Les Roussettes de Malaisie

Les chauves-souris, qui forment l’ordre des chiroptères, étaient jusqu’à peu, divisés en deux groupes : les Microchiroptères et les Mégachiroptères qui ne comportaient que les Pteropodidae comme famille.

Cependant, de récentes études moléculaires ont changé la classification des Chiroptères et les Pteropodidae seraient désormais regroupés avec quelques familles de Microchiroptera au sein des Yinpterochiroptera.

Les mégachiroptères ont de gros yeux et une tête qui rappelle celle du renard d’où le nom de « renards volants », en anglais flying foxes.

Ces chauves-souris habitent toutes les régions tropicales de l’Ancien Monde,  en Asie (dans les zones tropicales ou subtropicales, y compris en Inde), en Australie, en Océanie, et dans les îles est-africaines (mais pas sur le continent africain) ainsi que dans un  certain nombre d’îles océaniques éloignées à la fois dans l’océan Indien et le Pacifique.

Comme toutes les chauves-souris, les roussettes sont principalement actives la nuit. Elles vivent en colonies, de plusieurs centaines, voire de plusieurs dizaines de milliers d’individus.

Dans les forêts tropicales, elles gîtent en plein air, dans les arbres (pas dans les grottes), suspendues la tête en bas aux branches supérieures, et restent fidèles à leurs lieux de repos. Dans certains pays où elles ne sont pas chassées, elles peuvent choisir des arbres de repos très proches des villages, dans d’autres, elles préfèrent la sécurité de la forêt tropicale.

Les colonies de roussettes sont assez hiérarchisées, et chaque individu occupe au sein de la colonie une position déterminée par son sexe, son âge et son rang.

Elles ne pratiquent pas l’écholocation mais ont une bonne vue en lumière faible et un odorat bien développé.

Photo credit : Sophie Wyseur

Les Rousettes (Pteropus vampyrus), qui ne se nourrit que de fruits, de fleurs et de nectar est indispensable dans la pollinisation de certaines plantes dites chiroptérophiles,tout en participant à la dissémination des graines d’autres, dites chiroptérochores.

Par exemple,l’évolution a favorisé un système gagnant-gagnant entre les chiroptères et des arbres comme le  kapokier ou le durian. Les fleurs de ces arbres tropicaux favorisent leur pollinisation par les roussettes avec des fleurs qui ne s’ouvrent qu’en fin de journée, se fanent à l’aube et dégagent une odeur forte et aigre de fermentation, ce qui favorise leur repérage pour des animaux nocturnes ; elles sont en outre grandes et bien dégagées du feuillage pour faciliter leur accès ; enfin, elles produisent une quantité relativement importante de nectar.

L’espèce a été classée EN par l’IUCN en raison de la perte de son habitat et de « la pression de chasse intensive et non durable dans son aire de répartition ».

Elle n’est malheureusement pas seule à subir des pressions importantes pour la survie de l’espèce, ainsi, au moins 19 % des 1 400 espèces de chauves-souris dans le monde serait en danger d’extinction à cause de la chasse « de subsistance » mais aussi car elles sont considérées comme « nuisibles » puisqu’elles peuvent venir se nourrir dans les plantations agricoles, leur habitat naturel se réduisant comme peau de chagrin à cause des activités humaines et la déforestation.

Certaines autres sont exterminées car elles sont perçues négativement dans la culture locale ou nationale.

Photo credit : Sophie Wyseur

Plus de la moitié des espèces de Pteropus vivent sur des îles de petite taille et sont donc particulièrement exposées au risque d’extinction. Les cyclones, le déboisement des forêts tropicales et la chasse sont autant de menaces pour ces animaux.

À Madagascar, les roussettes étaient autrefois capturées en vol dans de grands filets tendus sur leur passage.

Ailleurs, les animaux étaient frappés et agrippés avec une longue perche de bambou garnie de rameaux épineux à son extrémité.

Les australiens eux, enfumaient les colonies de chauves-souris et les assommaient avec leurs boomerangs. Aujourd’hui, le fusil est un moyen beaucoup plus destructeur. Ces consommations locales à l’époque ne perturbaient pas l’équilibre démographique des populations de roussettes, le problème n’est plus du tout à la même échelle de nos jours et la plupart des espèces sont en danger d’extinction.

Or, les priorités de conservation sont plus souvent axées sur des espèces charismatiques, et les chauves-souris ne bénéficient pas d’un grand capital sympathie auprès du plus grand nombre et cela d’autant moins depuis la pandémie mondiale de Covid-19.

De fin 2017 à début 2018 un profil sociodemographique et économique de chasseurs de chauve souris a été réalisé par deux biologistes Sherryl L. Paz et Juan Carlos T. Gonzalez,en interrogeant 240 chasseurs dans 10 villages du Agusan Marsh Wildlife Sanctuary (AMWS) aux Phillipines.

Il s’agissait de déterminer la sensibilisation des individus à la question de conservation des espèces, leurs perceptions sur les programmes de surveillance mis en place en amont ainsi que sur leur application.

Photo credit : Sophie Wyseur

Les résultats ont montré que l’agriculture et la pêche étaient les moyens de subsistance les plus courants des chasseurs.

Il apparaît dans le sondage que la majorité des chasseurs ont un niveau d’éducation élémentaire (42,9 %) et appartiennent à un ménage de 4 à 6 membres (55,5 %), souvent avec un seul membre ayant un maigre revenu quotidien (80,7 %). Les inondations annuelles constituaient la principale contrainte économique pour les chasseurs.

La majorité des chasseurs ne croient pas à l’importance d’éviter les espèces tabous (85,4 %) et la plupart d’entre eux ne connaissaient pas les lois protégeant la faune (62,9 %) et sont totalement incapables de faire la différence entre les espèces menacées et non menacées (86,3 %).

 Une mauvaise mise en œuvre du programme de surveillance et une application insuffisante ont également été observées dans l’AMWS.

Des cerfs-volants munis d’hameçons (55 %) et de fusils (31,7 %) ont été utilisés pour chasser P. vampyrus, principalement pour la consommation locale (83,3 %). 

L’interdiction totale de la chasse dans les communautés autochtones pauvres et dépendantes de la faune sauvage de l’AMWS o d’autres communautés similaires n’est pas envisageable et il semble plus efficace et réaliste d’envisager des quotas de chasse fondés sur la science dans les interventions politiques visant à équilibrer la conservation et le bien-être humain.

Un arrêt de cette chasse et du commerce exige la mise en place de campagnes d’éducation efficaces, avec engagement et implication des communautés autochtones dans la conservation, et surtout de programmes de moyens de subsistance alternatifs et durables.

Au moins trois espèces de roussettes insulaires se sont éteintes au XIX e siècle (celles de Maurice, de Palaos et de l’île Percy [Australie]). La roussette de l’île de Guam, Pteropus tokudae, s’est éteinte au cours de la seconde moitié du xxe siècle (le dernier spécimen avéré a été tué par un chasseur en 1968).

Photo credit : Sophie Wyseur

À Bali, nous nous sommes rendus dans la région de Tabanan, à l’ouest de l’île, une région rizicole riche où se trouve l’Alas Kedaton temple and Forest. Ici, encore des centaines de macaques crabiers, une végétation luxuriante, des statues, un temple et les fameuses roussettes de Malaisie. Une petite vingtaine pendues par les pieds sur les perchoirs de bois, qui semblent bien réveillées bien qu’on soit en pleine journée. Elles se chamaillent, se toilettent, vocalisent, nous regardent sans crainte .
Elles ne sont pas attachées et peu enclines a s’envoler, elles se déplacent seulement plus ou moins habilement accrochées à leur support en bois.
Aujourd’hui, nous sommes seuls, pas un seul touriste à l’horizon, notre guide nous explique que depuis la Covid-19, les visiteurs sont très rares et que les affaires sont très difficiles.

En témoignent ces rangées de petites échoppes toutes identiques mais fermées faute de visiteur sur les lieux. Nous restons une heure à discuter avec le « propriétaire »  des chauves-souris, un homme charmant et souriant, comme tant de balinais. Je lui demande comment il a récupéré ces animaux, il me dit qu’il les a ramassé petits par terre, que leur mère les avaient laissé tomber et qu’il les a sauvés et nourris. Je ne crois pas du tout à cette explication mais c’est la seule que j’aurai. Au début, il n’aurait eu qu’un couple qu’il a fait reproduire.
Je lui demande si il y a encore des colonies sauvages aux alentours mais sa réponse est évasive ,je n’arrive pas à savoir vraiment si les chauve souris ont déserté l’endroit, ou si leur population a été progressivement décimée par toutes les menaces qui pèsent sur elles.

Il me fait une démonstration de la façon dont il les nourrit, des gros morceaux de papayes qu’il a prédécoupé et qu’elles semblent savourer. Il me demande si je veux les toucher, faire un selfie avec elles, je décline poliment.

Voici une transcription de nos échanges :
 » Est ce qu’elles peuvent s’envoler?
 – Oui, regarde. »

Démonstration. Il en attrape une, la met à l’endroit et lui donne de l’élan vers le haut, elle s’envole , fait un rapide tour au dessus de nos têtes et vient se reposer sur son perchoir.

« Elles ne s’éloignent pas de leur zone de repos le jour » m’explique t il.
« Et la nuit où sont elles?
– Ah bien je les enferme dans une cage dans mon échoppe sinon elles risqueraient de s’envoler définitivement ! »

Photo credit : Sophie Wyseur

Lors de mon périple, je reverrai des flying foxes à différents endroits, toutes imprégnées et détenues dans des lieux très touristiques. Elles sont là pour attirer l’œil des touristes.
Devant une échoppe, je discute avec un autre « propriétaire ».
 – Où et comment récupérerez-vous ces chauves souris ?
– Du marché local. Certains vendeurs font de l’élevage … ou en capturent bébé pour les revendre, c’est légal.

Quand nous voyageons, soyons vigilants dans nos choix de visites et l’intérêt que nous portons à certaines « attractions » afin de ne pas encourager leur existence.
Si vous avez un doute sur la légalité de certaines utilisations d’animaux dans certains pays, vous pouvez également vous rapprocher des NGO locales ou écrire au ministère du tourisme ( ou son équivalent) du pays afin de donner votre avis.
Les pays dont le tourisme est un enjeu économique majeur sont souvent à l’écoute du ressenti ou des revendications des étrangers visitant leur pays.

Sophie Wyseur

Image credit : Sophie Wyseur

Sources :

https://therevelator.org/bats-threat-hunting/ 1

https://threatenedtaxa.org/index.php/JoTT/article/view/7466 2

https://smujo.id/biodiv/article/view/12465   Sur la musculature des bras.

https://www.larousse.fr/encyclopedie/vie-sauvage/roussette/184562 3

https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Pteropodidae