L’axolotl (Ambystoma mexicanum) est un amphibien urodèle de la famille des Ambystomatidae, endémique des lacs d’eau douce de la vallée de Mexico, notamment des lacs Chalco et Xochimilco.
Aujourd’hui, le lac Chalco a totalement disparu, et Xochimilco n’est plus qu’un réseau de canaux artificiels sillonnant le sud de Mexico, une agglomération de plus de 20 millions d’habitants. L’habitat naturel de l’axolotl a ainsi presque entièrement disparu, et l’espèce est aujourd’hui classée en danger critique d’extinction sur la liste rouge de l’UICN.
Historiquement, la colonisation espagnole a marqué un tournant décisif. Après la conquête de Tenochtitlan, capitale aztèque, les conquistadors fondèrent Mexico sur ses ruines et mirent en place des systèmes de drainage pour tenter de limiter les inondations récurrentes provoquées par la montée des eaux des lacs. Ces premiers aménagements, bien que peu efficaces à l’époque, amorcèrent la réduction et la modification de l’habitat naturel de l’axolotl.
Face à l’urbanisation galopante et aux risques d’inondations toujours présents, un vaste projet baptisé « drainage profond » (Drenaje Profundo) fut lancé dans la seconde moitié du XXe siècle. Il consistait en la construction d’un immense réseau de plusieurs centaines de kilomètres de tunnels destinés à évacuer les eaux des lacs. Cette opération parvint à limiter les inondations, mais eut des conséquences dramatiques pour les axolotls : leur habitat fut encore réduit, et la qualité de l’eau restante se dégrada fortement sous l’effet de la pollution urbaine, notamment par les métaux lourds.
Par ailleurs, à partir des années 1970, plusieurs espèces exotiques furent introduites dans le lac Xochimilco, dont la tilapia du Nil (Oreochromis niloticus) et la carpe commune (Cyprinus carpio). Ces espèces, devenues invasives en raison de leur forte capacité de reproduction, ont accentué la pression sur les populations d’axolotls, en exerçant à la fois une prédation directe et une concurrence pour l’accès aux ressources alimentaires.
Enfin, la consommation locale de l’axolotl persiste : il est encore utilisé dans certaines pratiques de médecine traditionnelle héritées des Aztèques, et sa chair est appréciée par une partie de la population mexicaine. Le braconnage et le trafic illégal constituent ainsi une menace supplémentaire pour l’espèce.

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Aujourd’hui, toutefois, tous les axolotls vendus aux laboratoires ou aux animaleries proviennent exclusivement de populations captives, l’espèce se reproduisant très facilement en captivité.
Malgré cela, en raison du faible nombre d’individus dans la nature, peu d’études ont été menées sur le comportement d’Ambystoma mexicanum à l’état sauvage.
Élevé en captivité depuis de nombreuses années, l’axolotl est devenu un modèle de recherche scientifique, en particulier en raison de ses caractéristiques biologiques uniques.
Il présente notamment un phénomène de néoténie : il reste toute sa vie à l’état larvaire, conservant ses branchies et se reproduisant sans passer par la métamorphose classique des amphibiens. Ce n’est qu’en cas de stress extrême — notamment lors d’un assèchement de son environnement — qu’il peut amorcer une transformation : ses poumons prennent alors progressivement le relais des branchies, ce qui le pousse à adopter un mode de vie terrestre. Cependant, cette métamorphose, bien que possible, est risquée : elle réduit nettement son espérance de vie, la ramenant à environ 5 ans contre une dizaine d’années en captivité en condition aquatique stable.
On sait également que les hormones thyroïdiennes jouent un rôle clé dans ce processus de métamorphose, qui est irréversible une fois engagé.
Dans ce contexte, une question se pose : pourquoi la population sauvage n’a-t-elle pas évolué vers une vie terrestre face à la dégradation rapide de son habitat ? Les contraintes écologiques, physiologiques et la mortalité associée à la métamorphose pourraient apporter des éléments de réponse.
Par ailleurs, l’axolotl est célèbre pour ses remarquables capacités de régénération : il peut restaurer totalement des membres amputés, des organes internes, des tissus nerveux, et même certaines parties de son cœur et de son cerveau. Ces propriétés en font un sujet d’étude majeur en biologie régénérative.
Cependant, il est important de nuancer cet aspect : tous les individus ne survivent pas aux blessures (douleur, risque d’infection, stress) et la régénération est un processus lent, s’étalant souvent sur plusieurs semaines.
Enfin, l’axolotl possède également un système immunitaire particulier : il peut tolérer des greffes, y compris d’individus différents, sans déclencher de phénomène de rejet, ce qui suscite un grand intérêt dans les recherches biomédicales sur la transplantation.

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Depuis l’arrêté du 11 août 2006 fixant la liste des animaux domestiques, seuls les axolotls albinos blancs et dorés — qu’ils soient mélaniques ou non — sont considérés comme animaux domestiques en France.
Les autres formes, notamment les formes dites « sauvages » (au corps brun tacheté), ne sont pas reconnues comme domestiques. Leur détention est donc soumise aux dispositions de l’arrêté du 8 octobre 2018 relatif aux règles de détention d’animaux non domestiques.
Par ailleurs, la forme albinos (caractérisée par un corps blanc et des yeux rouges) n’existe qu’en captivité : elle résulte d’une hybridation réalisée dans les années 1950 dans un laboratoire américain entre un axolotl (Ambystoma mexicanum) et une salamandre tigrée albinos (Ambystoma tigrinum).
Concernant les autres phases de coloration, et notamment la phase sauvage, les axolotls sont inscrits à l’annexe B du règlement européen CE n°338/97, relatif à la protection des espèces de faune et de flore sauvages par le commerce.
À ce titre, leur identification et leur enregistrement dans le fichier national I-FAP (Identification de la Faune Sauvage Protégée) sont obligatoires.
Modalités d’identification :
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Pour les jeunes axolotls : trois photographies doivent être réalisées — une vue de la tête (où les yeux sont bien visibles), une vue du dessus, et une vue du dessous.
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Pour les adultes : l’identification doit se faire par implantation d’un transpondeur électronique (puce).
Conditions de détention :
Aucune autorisation particulière n’est exigée tant que :
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Le nombre d’axolotls détenus est inférieur à 40,
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Il n’y a pas de reproduction régulière en vue de la vente ou du don (auquel cas une déclaration d’élevage d’agrément serait nécessaire).

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Ces dernières années, l’axolotl a connu une véritable explosion de popularité sur les réseaux sociaux, devenant un « influenceur animal » à part entière.
Des vidéos virales mettant en avant ses comportements fascinants et sa physionomie atypique — sourire permanent, branchies colorées — ont captivé des millions d’internautes. Il existe aujourd’hui de nombreuses déclinaisons de couleur, issues d’élevages sélectifs.
Des plateformes comme TikTok, Instagram ou YouTube regorgent de contenus mettant en scène ces animaux dans des aquariums, accompagnés de conseils d’entretien souvent contradictoires d’un créateur à l’autre.
Si l’on peut considérer que ce phénomène a contribué à sensibiliser un large public à l’existence de cette espèce unique, il a surtout entraîné un intérêt commercial accru, favorisant la vente d’axolotls comme animaux de compagnie.
Les zoos, en exposant des axolotls dans leurs installations et en médiatisant leur présence, participent eux aussi à l’augmentation de leur popularité.
Cependant, cette mise en avant médiatique peut avoir des effets négatifs : elle encourage une perception de l’axolotl comme un simple objet de divertissement, incitant les visiteurs à vouloir en acquérir un sans mesurer toutes les implications.
Contrairement à d’autres espèces plus emblématiques mais difficilement accessibles — comme les singes ou les félins — l’axolotl semble « facile » à obtenir, d’autant qu’il est légalement commercialisable dans certaines conditions. Cette accessibilité renforce l’idée fausse qu’il s’agirait d’un animal simple à élever.
Or, la possession d’un axolotl requiert un environnement très spécifique et des soins rigoureux (qualité de l’eau, température, alimentation adaptée, isolement pour éviter le stress et les blessures…). Beaucoup d’acheteurs, séduits par son apparente simplicité et son esthétique singulière, ignorent ces besoins fondamentaux, ce qui peut rapidement conduire à des problèmes de bien-être animal, voire à des abandons.

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En 2025, le zoo d’Asson illustre parfaitement ce phénomène.
À l’occasion du printemps, période où les parcs zoologiques multiplient les initiatives pour attirer les visiteurs, le zoo a choisi de faire de l’axolotl son principal argument marketing. Interrogés par des journalistes, les responsables du parc ont reconnu avoir sélectionné l’espèce en raison de sa popularité croissante sur les réseaux sociaux et pour « satisfaire la curiosité » du public.
À noter que plus d’une dizaine de zoos français maintiennent déjà des axolotls en captivité depuis plusieurs années. Toutefois, leur instrumentalisation récente comme produit d’appel marketing interroge sur la responsabilité pédagogique que devraient assumer les établissements zoologiques, notamment dans un contexte de sensibilisation à la conservation des espèces menacées.
On peut légitimement s’interroger sur le bénéfice réel que l’axolotl pourrait retirer de cette exposition médiatique et commerciale.
Même si certains zoos affirment vouloir éduquer les visiteurs sur les risques liés à l’achat impulsif en animalerie, combien d’entre eux écouteront véritablement ces avertissements ?
Combien succomberont, au contraire, à l’effet de mode, et courront acquérir un axolotl sur un coup de tête, fascinés par son apparence atypique et son image « mignonne » véhiculée par les réseaux sociaux ?

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Dans les animaleries, si certains vendeurs font preuve de professionnalisme et tiennent à garantir des conditions de vie décentes aux animaux qu’ils commercialisent, d’autres, sous la pression commerciale de leurs responsables, peuvent privilégier le chiffre d’affaires au détriment de la qualité du conseil.
Les acheteurs potentiels ne sont alors pas toujours correctement informés des besoins spécifiques de l’axolotl : qualité et stabilité de l’eau, régime alimentaire adapté, nécessité de vivre seul ou avec de grandes précautions en cas de cohabitation, fragilité face au stress…
À cela s’ajoute la prolifération de petites annonces sur Internet, où l’on trouve en quelques clics des axolotls proposés sans aucun accompagnement sérieux, à bas prix, facilitant encore davantage les acquisitions irréfléchies.
Pendant ce temps, la population sauvage d’Ambystoma mexicanum est au bord de l’extinction.
Les véritables enjeux de conservation ne concernent pas l’augmentation du nombre d’axolotls en captivité dans des foyers privés ou des aquariums publics, mais la protection urgente de leur habitat naturel — les canaux restants de Xochimilco — menacé par la pollution, l’urbanisation et l’introduction d’espèces invasives.
La surmédiatisation de l’axolotl crée une illusion de sécurité autour de l’espèce, donnant au grand public l’impression qu’elle est « sauvée » alors qu’elle est en danger critique d’extinction dans son milieu naturel (IUCN, 2020).
En quoi cet effet de mode contribuera-t-il réellement à préserver les populations sauvages et leur écosystème ?
Il y a un risque réel que cette fascination superficielle détourne l’attention des véritables actions de conservation nécessaires, et accentue au contraire la disconnexion entre l’image populaire de l’animal et les réalités écologiques.

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a préservation de l’axolotl à l’état sauvage est indissociable de la restauration de son habitat naturel.
Actuellement, la réintroduction d’individus captifs dans le milieu naturel n’est pas jugée judicieuse : les nombreuses menaces qui pèsent sur l’écosystème de Xochimilco — pollution, espèces invasives, maladies — ne peuvent pas être convenablement régulées à ce jour.
Depuis quelques décennies, des initiatives locales ont néanmoins vu le jour, avec des résultats plus ou moins viables économiquement et plus ou moins couronnés de succès.
Ces actions reposent principalement sur la sensibilisation des habitants de Mexico à l’importance de leur patrimoine naturel, et sur des projets de restauration du lac Xochimilco.
Concrètement, il s’agit de protéger les axolotls sauvages en les installant dans des zones filtrées, sécurisées et partiellement isolées du reste de l’écosystème.
La majorité des scientifiques reste réticente à l’idée d’introduire des individus issus de la captivité, pour deux raisons majeures :
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D’une part, il est à craindre que ces animaux, élevés en conditions artificielles, ne survivent pas dans des eaux encore très dégradées.
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D’autre part, il est essentiel de préserver la pureté génétique des populations sauvages, afin d’éviter tout brassage génétique susceptible d’affaiblir les caractéristiques naturelles de l’espèce.

Photo credit : National Geographic
Pour conclure, l’axolotl (Ambystoma mexicanum) est devenu en quelques années une icône de la culture populaire, largement médiatisé à travers les réseaux sociaux, les animaleries et les expositions zoologiques. Cette surmédiatisation, si elle a permis de mieux faire connaître l’espèce, entretient une dangereuse illusion : celle d’une espèce florissante, alors que l’axolotl sauvage est en danger critique d’extinction.
La popularité de l’axolotl en captivité n’a aucun impact positif direct sur la conservation de ses populations naturelles.
Pire, elle occulte les véritables enjeux :
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La destruction massive de son habitat,
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La pollution de ses eaux originelles,
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La concurrence d’espèces invasives,
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Et la dégradation continue des écosystèmes lacustres de la vallée de Mexico.
Les efforts de préservation doivent impérativement se concentrer sur la protection et la restauration de l’écosystème de Xochimilco, dernière enclave du milieu naturel de l’axolotl.
Aujourd’hui, la réintroduction d’individus nés en captivité n’est pas envisageable tant que ces menaces majeures ne sont pas maîtrisées, et la conservation passe essentiellement par :
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La sauvegarde des populations sauvages existantes,
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Le maintien de leur diversité génétique,
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Et le soutien aux initiatives locales visant à restaurer l’habitat.
L’effet de mode ne sauvera pas l’axolotl.
Seules des politiques ambitieuses, associant restauration écologique, éducation locale et soutien à la recherche scientifique, permettront peut-être d’éviter la disparition totale de cet animal unique, véritable trésor biologique et symbole de résilience.

Photo credit : National Geographic
Références
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YouTube, Short vidéo — Un axolotl star des réseaux sociaux
https://youtube.com/shorts/9Y648LeFK-c?si=OvDlyxiWOA8EvM_h -
TF1 Info, Reportage vidéo — « J’aimerais bien en avoir un » : l’axolotl, la nouvelle coqueluche des aquariums
https://www.tf1info.fr/environnement-ecologie/video-reportage-j-aimerais-bien-en-avoir-un-l-axolotl-la-nouvelle-coqueluche-des-aquariums-2363751.html -
Code Animal, Article — L’axolotl : un animal mystérieux
https://www.code-animal.com/laxolotl-un-animal-mysterieux/ -
YouTube, Vidéo — Présentation de l’axolotl
https://m.youtube.com/watch?v=wvipdYWVpVw -
Nature et Zoo, Base de données — Liste des zoos détenant des axolotls
https://natureetzoo.fr/liste-animaux-zoos/recherche-par-animaux/?_liste_especes=axolotl-%28ambystoma-mexicanum%29 -
Muséum national d’Histoire naturelle (MNHN), Fiche espèce — Axolotl
https://www.mnhn.fr/fr/axolotl -
Espèces Menacées, Article — Axolotl : tout savoir sur cet amphibien menacé
https://www.especes-menacees.fr/axolotl/ -
Arrêté du 11 août 2006 — Fixant la liste des animaux domestiques
https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000789087 -
Axolotls & Cie, Site spécialisé — Certificat de cession et identification de l’axolotl
https://www.axolotls-cie.com/certificat-de-cession-axolotl