Les ours polaires parmi les premières victimes du réchauffement climatique ?

Demandez à n’importe quelle personne de nommer une espèce mise en danger par le réchauffement climatique, l’ours polaire sera souvent cité comme exemple. Ce grand mammifère est devenu un véritable emblème de la cause environnementale, mais quelles menaces pèsent réellement sur cette espèce ?

Un article paru dans le journal « Le Monde » le 20 juillet 2020 revient sur une étude scientifique publiée dans la revue « nature climate change » (Molnár et al., 2020). Cette étude alerte sur le fait que d’ici 2100 les ours polaires verront disparaître progressivement leur habitat naturel, la banquise d’arctique, celle-ci étant vouée à fondre avec le réchauffement climatique. Le problème est le suivant : les ours polaires ont besoin de cette banquise pour attraper les phoques dont ils se nourrissent et qui représentent la principale source de graisse dans leur alimentation.

Cet article nous rappelle par ailleurs que la température terrestre a augmenté de 1 degré Celsius depuis l’ère préindustrielle et que le réchauffement climatique est deux fois plus rapide en arctique, ce qui ferait des ours polaires les premières victimes de celui-ci.

Réchauffement climatique et disparition de la banquise :

Depuis le milieu du 20ème siècle, la terre subit un réchauffement climatique intense dont la principale cause est l’activité humaine, avec entre autre une forte émission de gaz à effet de serre. Ce réchauffement climatique se manifeste de multiples façons : augmentation des températures, fonte des glaces, réchauffement et augmentation du niveau des océans… Selon la NASA, la température moyenne à la surface de la terre aurait subi une augmentation de 0.9 degrés Celsius depuis la fin du 19ème siècle, avec un réchauffement intensifié dans les 35 dernières années.

Une conséquence de ce réchauffement climatique est une fonte plus importante et prolongée de la banquise en Arctique. La NASA recense un déclin de 12% de celle-ci par décennie, avec un record de fonte enregistré en 2012. (Vidéo interactive).

La fonte de la banquise à un impact sur le réchauffement climatique lui-même. En effet la glace permet de refléter la lumière du soleil ; lorsqu’elle fond les périodes d’exposition aux rayons du soleil sont plus longues, ce qui accentue le réchauffement. Mais la fonte de la banquise impact également la survie des ours polaires qui ont besoin de celle-ci pour s’alimenter.

Impact sur la période de jeûne des ours polaires :

Si les ours polaires ont besoin de la banquise pour s’alimenter, en particulier pour pécher les phoques dont ils se nourrissent, ils sont néanmoins capables de jeûner sur une période de plusieurs mois correspondant à la fonte estivale de la glace. Cependant, l’étude conduite par Péter K. Molnar et son équipe démontre que la période de jeûne des ours polaire est limitée, et qu’au-delà d’une certaine période elle entraîne un risque pour la survie des adultes et des jeunes.

Cette étude permet de déterminer le nombre de jours de jeûne limite avant que la survie des individus ne soit impactée. Pour cela les chercheurs ont développé un modèle qu’ils appliquent aux différentes sous-populations d’ours polaires présents en arctique. Le modèle se base sur une sous-population d’ours polaires présent à l’ouest de la baie d’Hudson au Canada, puisque ces ours sont déjà soumis à une période de jeûne estival.

L’impact du jeûne sur la survie des adultes dépendrait majoritairement de trois critères : la durée du jeûne, les réserves énergétiques au début de celui-ci et les dépenses énergétiques. Le modèle développé par les chercheurs montre qu’un jeûne prolongé impacterait tout d’abord la survie des oursons, puis des jeunes, suivie des parents, et enfin des femelles solitaires. Il est important de noter que les durées varient selon les sous-populations étudiées.

Les résultats de cette étude sont sans appel : si certaines sous-populations d’ours polaires sont déjà menacées de nos jours, d’ici 2100 une grande majorité sera impactée par la fonte de la banquise qui entrainera une période de jeûne trop longue et donc un déclin de leur capacité de survie (Une exception étant faite pour la sous-population d’ours polaires présents sur les îles de la Reine-Elisabeth).

Quel avenir pour les ours polaires ?

Ces données confirment ce que l’on pensait déjà : les ours polaires seront fortement impactés dans les décennies à venir (et même dès aujourd’hui) par le réchauffement climatique. Il est d’autant plus difficile de protéger cette espèce que le phénomène de fonte des glaces est déjà bien engagé et ne saurait être stoppé dans les années à venir, et ce même si toutes les émissions de gaz à effet de serre cessaient immédiatement. Cet argument sera notamment avancé par les zoos qui prétendront participer à la « conservation » de cette espèce menacée. Mais à quoi bon « conserver » une espèce derrière des barreaux, aussi loin de son habitat naturel et des conditions de vie pour lesquelles elle est adaptée ?

La conservation des espèces doit se faire dans les milieux naturels dans lesquels elles habitent.

Tiphaine Chartier

Zoo d’Higashiyama, Japon, 2008.

Sources

https://climate.nasa.gov/

https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/07/20/une-etude-date-la-quasi-extinction-des-ours-polaires-d-ici-a-2100_6046771_3244.html

https://www.nature.com/articles/s41558-020-0818-9