souris, comment ne pas s’interroger sur le devenir d’individus d’autres espèces ?

La chauve-souris n’a pas spécialement un capital sympathie dans nos sociétés occidentales, mais l’élan de contestation a tout de même été très fort pour s’opposer à l’abattage de ces animaux.

Les zoos et leurs représentants comme l’Afdpz où l’ EAZA sont toujours très forts pour clamer leur utilité, leur caractère incontournable pour la conservation des espèces mais personne n’a trouvé de solution pour éviter cet abattage de masse. En ont-ils seulement cherché? 

Qu’elles soient enfermées à vie pour distraire le public pose déjà un problème éthique, qu’on les ait laissé se reproduire d’une manière si exponentielle en est une autre, qu’on n’ait pas anticipé leur déplacement ou la réfection de leur volière en est encore une autre.

Les zoos membres de l’Afdpz disent se préoccuper particulièrement du bien-être de leurs animaux, pourquoi le replacement de ces chauves-souris n’a-t-elle pas été une préoccupation majeure pour eux ? Lorsqu’il s’agit d’individus appartenant à une espèce charismatique à fort pouvoir attractif sur le public, de nombreux zoos se positionnent pour les récupérer ; malheureusement, les chauves-souris n’attirent pas les foules et donc ne rapportent pas d’argent. 

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