Un iguane dans le salon, un serpent dans un terrarium design, un perroquet qui répète vos phrases… On en voit chez des particuliers, et les réseaux sociaux regorgent de vidéos qui les présentent comme des compagnons “originaux”. Mais est-ce vraiment une bonne idée ? Si quelque chose vous dit que non, on vous explique pourquoi.
Un salon ne remplacera jamais la nature
Un serpent parcourt chaque jour de grandes distances dans son milieu naturel. Un perroquet vole sur des kilomètres avec ses congénères. Une tortue passe son temps à chercher nourriture et soleil.
En captivité, ces comportements deviennent impossibles. Les terrariums restent trop petits, la lumière artificielle ne reproduit pas les cycles du jour et des saisons, et la plupart des accessoires vendus en kits par animalerie sont trompeurs : ils donnent l’illusion d’un confort, mais ne couvrent pas les besoins fondamentaux.
Résultat : les animaux survivent plus qu’ils ne vivent.
Le drame du mal-être silencieux
Contrairement aux chiens ou aux chats, beaucoup d’animaux sauvages ne manifestent pas leur mal-être de façon visible. Un reptile immobile n’est pas forcément “paisible” : il peut être stressé ou malade.
Et les chiffres sont clairs :
- Chez les reptiles, environ 75 % meurent dans la première année après l’achat, parfois même dans les premiers mois.
- Chez les poissons d’aquarium, la mortalité grimpe à 90 % dans les six premiers mois, à cause de l’eau inadaptée, du stress ou de maladies.
- Et avant même d’arriver chez les particuliers, les grossistes enregistrent jusqu’à 70 % de pertes en seulement 6 semaines.
En réalité, derrière l’image d’animaux présentés comme ‘faciles’, la vérité est brutale : la plupart meurent dans les premiers mois après l’achat.”
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Le mythe du “facile à élever”
Les animaleries vendent des espèces “idéales pour débutants”. Mais ce discours est trompeur :
- Les tortues présentées comme “solides” peuvent vivre 40 à 60 ans dans la nature – des âges très rarement atteints en captivité privée.
- Les serpents “pour débutants” nécessitent des températures précises, une hygrométrie constante, une alimentation spécifique.
- Les perroquets, réputés “attachants”, sont des oiseaux grégaires et intelligents : l’isolement provoque frustration et comportements destructeurs.
Beaucoup de particuliers réalisent trop tard qu’ils ne peuvent pas répondre à ces besoins complexes.
Les abandons se multiplient, les refuges débordent, et certains animaux sont même relâchés dans la nature.
Des risques pour tout le monde
La captivité d’animaux exotiques ne pose pas seulement problème pour leur bien-être, elle met aussi en danger les humains et l’environnement.
Sur le plan sanitaire, les reptiles sont responsables de milliers de cas de salmonellose chaque année (jusqu’à 74 000 aux États-Unis) et en France, plusieurs enfants ont été hospitalisés après avoir manipulé des tortues.
Côté sécurité, les autorités ont saisi depuis 2018 une quinzaine de félins détenus illégalement chez des particuliers en France, tandis que serpents venimeux, scorpions ou singes circulent encore légalement.
Enfin, les relâchés illégaux dans la nature provoquent de graves déséquilibres écologiques : certaines espèces exotiques deviennent invasives et supplantent les espèces locales, avec des conséquences parfois irréversibles.
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EMODE : une grille pour classer les animaux de compagnie
Face à ces problèmes, certains chercheurs proposent des outils pour mieux informer le public et encadrer les ventes. L’un des plus connus est EMODE.
EMODE (Easy, Moderate, Difficult, Extreme) est une grille qui classe les espèces selon la difficulté de leur entretien par un particulier. Le système repose sur 6 critères : besoins environnementaux, espérance de vie, dangerosité ou maladies, niveau de connaissances scientifiques, accès à des soins vétérinaires et compatibilité avec la vie humaine.
Chaque animal obtient un score pour être classé dans l’une de ces 4 catégories :
- Facile : espèces domestiquées comme chiens, chats ou lapins.
- Modéré : espèces aux besoins connus, mais exigeants, tels certains rongeurs ou oiseaux.
- Difficile : animaux sauvages, complexes ou risqués, comme la plupart des reptiles, perroquets ou amphibiens.
- Extrême : espèces impossibles à maintenir en captivité privée, comme les grands félins, primates, crocodiles ou serpents venimeux.
L’objectif est simple : offrir aux acheteurs une information claire, comme une étiquette alimentaire, avant toute acquisition.
Pour l’instant, cette grille n’est qu’une proposition : son affichage n’est pas obligatoire dans les animaleries. Mais s’il le devenait, il pourrait enfin donner aux acheteurs une information honnête et décourager l’acquisition d’animaux impossibles à maintenir correctement en captivité.
Et l’opinion des Français ?
Le rejet de la détention d’animaux sauvages par des particuliers est massif. !
Un sondage réalisé en 2020 par La Fondation Droit Animal (association qui œuvre pour la reconnaissance et la protection des droits fondamentaux des animaux), montre que 87 % des Français estiment que ces animaux ne devraient pas être détenus comme “nouveaux animaux de compagnie”. Dans le même esprit, 90 % refusent que des animaux soient capturés dans la nature pour finir dans un salon. Enfin, 84 % jugent cette pratique dangereuse, à la fois pour les humains, pour les animaux eux-mêmes et pour l’environnement.
En clair, l’opinion publique est largement en avance sur la loi : les citoyens ont compris que garder un animal sauvage chez soi n’est ni sûr, ni éthique, ni durable.
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En conclusion : un choix de société
Avoir un animal exotique chez soi peut sembler séduisant. Mais derrière l’effet “waouh”, il y a des chiffres : mortalité massive, trafics illégaux, zoonoses, biodiversité menacée.
Nos foyers ne seront jamais adaptés à la vie d’un serpent, d’un perroquet ou d’une tortue. La science le prouve, et les Français le savent déjà.
Il est temps que la loi suive cette prise de conscience collective. Les animaux sauvages n’ont rien à faire dans nos salons : leur seule place est dans la nature, et notre responsabilité est de faire en sorte qu’ils y restent.
C’est pourquoi Code Animal milite pour l’adoption d’une liste positive en France. Cette mesure claire et simple permettrait de définir quelles espèces peuvent, exceptionnellement, être détenues, sur la base de critères scientifiques : bien-être de l’animal, absence de risque pour la santé humaine et protection de la biodiversité. Toutes les autres espèces seraient exclues du commerce et de la détention, comme c’est déjà le cas en Belgique ou au Luxembourg.
Une telle liste mettrait fin au flou actuel et réduirait considérablement les souffrances, les abandons et les dangers liés à la détention d’animaux sauvages. Suivez notre rubrique “Actualités” pour découvrir nos actions et les avancées politiques sur ce dossier.
Oriane Santhasouk – Erb
Sources :
Code Animal, Fondation Brigitte Bardot, & La Fondation Droit Animal, Éthique & Sciences. (2020, 8 juin). 9 français sur 10 pensent que les animaux sauvages exotiques ne devraient pas être des animaux de compagnie. Code Animal. https://www.code-animal.com/sondage-9-francais-sur-10-pensent-que-les-animaux-sauvages-exotiques-ne-devraient-pas-etre-des-animaux-de-compagnie/
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