La maladie du Covid19 provoque aujourd’hui une crise sanitaire mondiale.

Le bétacoronavirus responsable de la maladie est un grand virus à ARN, de la même espèce (mais de souche différente) que celui qui avait provoqué l’épidémie de SRAS (Syndrome respiratoire aigu sévère) en 2003 dans 29 pays.

Le taux de létalité de la Covid19 à l’échelle mondiale des cas confirmés serait d’environ 3,4% (OMS du 3 Mars 2020).

Très contagieux, ce virus bénéficie pour son expansion de notre mode de vie social et de la mondialisation. La solution du confinement, qui a d’ailleurs fait ses preuves par le passé dans différentes pandémies, pourrait donc limiter la progression de la maladie.

Il reste encore des zones d’ombre sur ce coronavirus mais tous les scientifiques semblent aujourd’hui s’accorder sur le fait qu’une espèce de chauve-souris a vraisemblablement fait office de porteur sain (elle hébergeait l’agent pathogène sans en être elle-même affectée), il y aurait eu ensuite un hôte intermédiaire, vraisemblablement le pangolin, qui aurait permis la transmission à l’humain.

National geographic

Quoi qu’il en soit, ces coronavirus, responsables des épidémies de SRAS, du MERS et de la Covid19 sont issus de la faune sauvage et ont pu franchir la barrière inter-espèces grâce à des facteurs clairement identifiés : l’anthropisation globale du monde, (c’est-à-dire la transformation géographique, écologique des espaces, paysages et écosystèmes sous l’action de l’humain), le déclin de la biodiversité, pourtant véritable barrière naturelle contre l’émergence de nouvelles maladies virales, la déforestation massive au profit de l’élevage de bétail, qui met en contact la faune sauvage avec des animaux domestiques, la consommation de viande de brousse, le trafic des animaux sauvages…

Bref, cette pandémie prévisible et d’ailleurs annoncée par la communauté scientifique ne serait qu’une conséquence écologiquement logique de notre manque de respect et de considération pour l’environnement et le vivant dans son ensemble.

Notre espèce a colonisé tous les continents, par son intelligence et son ingéniosité, son système social, sa curiosité, ses facultés d’adaptation, sans doute aussi parfois grâce à la chance.

Nous avons su tirer parti des changements climatiques, nous aurions même redémarré de plus belle après avoir frôlé l’extinction il y a 70 000 ans environ avec l’explosion du volcan de Sumatra.

Nous serions ainsi au 1er janvier 2020, environ 7,7 Milliards d’humains sur Terre, avec un taux de croissance annuel de 1,1%, (soit une augmentation de 80 Millions par année), les prévisions mondiales de l’ONU pour 2100 seraient de 10,9 Milliards d’humains sur terre.

Individuellement, familialement, socialement, la crise actuelle est dramatique, chaque mort est une souffrance insoutenable pour les proches, teintée d’un profond sentiment d’injustice.

Mais si on raisonne strictement à l’échelle de l’espèce, la nôtre n’est pas mise en danger par cette pandémie.

Ce qui n’est pas le cas pour nos parents les plus proches, les autres hominoides, gibbons, orang outans, gorilles, chimpanzés, bonobos.

Nous partageons en effet avec eux jusqu’à 98% de notre ADN codant (pour les chimpanzés), ils sont donc susceptibles d’être affectés par les mêmes agents pathogènes que nous.

Or, ils sont tous déjà classés au minimum EN DANGER sur la liste rouge de l’IUCN, et En Danger Critique d’Extinction pour :

  • le chimpanzé de l’Ouest ou Pan troglodytes verus, une des 4 sous espèces du chimpanzé commun et qui fait l’objet d’un programme de sauvegarde en Sierra Léone.

 Voir notre dossier complet à ce sujet

Code Animal Tacugama 2020

  • le Gorille de l’Ouest (Gorilla gorilla), avec 80 % de sa population réduite sur 3 générations soit environ 66 ans, a un effectif estimé à 200 000 individus, 90 % de la population aurait été décimée par le braconnage et l’épidémie due au virus Ebola entre 2003 et 2013.
  • l’orang-outan de Bornéo (Pongo pygmaeus). En 2014, nous avions été à leur rencontre dans le Parc National de Tanjung Puting dans la province de Kalimantan du Sud, réserve de biosphére reconnue par l’UNESCO depuis 1977 et qui est le fruit du travail de la primatologue Biruté Galdikas. Une population d’environ 6000 orangs-outans vivent sur les 355 000 hectares du parc sur les  70 000 à 100 000 individus restant selon une étude publiée dans le journal Current Biology en Mars 2018

Code Animal Tanjung Puting 2014

  • l’orang-outan de Sumatra (Pongo abelii), moins de 15 000 individus au dernier recensement de 2016, une 3ème espèce a été découverte en 2017 à Sumatra, l’Orang-outan de Tapanuli avec seulement 800 individus recensés.

En Danger Critique d’Extinction signifie pour ces espèces qu’elles ont 50 % de risque de disparaitre dans les cinq années à venir.

Il n’y a actuellement aucune preuve que le Coronavirus responsable de la maladie du Covid19 puisse impacter ces populations de Grands singes, mais dans cette hypothèse plus que vraisemblable, la plupart des responsables de parcs à travers le monde ont pris des précautions dès le début de la crise en limitant drastiquement les contacts humains/ grands singes. En effet, la plupart des parcs nationaux ou réserves où vivent ces grands singes tire ses revenus de l’écotourisme, de la rencontre avec des animaux habitués sur plusieurs générations à la présence de l’homme. Les règles sanitaires sont censées être strictes, avec port de masques chirurgicaux, distances minimales à respecter, mais il s’avère souvent que les consignes ne sont pas toujours bien suivies par les touristes et souvent aussi par les non-humains qui réduisent les distances de sécurité !

Un communiqué de l’IUCN et de spécialistes des primates a été rendue publique le 15 Mars dernier avec les recommandations pour éviter au maximum la contamination des grands singes.

Hominidés.com

Les scientifiques expliquent que 70 à 75 % des maladies humaines émergentes actuelles sont des zoonoses, principalement dues à la faune sauvage.

Mais lorsqu’on parle de zoonoses, on parle le plus souvent de maladies transmissibles de l’animal à l’homme, on oublie souvent que l’inverse est vrai !

Les humains aussi partagent leurs germes avec les animaux et principalement avec les autres primates. Il a même été prouvé par le passé la transmission de pathogènes à des populations de primates via les chercheurs qui venaient les étudier, on a en effet retrouvé des virus avec des séquences latino-américaines et asiatiques chez les chimpanzés du parc Tai en Côte d’Ivoire, alors que seule la présence de scientifiques est acceptée sur les lieux, les touristes ne sont pas admis. (Science et vie Mars 2015)

En 2013, le Rhinovirus C, virus très commun chez l’humain et qui cause chez lui un simple rhume, a tué 5 chimpanzés sur les 56 présents à l’époque dans le parc de Kibalé en Ouganda en Afrique de l’est.

Idem en 2016, la même communauté de chimpanzés et un autre groupe du même parc ont vu plus de 10% de leur population décimée par un autre virus également responsable de rhume chez l’humain.

On ne sait d’ailleurs toujours pas comment ces grands singes ont pu être contaminés car toutes les mesures sanitaires et gestes barrière étaient respectés et il n’y a pas de touristes dans ces régions.

Isolés pendant des millénaires des humains par les forêts aujourd’hui détruites et clairsemées, les grands singes se trouvent soudainement confrontés à des germes auxquels ils sont sensibles et contre lesquels ils n’ont développé aucune immunité, ils sont donc redoutables pour eux.

C’est d’ailleurs aussi ce qui s’est passé dans les années 1500 (!)  pour des populations humaines exterminées par les germes pathogènes des colons…Ainsi La colonisation de l’Amérique par les européens a causé une forte baisse démographique de la population des amérindiens en grande partie à cause des maladies exogènes (telles que la grippe, la peste bubonique ou pneumonique, la fièvre jaune, la variole, le paludisme) contre lesquelles les indigènes n’avaient pas développé la même immunité que les populations de l’Ancien Monde.Le taux de mortalité aurait atteint 90 pour cent pour les populations les plus affectées.  

Plus récemment, on a pu constater comment le tourisme représentait  une grave menace sanitaire pour les Jarawa des îles Andaman, dans l’Océan Indien, des milliers de touristes entrant chaque mois en relation avec cette tribu de chasseurs-cueilleurs le long de la route illégale de l’Andaman Trunk, Une épidémie risquant de les faire disparaître en peu de temps.(sans parler bien entendu de l’aspect éthique d’un tel tourisme…)

Autre maladie respiratoire, due celle-ci à une bactérie, le bacille de Koch (Mycobactérium tuberculosis) responsable de la tuberculose.

Cette bactérie, dont la souche originelle serait apparue en Afrique de l’est il y a 3 millions d’années, aurait été dispersée à travers le monde par l’humain, au cours de ses migrations successives.

Chez les primates non humains, la maladie évolue de façon rapide et discrète, la mort survient le plus souvent 5 à 6 mois après l’infection. Les symptômes peuvent être respiratoires et digestifs avec des dyspnées, des toux, des diarrhées…

http://www.cnrs.fr/infoslabos/reglementation/docs-PDF/tuberculose.pdf

Dans les sanctuaires, les animaux sont testés pour la tuberculose, mais pas vaccinés.

Code animal – Différents examens lors du bilan de santé des chimpanzés à Tacugama en Janvier 2020, dont les prises de sang pour les dépistages de maladies.

La vaccination contre la tuberculose n’est pas autorisée car le vaccin humain du BCG confère une protection variable chez les humains et une protection de courte durée chez les primates non humains.

Il est d’autre part impossible de faire la différence par les tests actuels entre une réaction positive due au vaccin et une réaction positive due à une infection naturelle.

https://pasa.org/wp-content/uploads/2016/05/PASA_Vet_Manual_2009_2nd_ed_677pp.pdf

En règle générale, les sanctuaires enquêtent sur les facteurs risques des maladies répertoriées dans leur région et les vétérinaires conçoivent des protocoles de vaccination basés sur les risques encourus et qui sont appropriés pour les espèces particulières de primates à leur charge.

Les régimes de vaccination sont alors dictés en fonction des maladies présentes dans la zone locale, des maladies présentes dans le sanctuaire, des maladies contre lesquelles on peut vacciner et des projets d’avenir pour les animaux (réhabilitation en milieu sauvage possible ou pas).

Des vaccinations contre la polio (voie orale), contre le tétanos, la rougeole, éventuellement la grippe saisonnière, la rage dans les zones à risque et l’hemophilus influenzae.

Quoi qu’il en soit, il est le plus souvent inapproprié de vacciner des animaux prêts à être relâchés.

https://pasa.org/wp-content/uploads/2017/02/PASA_Operations_Manual_2016_French.pdf

Dans les endroits où ils sont maintenus captifs (zoos), les recommandations sont la vaccination contre la grippe, la varicelle, la poliomyélite et la rougeole au moyen de vaccins humains, ils peuvent également être vaccinés contre la rage et l’encephalomyocardite virale

 http://theses.vet-alfort.fr/telecharger.php?id=3244

Code Animal Ménagerie de Paris 2019

Étant donnée la situation critique dans laquelle sont déjà ces espèces, principalement à cause des activités humaines déjà énoncées, pas question de leur faire prendre le moindre risque supplémentaire  avec le SARS-COV-2 , une épidémie chez eux pourrait signifier leur extinction définitive.

Rester à distance des grands singes semble donc être  la solution la plus efficace aujourd’hui, avec des mesures sanitaires drastiques dans les sanctuaires et en maintenant une surveillance et une présence dans les parcs pour ne pas laisser libre champ aux braconniers…

Kalaweit est une association qui travaille pour la sauvegarde de la biodiversité en Indonésie. Elle se focalise principalement sur la sauvegarde des gibbons, c’est d’ailleurs actuellement le plus important projet de réhabilitation des gibbons au monde.

Chanee, le fondateur de l’association nous expliquait à travers une vidéo de sa chaine YouTube les mesures mises en place dès le début de la crise ainsi que les risques encourus par les gibbons et les orang-outans à cause du virus.

Les maladies humaines transmises aux grands singes :

Dans les tableaux ci-dessous sont rassemblés les divers pathogènes virus, bactéries et parasites humains pouvant causer des symptômes plus ou moins sévères aux autres grands singes.