Delphinarium de Beauval : Un « Centre d’études » ou la Perpétuation de la Captivité ? Code Animal Dénonce un Contournement Légal

Dans un communiqué de presse, les organisations de protection animale, dont Code Animal, s’opposent fermement au projet d’installation pour dauphins annoncé par le ZooParc de Beauval. Sous le nom de « Centre d’Études et de Sauvegarde pour dauphins », le projet est dénoncé comme un nouveau delphinarium déguisé, dont les caractéristiques contreviennent aux objectifs de fin de captivité fixés par la LOI n° 2021-1539 du 30 novembre 2021 visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes.

L’annonce récente d’une ouverture en 2027 pour un coût total de 25 millions d’euros et le déplacement de M. Mathieu Lefèvre (Ministère de la Transition Écologique) la semaine dernière illustre une accélération du projet, malgré les inquiétudes majeures des ONG.

Au-Delà des Apparences 

Le communiqué du ZooParc de Beauval met en avant une infrastructure “spectaculaire” pour le public : une capacité d’accueil de 20 à 30 dauphins répartis dans sept bassins, dont trois vastes lagons paysagers, contenant plus de 30 000 mètres cubes d’eau de mer reconstituée.

Selon l’analyse de One voice, parmi ces 7 bassins, 4 seront des bassins techniques ou de soin et seulement 3 seront les bassins où seront détenus les 20 à 30 dauphins. Soit l’équivalent d’une superficie totale de Marineland et Planète sauvage. Autrement dit, pour les animaux, rien ne change.

Le parc promet des aménagements sophistiqués tels que des plages, des rochers, des vagues et des courants naturels, dans le but avoué “de recréer un environnement proche de celui que les cétacés connaissent dans la nature”. Mais seulement pour le plaisir des clients.

Pour Code Animal, cette façade technologique et paysagère ne masque pas une réalité biologique fondamentale. Le grand dauphin (Tursiops truncatus) est une espèce qui, dans son milieu naturel, peut parcourir librement jusqu’à 90 kilomètres par jour et plonger à des profondeurs considérables.

« Les installations sont pensées pour impressionner le public, mais elles ne font que prolonger la souffrance. Le volume d’eau, aussi important soit-il, reste une goutte d’eau par rapport à l’étendue et à la complexité de l’océan. Les besoins des dauphins vont bien au-delà de l’espace physique : ils nécessitent une stimulation cognitive complexe, des structures sociales fluides et un environnement sensoriel riche (sons, faune marine) que le béton, même paysagé, ne peut offrir. Ces lagons sont, de fait, des bassins de confinement qui ne peuvent garantir une retraite digne. »

Des études scientifiques sur le comportement des cétacés ont établi que la privation de ces facteurs mène à des comportements stéréotypés et à un stress chronique chez ces espèces hautement intelligentes.

Planète sauvage 2020

Les Lignes Rouges de l’Extinction de la Captivité sont Violées

 

Notre organisation a des conditions fermes pour toute discussion concernant l’avenir des dauphins captifs en France, en accord avec la Loi de 2021. Le projet de Beauval échoue systématiquement à les respecter :

1. L’Interdiction de la Reproduction et du Commerce (Lignes Rouges)

Le projet intègre le programme EEP (programme européen d’élevage en captivité) coordonné par l’EAZA (« European Association of Zoos and Aquaria ») a été créée en 1992 et compte plus de 300 membres, parcs zoologiques et aquariums issus de tout le continent européen. En France, 60 institutions sont adhérentes à l’EAZA.) :

  • Prolongation de l’Exploitation : L’autorisation de la reproduction est une manœuvre pour garantir une nouvelle génération captive et, par conséquent, perpétuer l’exploitation commerciale. Notre position est inflexible : la fin de la captivité passe nécessairement par l’arrêt de la reproduction. Force est de constater qu’à l’instant T, le seul moyen pratique pour prévenir la reproduction est l’implant contraceptif, une méthode qui peut avoir des failles importantes et qui n’est donc pas une garantie absolue. Pour que la loi de 2021 soit véritablement respectée, Code Animal exige que les autorités ministérielles et les parties prenantes scientifiques travaillent sans délai sur la recherche et le développement d’alternatives à l’implant pour garantir la non-reproduction des cétacés en captivité. L’absence de solution fiable ne doit pas servir de prétexte à la poursuite des naissances.
  • Risque de transferts forcés : La participation à des programmes d’élevage introduit le risque de transferts européens et internationaux d’animaux, potentiellement vers des delphinariums moins regardants, voire jusqu’en Chine. Ces échanges sont un commerce déguisé, synonyme de déchirement social pour des cétacés. Ouvrir la structure à Beauval, ne garantit en rien que les animaux détenus restent en France.

2. Jouer sur les mots ? 

Malgré la rhétorique du ZooParc de Beauval au fil des mois et largement reprise dans les médias, qui présente le projet comme une « structure d’accueil » ou même un « sanctuaire », la stratégie est de refuser le statut de sanctuaire légal, tel que défini par la loi française de 2021 en son article 47.

En réalité, Beauval privilégie le statut d’établissement zoologique avec ce qu’ils nomment des « programmes scientifiques », une notion qui à ce jour n’est toujours pas définie par le Ministère de la Transition Écologique dans l’un des nombreux décrets qu’il lui reste à publier pour faire pleinement appliquer la Loi de 2021.

Ce choix de statut n’est pas anodin : il leur octroie la possibilité de poursuivre des activités lucratives et de contourner les restrictions strictes qu’impliquerait un véritable sanctuaire, notamment :

  • L’interdiction formelle de la reproduction (que Beauval tente de contourner via l’EEP).
  • L’absence de tout spectacle ou interaction payante visant le divertissement du public.
  • L’interdiction des échanges et du commerce d’animaux.

C’est une tentative claire de rendre légale la continuation d’une activité que la loi voulait progressivement éliminer. En capitalisant sur l’image positive et éthique du terme « sanctuaire » sans en respecter les contraintes légales, le ZooParc cherche à bénéficier de la sympathie du public tout en maintenant un modèle économique d’exploitation animale. Code Animal dénonce cet abus de langage éthique qui trompe le citoyen et se réserve donc le droit d’attaquer par voies légales ce procédé.

 

Planète sauvage 2020
Planète sauvage 2020

Le Faux Dilemme et l’Incohérence Politique Dénoncés

Code Animal dénonce l’instrumentalisation de l’urgence. Le ZooParc et d’autres agitent le spectre d’un transfert des dauphins vers l’étranger pour forcer la main aux autorités. Au vu de la situation actuelle et compte tenu du délai de mise en route du projet de Beauval, il est peu probable que ce soit les animaux du Marineland qui y soient transférés.

Aussi le devenir des 12 dauphins de cette structure est toujours sur la table. Il est également à rappeler, que le transfert de ces animaux est légal si l’établissement qui les accueille dispose des autorisations requises. L’un des points à discuter serait la non utilisation pour la reproduction de ces animaux et les spectacles, tel que mentionné dans la Loi de 2021.

Le véritable attrait commercial du nouveau « centre » de Beauval semble reposer sur les 11 dauphins actuellement détenus à Planète Sauvage et dont le transfert vers Beauval a été confirmé dans la presse à horizon 2027 (une fois le centre construit donc). La réelle question à se poser concernant Planète Sauvage est bien la raison qui pousse l’établissement à se séparer de ces dauphins. Certes la Loi de 2021 est au cœur des discussions et ouvre sur la remise en question majeure d’une exploitation des animaux, mais ne serait-ce pas également une question d’investissement ? Rappelons que le zoo appartient depuis 2015  au Looping Group qui est un acteur majeur et même un leader dans le secteur du tourisme et des loisirs en Europe. Les bassins des dauphins de Planète Sauvage, qui constituent la Cité Marine, ont été inaugurés et ont accueilli les premiers dauphins en 2009. Serait-il possible que les investisseurs se détournent des animaux car la remise au propre des bassins coûterait trop chère ?

Enfin, Martin Boye, figure reconnue de l’industrie captive et l’ancien directeur scientifique de Planète Sauvage, est publiquement connu pour être un fervent opposant aux solutions de sanctuaires marins et un acteur historique du lobbying en faveur du maintien de la captivité, notamment au sein de l’EAAM (Association Européenne pour les Mammifères Aquatiques). Nous avons eu la confirmation cette semaine qu’il a pris de nouvelles fonctions comme directeur scientifique au sein du tristement célèbre delphinarium Loro Marque. Quelles seront les relations de travail entre Beauval et Martin Boye ?

« On nous place face à un faux dilemme : Beauval ou l’exil. Pourtant, la troisième voie existe : celle des véritables sanctuaires marins. Il s’agit de la seule option éthique et scientifiquement reconnue pour offrir aux dauphins captifs une retraite digne, sécurisée et semi-naturelle. »

Le soutien gouvernemental à ce projet, illustré par le déplacement ministériel récent, est une source de grande préoccupation. Il témoigne d’une incohérence politique qui contredit l’engagement affiché de placer le bien-être animal au cœur des décisions.

 

🔚 Conclusion : L’Impératif du Sanctuaire, Seule Réponse à la Loi de 2021

Le projet de Beauval, malgré sa façade de modernité et les arguments d’opportunité avancés par l’industrie, ne représente pas une solution éthique pour l’avenir des cétacés en France. En refusant le statut de sanctuaire et en maintenant la possibilité de reproduction et de commerce, ce « delphinarium 2.0 » contrevient directement à l’esprit de la loi de 2021, dont l’objectif est l’extinction progressive de la captivité.

Code Animal rappelle aux autorités leur responsabilité : le soutien à ce projet, ainsi que le retard pris dans la publication des décrets sur les « programmes scientifiques », témoignent d’une dangereuse incohérence politique. La seule voie juste et scientifiquement reconnue pour les dauphins de Marineland et de Planète Sauvage est celle des véritables sanctuaires marins, garantissant une retraite digne et mettant un terme définitif à leur exploitation. Toute autorisation accordée à Beauval dans son modèle actuel sera considérée comme un recul majeur et exposera l’État à de nouvelles contestations.

> COMMUNIQUE DE PRESSE <<

 

Sources

20 Minutes. (2025, 7 novembre). Près de Nantes, Planète Sauvage confirme le départ de ses onze dauphins vers Beauval, une « opportunité ». https://www.20minutes.fr/nantes/4184182-20251107-pres-nantes-planete-sauvage-confirme-depart-onze-dauphins-vers-beauval-opportunite

 

Ministère de la Transition Écologique. (2025, 6 novembre). Déplacement de M. Mathieu Lefèvre au Zooparc de Beauval (Loir-et-Cher) ce jeudi 6 novembre 2025. https://www.ecologie.gouv.fr/presse/deplacement-m-mathieu-lefevre-zooparc-beauval-loir-cher-ce-jeudi-6-novembre-2025

 

Ministère de la Transition Écologique. (s. d.). Création d’un centre de référence pour la protection des dauphins au Zooparc de Beauval : une réponse concrète. https://www.ecologie.gouv.fr/presse/creation-dun-centre-reference-protection-dauphins-zooparc-beauval-reponse-concrete

 

Parc Animalier d’Auvergne. (s. d.). Les programmes de reproduction européens. https://www.parcanimalierdauvergne.fr/protegeons-les-especes-rares-et-menacees/les-programmes-de-reproduction-europeens/leaza/

 

Fondation Droit Animal, Éthique et Sciences (LFDA). (s. d.). 94 – Réhabiliter des cétacés captifs. https://www.fondation-droit-animal.org/94-rehabiliter-des-cetaces-captifs/

 

Titre : « Cognition and the welfare of captive cetaceans: A commentary on ‘A note on the proposed Miami Seaquarium orca/dolphin interactions’ by N.A. Rose »

  • Auteurs : Marino, L., & Frohoff, T.
  • Publication : Journal of Veterinary Behavior: Clinical Applications and Research (2014)

https://sencanada.ca/Content/Sen/Committee/441/LCJC/briefs/BobJacobs_f.pdf

https://scholarsarchive.byu.edu/cgi/viewcontent.cgi?article=1035&context=ballardbrief

https://books.google.fr/books?hl=fr&lr=&id=wsLADwAAQBAJ&oi=fnd&pg=PA22&dq=st%C3%A9r%C3%A9otypies+in+captive+Dolphin&ots=yZENtHtkGR&sig=kQjGy9oSP5PFQnHUBuMQBAA4aTY#v=onepage&q&f=false

https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-3-319-46994-2_11

https://link.springer.com/chapter/10.1057/978-1-137-36671-9_13