Besançon : la Citadelle reste un zoo, la réflexion sur le vivant bâclée

Le 16 juin 2025, les résultats de la concertation sur l’avenir du zoo de la Citadelle de Besançon ont été publiés dans la presse locale. Sans surprise, la municipalité a choisi de maintenir l’existence du zoo, tout en annonçant son développement à travers l’introduction de deux nouvelles espèces à forte valeur commerciale (présentées comme « bankable »). Cette décision, loin de refléter une réflexion éthique et environnementale sérieuse, s’inscrit dans une logique de rentabilité à court terme et d’exploitation continue du vivant.

L’association Code Animal, engagée depuis des années contre la captivité des animaux sauvages à des fins de divertissement, revient sur ce processus de concertation et ses dérives. Nous avons travaillé énormément avec notre partenaire locale, l’association Humanimo

Photo credit : Unsplash

Une concertation lancée… 

Suite à plusieurs controverses concernant les conditions de vie des animaux captifs dans les zoos français, la Ville de Besançon avait ouvert une réflexion sur l’avenir du parc zoologique de la Citadelle, site emblématique inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO. Différents scénarios avaient été évoqués : maintien du zoo tel quel, restructuration partielle, transformation en refuge ou sanctuaire, voire fermeture progressive du site animalier au profit d’une revalorisation culturelle, historique et écologique du lieu.

Code Animal avait été sollicitée dans le cadre de ces échanges et avait soumis des propositions concrètes pour une reconversion éthique du site, fondée sur la création d’un refuge pédagogique sans reproduction ni présentation publique, un parcours de sensibilisation à la biodiversité locale, et une mise en valeur du patrimoine naturel et historique de la Citadelle.

Cependant, dès le début du processus, il est apparu que certains scénarios, pourtant porteurs de sens et d’avenir, étaient marginalisés, caricaturés ou simplement ignorés.

📌 La proposition de Code Animal en bref :

  • Un refuge sans reproduction, accueillant des animaux issus de saisies, trafics ou abandons ;

  • Un parcours de sensibilisation à la biodiversité locale et aux enjeux du trafic d’animaux ;

  • Une mise en valeur du patrimoine naturel et historique de la Citadelle, dans un esprit de respect du vivant et d’innovation culturelle.

Photo credit : Unsplash

Comment la proposition est minimisée dans le rapport final

La lecture attentive de la synthèse officielle permet de constater un traitement réducteur et orienté de la proposition alternative portée notamment par Code Animal. Celle-ci visait à reconvertir le zoo de la Citadelle en refuge, centré sur l’accueil d’animaux issus de saisies ou de trafics. Cette approche, fondée sur une analyse des enjeux contemporains (trafics, espèces exotiques envahissantes, bien-être animal, saturation des structures existantes), est renvoyée à une logique de continuité minimaliste avec l’existant. Explications.

Une déformation de l’ambition de la proposition

Le rapport réduit la proposition de Code Animal à un simple prolongement de la fonction actuelle de « gardien temporaire » pour quelques espèces (oiseaux, tortues, amphibiens) déjà accueillies ponctuellement, en insistant sur l’impossibilité technique d’en faire plus.

Il s’agissait d’imaginer un changement de paradigme, à la fois dans la finalité du lieu (accueil d’animaux et du public, sensibilisation aux causes structurelles des trafics) et dans sa vocation pédagogique (sortir du modèle de la vitrine animale). Ce n’est pas une amélioration marginale du zoo : c’est un projet plus éthique et éducatif.

Photo credit : Unsplash 

L’argument de la « limite de l’espace » : un faux obstacle

L’argument selon lequel « l’espace est trop limité pour accueillir plus d’animaux ou des espèces de plus grande taille comme les fauves » est fallacieux à plusieurs titres :

  • Le projet ne visait pas spécifiquement l’accueil de grands fauves, mais d’animaux effectivement saisis en France (oiseaux, reptiles, primates, etc.), pour lesquels les refuges manquent cruellement de place.

  • L’espace est jugé « trop limité » pour le refuge, mais suffisant pour accueillir deux nouvelles espèces à fort attrait commercial ? Voilà une contradiction manifeste. Si la place manque, pourquoi la réserver à des espèces charismatiques plutôt qu’à des animaux en détresse ?

  • Reconfigurer le site était précisément le cœur de la proposition : désartificialiser certains espaces, mettre fin aux installations les plus vétustes, redonner de la cohérence écologique à un lieu trop contraint pour une présentation muséographique classique.

Neutralisation politique par simplification

Ce que fait ce passage, c’est neutraliser une proposition transformatrice en la vidant de sa substance. Au lieu d’être traitée comme une alternative sérieuse – celle d’un pôle refuge/sanctuaire, pédagogique, intégré à un réseau d’accueil des saisis en France – elle est réduite à un non-sens logistique. On crée une fausse évidence : « c’est bien de vouloir aider les animaux saisis, mais c’est matériellement et financièrement impossible ici. » Et on conclut sans débat.

Il n’y a aucune prise en compte des alternatives de scénographie ou de conversion progressive. Le rapport ne cite aucun exemple pourtant mobilisable, en France comme à l’étranger : Tonga, Le Refuge de l’Arche, Stichting AAP (Pays-Bas), Natuurhulpcentrum (Belgique), etc.

Photo credit : Code animal

Des scénarios alternatifs écartés sans étude sérieuse

L’un des arguments majeurs avancés pour justifier le rejet des alternatives au maintien du zoo est d’ordre économique. Le rapport final mentionne un coût financier trop élevé pour les scénarios de transformation. Pourtant, à aucun moment durant la concertation, les propositions portées par les associations comme Code Animal n’ont été sérieusement étudiées ni chiffrées. Aucun rapport économique indépendant n’a été commandé. Aucun modèle alternatif de financement – mécénat, partenariats scientifiques, aides européennes – n’a été exploré.

À l’inverse, les alternatives ont été présentées de façon exagérément simplifiée ou ridiculisée. On a laissé entendre que fermer le zoo reviendrait à vider la Citadelle de toute activité, sans proposer de projet structurant de substitution. Le débat a ainsi été tronqué, verrouillé autour de l’idée que seul le maintien du zoo garantirait l’avenir du site, la fréquentation touristique et l’équilibre budgétaire.

L’annonce de nouvelles espèces à forte valeur commerciale : un signal inquiétant

Le point culminant de cette décision réside dans l’annonce publique, à aucun moment discuté en concertation, de l’introduction de deux nouvelles espèces charismatiques. Il s’agit de renforcer l’attrait du zoo en intégrant des animaux « d’appel », rentables en termes de billetterie et de communication. Il n’est plus question ici de pédagogie, de conservation ou de bien-être animal, mais bien de stratégie marketing. Le panda roux et la loutre, quoi de plus mignon ? 

Ce choix témoigne d’une vision dépassée du rôle des zoos, misant encore sur le spectaculaire et le divertissement, au détriment d’une réflexion de fond sur le respect du vivant. Il va aussi à l’encontre des attentes d’une partie croissante de la population, de plus en plus sensible à la condition animale et aux alternatives éthiques à la captivité.

Photo credit : Code animal

Une occasion manquée pour Besançon

En refusant de considérer sérieusement d’autres voies que celle du zoo traditionnel, la Ville de Besançon passe à côté d’une occasion historique de réinventer un site emblématique. Dans un contexte d’effondrement de la biodiversité, de crise climatique et de remise en cause profonde de notre rapport au vivant, elle aurait pu devenir pionnière dans une démarche plus respectueuse et plus cohérente avec les enjeux contemporains.

Transformer la Citadelle en pôle d’éducation à la nature, en lieu d’accueil d’animaux en détresse, en espace de réflexion sur notre responsabilité face au vivant, aurait permis de préserver son attractivité tout en répondant à des exigences éthiques fortes. 

Nos demandes : transparence, responsabilité, alternatives

Face à ce constat, Code Animal demande :

  1. La publication immédiate de toutes les données économiques et techniques ayant conduit à écarter les scénarios alternatifs ;

  2. La mise en place d’une expertise indépendante pour évaluer les différents modèles de transition possibles (refuge, sanctuaire, centre de conservation sans captivité) ;

  3. L’arrêt de l’introduction de nouvelles espèces à visée commerciale, et la priorisation du bien-être des animaux actuellement captifs ;

Et maintenant ? Une question politique à poser dès 2026

Alors que la municipalité actuelle a fait le choix de poursuivre le modèle du zoo traditionnel, sans ouvrir réellement le champ des possibles, les prochaines élections municipales de 2026 seront l’occasion de reposer publiquement la question de l’avenir de la Citadelle.

C’est pourquoi nous porterons une demande claire auprès des candidats et candidates aux élections municipales de 2026 : engager une transition vers un espace tourné vers l’accueil des animaux saisis, la sensibilisation aux trafics, et l’éducation à la préservation du vivant

Besançon mérite mieux qu’un zoo du XXe siècle. Nous continuerons à porter cette voix avec force, responsabilité et détermination.

Photo credit : Unsplash

Aller plus loin : 

– C. M. (2025, 16 juin). Zoo : à l’avenir, on continuera de voir des animaux à la Citadelle. L’Est Républicain. Repéré à https://www.estrepublicain.fr/environnement/2025/06/16/zoo-on-continuera-de-voir-des-animaux-a-la-citadelle-de-besancon

maCommune.info. (2025, 17 juin). Vers une nouvelle orientation pour le parc zoologique de la Citadelle de Besançon [Article]. maCommune.info. https://www.macommune.info/vers-une-nouvelle-orientation-pour-le-parc-zoologique-de-la-citadelle-de-besancon/