Rencontre avec la Jonian Dolphin Conservation

La Jonian Dolphin Conservation (JDC) est une association de recherche scientifique qui étudie les cétacés du golfe de Tarente dans le nord de la mer Ionienne en Italie du Sud, dans la région des Pouilles.  Elle a été fondée par Carmelo Fanizza en 2009.

L’association gère des projets maritimes en rapport avec l’environnement. En 2013, elle a d’ailleurs été classée 1ere dans la section « Recherche scientifique et innovation technologique » du Sea Heritage Best Communication Campaign Award, ce prix récompensant les interventions ou projets internationaux qui valorisent ou promeuvent le patrimoine maritime.

La Jonian Dolphin Conservation est très active à plusieurs niveaux :

  • Elle réalise des documentaires et met en place des expositions et des événements sur les thèmes de la sauvegarde du milieu marin. Elle effectue également des activités d’ observation des dauphins impliquant des touristes, des écoliers, collégiens et des lycéens à bord de ses bateaux dont 2 catamarans. L’association est membre d’OBIS-SEAMAP depuis 2010, le portail interactif de Duke University qui collecte des données sur les observations de cétacés dans le monde. (http://seamap.env.duke.edu/dataset/812).
  • Les relevés des vocalisations et autres paramètres des cétacés sont réalisés à l’aide d’hydrophones sophistiqués et de capteurs de profondeur, de sondes multiparamètres, de systèmes d’enregistrement photo vidéo HD.

L’objectif de la recherche est de développer de nouvelles méthodologies de surveillance à distance des mammifères marins et des tortues, d’expérimenter des outils pour accroître les connaissances sur les espèces surveillées. Les balises satellites permettent ainsi de mieux comprendre  le comportement spatial et l’utilisation de l’habitat des espèces monitorées, de localiser et de calculer l’extension des domaines vitaux totaux et saisonniers. La technologie du système de surveillance par satellite permet de collecter des données particulièrement utiles pour la protection et la conservation des espèces animales suivies.

https://www.joniandolphin.it/

En 2019, la JDC a ouvert le centre Euroméditerranéen de la Mer et des Cétacés », le Ketos. Il s’agit d’un musée de « science citoyenne » d’une surface d’environ 600 m2, entièrement dédié à la mer et aux cétacés.

En son sein, on retrouve des salles d’exposition, de conférence, une salle équipée de casques à réalité virtuelle et surtout le K-lab, qui est un laboratoire bio-génétique exclusivement dédié à l’étude et au traitement des données recueillies sur les cétacés. Les échantillons d’ADN prélevés lors des sorties en mer sont analysés pour suivre la génétique des populations, des échantillons de selles servent à la recherche de parasites, les enregistrements acoustiques permettent de caractériser, grâce à des modèles mathématiques, les espèces présentes dans le golfe de Tarente.

La JDC travaille aussi depuis plusieurs années en collaboration avec d’autres institutions nationales et internationales, permettant des formations post universitaires. Elle est ainsi par exemple impliquée dans le projet DOLPH-KIN avec l’Ecole Pratique des Hautes Etudes – Muséum National d’Histoire Naturelle de Paris et avec le Département de Biologie UNIBA (Université de Bari), en étroite collaboration aussi avec l’Institut des Systèmes Intelligents pour l’Automatisation – Conseil National de la Recherche. Depuis une dizaine d’années également, des cours de spécialisation relatifs aux études sur le comportement des mammifères marins et leur utilisation pour la protection des espèces sont organisés et dispensés au Centre de formation Aeronaval du Département de formation tactique de la marine italienne.

Photo credit : Code Animal

Un squelette de Zifio (Ziphius cavirostris), issu d’un individu retrouvé mort échoué sur la côte  sud de l’île de S. Pietro (îles Cheradi) est exposé au musée. L’équipe de la JDC a effectué un important travail en récupérant la dépouille, en la dénudant complètement des tissus mous, puis en cataloguant et en assemblant toutes les parties du squelette.

Les 5 espèces de cétacés visibles dans le golfe sont le dauphin bleu et blanc, le dauphin commun,  le dauphin de Risso, le dauphin tursiops et le cachalot.

Nous avons la chance d’effectuer une sortie en mer, au cours de laquelle nous avons croisé un groupe d’une cinquantaine de dauphins bleus et blancs, ainsi que des tursiops et des tortues juvéniles de l’espèce Caretta caretta, qui évoluaient à la surface.

Nous avons en fait eu le privilège d’être reçu par Carmelo Fanizza, le président et fondateur de la JDC, de passer la journée en mer avec lui et de pouvoir discuter de différentes problématiques liées aux cétacés, mais aussi du projet toujours en cours pour l’ouverture d’un sanctuaire européen pour les dauphins issus de l’industrie de la captivité. Ce projet est envisagé en collaboration avec la municipalité de Tarente, la Jonian Dolphin Conservation et le Ric O’Barry Dolphin Project. 

Fin 2017, Ric O’ Barry, venu rencontrer l’équipe de la JDC,découvre l’ancien port militaire de l’île San Paolo à quelques encablures du port de Tarente. De là serait née l’idée d’implanter un sanctuaire européen de réhabilitation de dauphins captifs.

Ric O’Barry est un acteur incontournable depuis plusieurs décennies dans le combat contre la captivité des cétacés.De plus, il est à l’origine du tout premier sanctuaire marin permanent pour dauphins issus de la captivité. En effet, le Bali Dolphin Sanctuary a vu le jour grâce aux actions conjointes du O’ Barry dolphin project, du ministère indonésien de l’Environnement et des Forêts, du Centre de conservation des ressources naturelles (BKSDA) à Bali et le Jakarta Animal Aid Network (JAAN). Il fonctionne comme un centre de rééducation pour soigner les dauphins, les aidant à s’adapter à la vie dans la nature, et agissant également comme un centre de retraite pour les dauphins qui ne peuvent pas être relâchés.

A son inauguration, Ric O’ Barry avait déclaré : « Ce sanctuaire est un modèle. Il peut être reproduit. Et nous essayons de le faire également en Europe, en Italie et en Crète ».

Photo credit : Code Animal

La JDC a toutes les données concernant les paramètres environnementaux, sanitaires, biologiques, climatiques… du golfe de Tarente, l’association a également toute la logistique et le personnel qualifié déjà en place ; Ric O’ Barry et son équipe de leur côté ont ouvert le premier sanctuaire marin dédié à cette problématique et ont mis au point un protocole de réhabilitation .

Ainsi, allier l’excellence des niveaux d’expertise de la JDC et celle de la O’ Barry dolphin Project serait un gage de réussite pour que le Taranto Dolphin Sanctuary devienne un point de référence pour toute l’Europe.

La problématique des dauphins captifs utilisés dans les divertissements ne doit cependant surtout pas faire oublier qu’en France, des centaines de dauphins libres meurent lors de captures accidentelles pendant les actions de pêche dans le golfe de Gascogne.

L’espèce la plus largement impactée par les activités humaines est le dauphin commun qui chaque année paye un lourd tribut aux méthodes de pêche chaluts pélagiques et filets non sélectifs. Les dauphins communs ayant une faible fécondité, il apparaît très clairement que le seuil de capture est totalement insoutenable pour la survie de cette espèce.

Photo credit : Code Animal

L’observatoire Pelagis qui, depuis 1972 ,récupère et analyse les données sur le sujet, a constaté que les échouages sur la côte ouest française étaient  de plus en plus massifs (leurs nombres plus qu’alarmants ne reflètent d’ailleurs pas la réalité puisqu’on estime à 82% le nombre d’animaux morts qui coulent et dont les cadavres ne sont donc pas comptabilisés).

Les mesures mises en place jusqu’à présent par l’état français ont été jugées totalement insuffisantes par les différentes associations et en 2020, la Commission européenne a mis en demeure la France et pointé le manque d’efficacité de son plan de protection des dauphins, un animal essentiel pour l’écosystème.

Sophie Wyseur pour Code animal

Aller plus loin

http://seamap.env.duke.edu/dataset/812

https://www.lavocedimaruggio.it/wp/ansa-it-puglia-obarry-taranto-studiare-delfini-la-jonian-dolphin-conservation.html

https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Caretta_caretta

https://www.france24.com/fr/%C3%A9missions/focus/20220414-p%C3%AAche-en-france-le-dauphin-une-esp%C3%A8ce-mal-prot%C3%A9g%C3%A9e

https://www.mer.gouv.fr/cetaces

https://www.mer.gouv.fr/sites/default/files/2022-05/20220502_Bulletin_N9.pdf

Photo credit : Code Animal