Les impacts du COVID-19 sur les centres de conservation in situ de la faune sauvage

  • Le problème majeur émergeant au début de la crise fût le manque de ressources humaines & financières.
  • Les équipes ont dû faire des sacrifices financiers & personnels pour le bien des animaux.
  • La plupart des refuges ayant fermé leur clinique, la faune sauvage subit une fois de plus les conséquences des erreurs humaines.
  • L’épidémie a quand-même eu des impacts positifs en renforçant l’esprit d’équipe & en développant la créativité de chacun dans une nouvelle situation, notamment pour la collecte de dons.
  • Les refuges ont dû s’adapter à la nouvelle norme qu’est le « monde virtuel ».

Une chose est sûre, la crise du COVID-19 a bouleversé la vie humaine partout sur terre et de milles différentes façons. Mais les animaux sont également fortement impactés : les centres pour la faune sauvage, si importants à la conservation in situ des espèces, ont subi de plein fouet les ravages de ce virus si dangereux. Parce qu’ils dépendent de la générosité du public et du travail de bénévoles sur le terrain pour survivre, ces refuges sont aussi en première ligne.

Comment s’adapter à la crise

Pour éviter toute contamination, les mesures d’hygiène, déjà très strictes dans la plupart des centres (notamment ceux qui accueillent des primates) ont été très vite renforcées. Comme à « Ape Action Africa » au Cameroun, des stations supplémentaires pour se laver les mains ont été ajoutées, des contrôles de températures fréquents ont été mis en place, des masques réutilisables ont été conçus par certains membres de l’équipe et la nourriture provenant de l’extérieur est maintenant constamment lavée et désinfectée avant d’être distribuée aux pensionnaires.

Le manque d’aide physique & financière

De manière générale, quel que soit le continent, les centres pour la faune sauvage ont fermés leurs portes très vite en Mars ou Avril. Ce confinement implique la fin des visites guidées au public mais aussi le départ des bénévoles et stagiaires avant la fermeture des frontières. La source principale de revenus des sanctuaires est ainsi coupée et en même temps, l’aide physique si précieuse également pour s’occuper de tous ces animaux, a subitement disparue. En l’espace de quelques semaines, la vie dans ces sanctuaires a été complètement chamboulée et les équipes se retrouvent ainsi amoindries et  devant une surcharge de travail.

A « Kids Saving The Rainforest (KSTR) », un sanctuaire et centre de sauvetage et réhabilitation de la faune sauvage au Costa Rica, sous les conseils du gouvernement, toute l’équipe a dû passer à un mi-temps faute de moyens. Pour la Dr Carmen Soto, vétérinaire du centre « le défi principal est le manque de personnel pour bien s’occuper de tous les animaux ».

Dr. Carmen Soto avec un paresseux à deux doigts, Dona, et infirmière vétérinaire Camille Luccisano

En Afrique, certains membres courageux de sanctuaires ont pris la décision de rester confiner au centre, loin de leurs familles. Pour ne pas risquer de contaminer les animaux, ils ne sortent pas depuis des mois et consacrent tout leur temps aux soins de leurs pensionnaires. Comme c’est le cas à « Ape Action Africa », où une quinzaine de membres de l’équipe vivent sur place depuis mi-mars.

Tous les centres possèdent un fond d’urgence en cas de crise. A KSTR, « il était suffisant seulement pour les trois premiers mois » d’après la Dr Soto. Alors que la crise continue et que l’incertitude d’une seconde vague plane toujours, les difficultés financières se font terriblement ressentir. Le manque de moyens n’affecte pas seulement les salaires, mais également la nourriture et le traitement des animaux du centre. Une autre recommandation du gouvernement pour ne pas exacerber le problème financier, était de fermer la clinique, c’est-à-dire de ne plus accepter de nouveaux animaux de manière à concentrer les ressources humaines et financières limitées sur les animaux déjà présents.

Heureusement d’autres centres arrivent à continuer leur mission malgré la crise. C’est le cas de Lola Ya Bonobo qui a sauvé au moins trois bonobos orphelins depuis Mars en République Démocratique du Congo. Car même si la pandémie a impliquée une diminution des activités humaines et donc une sorte de répit pour la nature, dans certains endroits elle a eu l’effet inverse avec une augmentation du braconnage pour le commerce illégal de la faune sauvage. Les animaux ont ainsi toujours besoin de l’aide et la protection de ces sanctuaires.  

Au Cameroun, le « Limbe Wildlife Centre » est responsable cette année de 40 membres du personnel et de 455 animaux (dont 15 gorilles et 43 chimpanzés particulièrement menacés). Au 23 Avril, ce centre de sauvetage et de réhabilitation de la faune sauvage, avait déjà un déficit de $80 000.

D’autres recommandations gouvernementales, par exemple au Costa Rica, avaient pour but d’alléger la clinique en nombres d’animaux : en relâchant ceux qui avaient le plus de chance de s’en sortir à nouveau dans la nature, en transférant certains individus à d’autres refuges moins impactés par la crise, ou/et en euthanasiant les animaux qui n’avaient que très peu de chance de survivre malgré les soins apportés. Heureusement, « KSTR » n’en est pas arrivé à cette dernière solution !

Crédits photo : Lola Ya Bonobo

La première mesure prise par tous les centres fût un appel massif aux dons. « Beaucoup de gens nous ont aidé quand la crise a débuté, mais après les deux premiers mois, les dons ont commencés à diminuer » indique la Dr. Soto, «c’était nouveau au début, les gens étaient contents d’aider puis ils ont commencé à avoir leur propres problèmes financiers ».

L’esprit créatif des équipes s’est aussi développé de manière à trouver de nouvelles méthodes pour récolter de l’argent. « KSTR » a notamment lancé une compétition de photographie de la faune sauvage, où chaque personne votant pour la photo gagnante devait reverser un dollar symbolique.

Crédits photo : KSTR

Comme partout dans le monde, l’entre-aide et la générosité sont aussi des conséquences positives de la crise du COVID-19. Au Costa Rica, certains agriculteurs ont fait don de légumes et fruits frais pour les pensionnaires de « KSTR ». Le gouvernement a également diminué de moitié les factures d’électricité et autorisé à ce qu’elles soient payées plus tard, dans l’espoir d’alléger le problème financier du centre.

La crise & le monde virtuel

La pandémie du COVID-19 aura donné l’opportunité à de nombreux refuges de consacrer plus de temps au « monde virtuel ». Aux réseaux sociaux bien-sûr, pour faire un appel aux dons de manière plus urgente et pour se faire connaître davantage localement et internationalement avec plus de publications.

Mais la pandémie aura également forcé les équipes à penser différemment et à s’adapter à un monde changeant : beaucoup de centres proposent maintenant, en échange d’une contrepartie financière, une visite virtuelle du refuge. D’après la Dr. Soto, « un impact positif du COVID-19 a été les tours virtuels car nous ne les proposions pas avant, mais même si les gens reviennent pour des visites personnelles, nous aurons toujours l’option des tours virtuels également. C’est un moyen en plus de s’adresser aux locaux mais aussi à l’échelle internationale ».

Crédits photo : KSTR

« KSTR » pense également proposer des stages virtuels. Avant la crise sanitaire, des stagiaires venaient passer 3 mois ou plus, à la clinique, la nurserie ou au sanctuaire. Ces stages payants représentaient une source financière importante bien sûr, mais également une aide physique indispensable pour le bon fonctionnement du refuge. Remplacer un stage, où l’expérience sur le terrain est primordiale, par une offre virtuelle s’accompagne évidemment de défis. Si apprendre « en ligne » à un coût moindre est plus facile et accessible pour certains, alors pourquoi ne pas tenter !  

Le futur

Aujourd’hui, personne ne peut prédire comment la pandémie évoluera. Les centres pour la faune sauvage dépendent plus que jamais de la générosité du public. Ils continuent de faire face malgré la crise, et s’adaptent semaine après semaine à la situation. Lorsque le tourisme local pourra reprendre et que les refuges ouvriront à nouveau au public, le problème financier s’allègera quelque peu. Pour attirer les visiteurs, « KSTR » proposera notamment des visites guidées aux locaux, à un prix réduit.

La faune sauvage subit une fois de plus les conséquences des actions humaines, mais grâce à des équipes dévouées et passionnées, leur travail sur le terrain continue. Mais pour combien de temps encore ? Sans plus de ressources humaines et financières, certains centres se verraient contraints de fermer leurs portes…

Nous ne pouvons qu’espérer que l’Homme en aura tiré une grande leçon et que des changements décisifs seront pris pour protéger la faune sauvage, et par extension, la vie humaine.

Propos recueilli & rédaction : Camille Luccisano