Un traité mondial contre les pandémies : une victoire pour la santé humaine… et animale

Le monde a (enfin) un accord juridiquement contraignant pour prévenir les pandémies à la source

Le 20 mai 2025, à Genève, l’Assemblée mondiale de la santé a adopté par consensus un traité historique sur les pandémies, fruit de plus de trois années de négociations intensives menées dans le sillage de la crise du COVID-19. Il s’agit du premier instrument juridique international contraignant visant à mieux prévenir, préparer et répondre aux futures pandémies — et surtout, à le faire de manière plus équitable.

Mais ce traité ne marque pas seulement une avancée pour la santé humaine. Pour la première fois, il consacre dans le droit international l’approche « One Health » : la reconnaissance officielle que la santé humaine, animale et environnementale sont intimement liées. La protection animale devient ainsi un pilier de la sécurité sanitaire mondiale.

Source : INRAE

Prévenir les pandémies à la source : un objectif ambitieux

Le traité adopté par l’Assemblée mondiale de la santé ne se contente pas de mieux organiser les réponses aux futures crises sanitaires. Il intègre désormais l’idée que les pandémies naissent de perturbations profondes dans nos relations avec le vivant, et qu’il est impératif d’agir avant l’apparition des maladies.

C’est notamment l’objet de ses articles 4 et 5, qui font de la prévention à la source un axe stratégique fondamental :

  • identification et réduction des facteurs de risque liés à l’environnement, à l’élevage et aux interactions faune-humain ;

  • renforcement des capacités vétérinaires et de surveillance des zoonoses ;

  • et mise en œuvre d’une gouvernance One Health coordonnée entre ministères de la santé, de l’agriculture, de l’environnement, et autorités locales.

Lire le traité (EN)

L’origine animale des pandémies : une réalité documentée

On estime que plus de 70 % des maladies infectieuses émergentes chez l’humain sont d’origine animale, souvent liées à des activités humaines à haut risque :

  • déforestation, qui augmente le contact entre faune sauvage, animaux domestiques et humains ;

  • élevage intensif, où les animaux vivent dans des conditions propices à la propagation et à la mutation rapide des virus ;

  • commerce et captivité de faune sauvage, qui multiplient les occasions de transmission croisée entre espèces.

Le cas de la grippe aviaire H5N1 illustre cruellement ce phénomène. Partie de l’avifaune sauvage, propagée massivement dans des élevages industriels de volailles. Le risque de mutation facilitant la transmission interhumaine est aujourd’hui considéré comme sérieux par de nombreux épidémiologistes.

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Des pratiques à haut risque toujours trop répandues

De nombreux experts pointent la responsabilité de pratiques industrielles incompatibles avec la prévention sanitaire :

  • les fermes-usines, où des animaux génétiquement uniformes sont entassés dans des espaces clos et stressants ;

  • les élevages de visons, renards et autres animaux à fourrure, régulièrement identifiés comme réservoirs ou multiplicateurs de virus zoonotiques (comme le SARS-CoV-2) ;

  • et les chaînes logistiques mondialisées du commerce d’animaux sauvages, souvent peu contrôlées.

En 2022, un article du Guardian,141 millions de volailles ont été tuées dans le monde pour tenter d’endiguer la grippe aviaire. En Finlande et selon un rapport de l’organisation Resolve to Save Lives, ce sont près de 500 000 animaux à fourrure qui ont été abattus sur 72 fermes en 2023.

Ces abattages massifs, s’ils sont parfois justifiés par l’urgence sanitaire, sont avant tout les symptômes d’un système défaillant, où l’animal est à la fois victime et vecteur, faute de politiques de prévention suffisamment ambitieuses.

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L’accord reconnaît enfin le rôle stratégique du bien-être animal

Ce nouveau traité n’impose pas de normes spécifiques sur le bien-être animal, mais il ouvre une brèche politique décisive : pour la première fois, la santé animale n’est plus un enjeu périphérique, mais un levier central de prévention.

Il affirme ainsi que la prévention ne saurait se limiter à des mesures de surveillance ou à des campagnes de vaccination : il faut agir sur les causes structurelles, et parmi celles-ci figure en bonne place la manière dont les humains traitent les animaux.

Cette reconnaissance ouvre la voie à :

  • des politiques de transition vers des modèles d’élevage moins intensifs ;

  • une réduction de la dépendance aux produits animaux industriels ;

  • et une révision en profondeur de l’exploitation commerciale de la faune sauvage.

 

Une approche réellement « One Health » : des exemples inspirants

Certains pays ont déjà mis en place des dispositifs « One Health » robustes. L’Ouganda, par exemple, confronté à plusieurs épisodes de fièvres hémorragiques (Ebola, anthrax…), a créé une Plateforme nationale One Health, impliquant les ministères de la santé, de l’environnement, de l’agriculture et de la faune. Résultat : une meilleure détection, des réponses plus rapides, et une coordination efficace entre secteurs.

En France, l’approche One Health a progressivement gagné en reconnaissance, notamment après la crise de la COVID-19. Plusieurs institutions, dont l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire), l’Inserm, Santé publique France, l’IRD ou encore les écoles vétérinaires, ont renforcé leur collaboration dans des projets conjoints. Le pays dispose d’un comité français One Health, créé en 2021 dans le cadre du Plan national de prévention des zoonoses émergentes, qui vise à coordonner les efforts entre humains, animaux et environnement. Cependant, cette approche reste encore souvent cloisonnée entre administrations, et nécessite un changement d’échelle pour devenir pleinement opérationnelle dans la prévention des pandémies.

Le modèle ougandais, fondé sur une gouvernance centralisée et transversale, pourrait ainsi inspirer les États signataires du traité, en particulier dans les zones tropicales où les contacts inter-espèces sont fréquents et les ressources de santé publique limitées — mais aussi dans les pays européens, où le changement climatique, l’intensification agricole ou les flux commerciaux accroissent les risques d’émergences zoonotiques.

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Merci à notre partenaire World federation for Animals pour son engagement

Notre partenaire, World Federation for Animals (WFA), réseau international regroupant plus de 50 organisations de protection animale, dont Code animal, à travers le monde, a joué un rôle majeur dans l’intégration explicite du bien-être animal au sein du traité pandémie. Tout au long des négociations, la WFA a plaidé pour une approche véritablement préventive, fondée sur les liens étroits entre la santé humaine, la santé animale et la santé des écosystèmes. Dans ses contributions écrites et orales auprès des délégations étatiques, la WFA a notamment insisté sur la nécessité de reconnaître le bien-être animal comme un levier de santé publique, en soulignant le rôle des pratiques à risque – élevage intensif, commerce d’animaux sauvages, déforestation – dans l’émergence des maladies zoonotiques.

La WFA s’est également mobilisée pour que le traité établisse des obligations claires en matière de prévention des pandémies à la source, en soutenant l’inclusion de l’approche « One Health » comme principe directeur du texte. Elle a enfin mis en avant l’importance de renforcer les capacités des États à agir de manière transversale et coordonnée, notamment en appuyant les efforts de coopération intersectorielle et la création de plateformes nationales « One Health ».

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Ce que prévoit concrètement l’accord

Le traité adopté n’entrera en vigueur qu’après ratification par 60 États membres. Il prévoit plusieurs dispositifs opérationnels :

  • un système international de partage des agents pathogènes et des bénéfices (PABS), visant à garantir un accès rapide et équitable aux vaccins, tests et traitements ;

  • la création d’un réseau mondial d’approvisionnement logistique, pour éviter les blocages constatés durant le COVID-19 ;

  • et un mécanisme de financement coordonné, pour aider les pays les plus vulnérables à mettre en œuvre des politiques de prévention robustes.

Il est aussi précisé, pour respecter la souveraineté des États, que l’OMS ne pourra imposer aucune mesure contraignante (confinement, vaccination, restrictions de voyage…), chaque pays conservant le contrôle de ses choix nationaux.


Un tournant diplomatique… mais pas une fin en soi

L’adoption du traité est une victoire politique et symbolique importante, saluée par de nombreuses organisations de santé publique, d’écologie, et de protection animale. Elle marque la reconnaissance d’une évidence scientifique trop longtemps ignorée : la santé humaine dépend de notre manière d’habiter le monde et de traiter le vivant.

Mais tout reste à faire :

  • obtenir des ratifications rapides ;

  • traduire les principes du traité dans des plans d’action nationaux ambitieux ;

  • faire évoluer les pratiques agricoles, vétérinaires, douanières et commerciales ;

  • et inclure pleinement les acteurs du terrain (vétérinaires, ONG, agents de conservation, communautés locales) dans la gouvernance sanitaire.

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En conclusion : vers une santé planétaire partagée

Ce traité est une avancée sans précédent vers une vision plus intégrée, plus responsable, et plus solidaire de la santé. Il affirme une idée simple mais puissante : prévenir les pandémies, c’est aussi protéger les animaux, les écosystèmes, et les équilibres fragiles dont nous dépendons tous.

La pandémie de COVID-19 avait montré nos vulnérabilités. Ce traité, s’il est suivi d’actes, peut être le socle d’une nouvelle architecture de santé mondiale, moins réactive, plus anticipatrice — et profondément transformatrice.


Pour aller plus loin :

  • Texte du traité et communiqués officiels : who.int

  • Dossier sur le lien entre bien-être animal et zoonoses : OIE / OMSA

Source : Unsplash

Références :