Nous vous en parlions dans nos précédents articles et la mauvaise nouvelle est tombée cette semaine.
Le 8 mai 2025, le Parlement européen a entériné la proposition de la Commission européenne visant à affaiblir la protection des loups dans l’Union européenne.
Ce vote acte officiellement la révision du statut de l’espèce : les loups ne seront plus considérés comme « strictement protégés » au titre de la directive Habitats, mais seulement comme « protégés ».
En d’autres termes, leur chasse pourra de nouveau être autorisée dans l’UE.
Cette décision marque une rupture préoccupante avec les principes fondamentaux de la conservation de la nature en Europe.
Selon la législation européenne, toute modification de protection d’une espèce doit reposer sur des données scientifiques solides. Or, malgré un certain rétablissement des populations de loups grâce aux mesures de protection en vigueur, l’espèce demeure dans un état de conservation défavorable dans six des sept grandes régions biogéographiques européennes. En ignorant ces données, les institutions européennes remettent en cause la crédibilité même des lois environnementales de l’UE.

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Une décision politique, pas écologique
La décision du Parlement européen ne repose pas sur des éléments scientifiques objectifs, mais sur des considérations politiques et électorales à court terme. Plusieurs ONG de protection de la faune, parmi lesquelles notre partenaire Eurogroup for Animals, ont exprimé leur profonde inquiétude.
Elles soulignent que le loup est une espèce clé pour la stabilité et la régénération des écosystèmes : en régulant les populations d’herbivores, il favorise la biodiversité, la santé des forêts et la résilience des milieux naturels face au changement climatique.
Pourtant, malgré les bénéfices avérés de sa présence, aucune étude récente ne justifie scientifiquement la baisse de son niveau de protection.
Au contraire, les données disponibles montrent que les populations de loups sont encore fragmentées, et que leur état de conservation reste défavorable dans la quasi-totalité des régions biogéographiques européennes. Ignorer ces éléments revient à dévoyer l’esprit de la directive Habitats, qui exige que les décisions concernant les espèces protégées soient fondées sur la science, non sur la pression politique.
Plus grave encore, cette révision a été adoptée par le Parlement dans le cadre d’une procédure d’urgence, sans recours à la procédure législative ordinaire. Ce choix a permis de contourner le débat parlementaire approfondi et la consultation des commissions spécialisées, écartant ainsi toute analyse critique ou amendement. Une telle instrumentalisation du droit européen est profondément inquiétante : elle installe un dangereux précédent en autorisant le contournement des règles démocratiques pour satisfaire des intérêts sectoriels.
Présenter l’autorisation de la chasse au loup comme une urgence est non seulement infondé, mais aussi irresponsable. Cela reflète une dérive dans la gouvernance environnementale européenne, où la protection de la biodiversité est désormais reléguée au second plan, derrière les revendications de certains lobbies agro-pastoraux et la peur de perdre des voix dans des régions rurales. C’est un recul grave pour la politique de conservation en Europe, qui menace d’entraîner d’autres espèces emblématiques dans son sillage.

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Les États membres peuvent encore agir
Si la décision européenne représente un tournant regrettable, elle ne signe pas pour autant la fin de la protection des loups en Europe. Chaque État membre reste libre, dans le cadre de la directive Habitats, d’adopter des mesures nationales plus strictes que le minimum imposé par l’Union. En d’autres termes, un pays peut décider de continuer à classer le loup comme une espèce strictement protégée, interdire sa chasse et investir dans des politiques ambitieuses de coexistence avec les activités humaines.
Cette marge de manœuvre place désormais la responsabilité directement entre les mains des gouvernements nationaux. Ce sont eux qui devront décider s’ils souhaitent se conformer passivement à un affaiblissement collectif de la protection de la faune, ou s’ils préfèrent prendre le parti de la science, de la biodiversité et des générations futures. Le choix est clair : céder à la pression de certains lobbies ou s’affirmer comme des acteurs responsables de la préservation du patrimoine naturel.
Plusieurs États européens ont déjà démontré qu’une politique de cohabitation était possible, en accompagnant les éleveurs avec des moyens de protection efficaces (chiens de troupeau, clôtures électriques, compensation rapide des pertes), tout en préservant les grands prédateurs. Il ne s’agit pas d’ignorer les inquiétudes du monde rural, mais de leur apporter des réponses concrètes, fondées sur des solutions durables plutôt que sur l’élimination des espèces protégées.
Le vote du Parlement envoie néanmoins un signal profondément inquiétant : il révèle une tendance croissante à privilégier les intérêts politiques immédiats au détriment de l’intérêt général, de la science, et de l’avenir du vivant. Ce recul s’inscrit dans un contexte plus large d’érosion des politiques environnementales en Europe, alors même que la planète traverse une double crise, climatique et écologique, sans précédent.
À l’heure où les scientifiques appellent à renforcer la protection de la nature pour garantir notre propre survie, affaiblir les dispositifs existants revient à se tirer une balle dans le pied. Les États membres ont encore la possibilité – et la responsabilité – d’agir. Il est temps qu’ils se montrent à la hauteur des enjeux.

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Source : Eurogroup for Animals. (2025, 8 mai). Wolves betrayed: European Parliament bows to politics over science [Communiqué de presse]. Consulté sur https://www2.eurogroupforanimals.org/webmail/885973/804794155/07b08b00f6312123b96be0f958be7d83a019874dac07a0e96cd147ba1536559c