Photo credit ; interpol
Entre septembre et octobre 2025, une vaste opération internationale coordonnée par INTERPOL et l’Organisation mondiale des douanes a dévoilé l’ampleur inquiétante du trafic d’espèces sauvages. Les chiffres sont sans précédent : près de 30 000 animaux vivants saisis, 1 100 suspects identifiés et 4 640 saisies effectuées dans 134 pays.
Une criminalité environnementale en pleine expansion
L’opération Thunder 2025 a mobilisé les forces de police, les douanes et les autorités de protection de la faune à travers le monde.
Le bilan dépasse toutes les opérations précédentes, confirmant une tendance préoccupante : le commerce illégal d’espèces sauvages représente aujourd’hui un marché estimé à 20 milliards de dollars par an, un montant probablement sous-évalué compte tenu de la nature clandestine de ces activités.
Au-delà des animaux vivants, les autorités ont intercepté des dizaines de milliers de mètres cubes de bois obtenu illégalement et plus de 30 tonnes d’espèces classées comme menacées d’extinction selon la Convention de Washington (CITES).
Ces saisies témoignent d’une criminalité organisée sophistiquée, qui s’entrelace de plus en plus avec d’autres trafics comme celui des stupéfiants ou la traite d’êtres humains.
Photo credit : Interpol
Des tendances inquiétantes émergent
L’explosion du commerce de viande de brousse
Une tendance particulièrement préoccupante est l’augmentation du trafic de viande de brousse, principalement en provenance d’Afrique vers l’Europe. Les autorités belges ont intercepté de la viande de primates, tandis qu’au Kenya, plus de 400 kg de viande de girafe ont été saisis. En Tanzanie, la viande et les peaux de zèbre et d’antilope représentaient une valeur d’environ 10 000 dollars. Au total, 5,8 tonnes de viande de brousse ont été confisquées à l’échelle mondiale.
Le trafic d’espèces marines en hausse
Le commerce illégal d’espèces marines a également connu une recrudescence inquiétante. Plus de 245 tonnes de spécimens protégés ont été saisies, dont 4 000 ailerons de requin, alimentant un marché lucratif pour la médecine traditionnelle et la gastronomie.
Les arthropodes : nouvelles victimes du trafic
Si les grands mammifères emblématiques comme les éléphants ou les rhinocéros attirent l’attention médiatique, l’opération Thunder 2025 a révélé une hausse marquée du trafic d’arthropodes exotiques. Près de 10 500 papillons, araignées et insectes, dont beaucoup sont protégés par la CITES, ont été saisis. Malgré leur petite taille, ces espèces jouent un rôle écologique crucial. Leur disparition perturbe les chaînes alimentaires et favorise l’introduction d’espèces invasives ou de maladies, posant des risques majeurs pour la biosécurité.
Photo credit : Interpol
Des saisies spectaculaires à travers le monde
Les résultats de l’opération illustrent l’ampleur géographique du problème :
En Europe :
- En Allemagne, plus de 1 000 articles liés au trafic ont été confisqués, principalement dans les centres de tri postal et les aéroports
- En France, 107 pièces d’ivoire ont été récupérées sur des marchés
En Asie :
- En Indonésie, plus de 3 000 oiseaux et 7 000 arthropodes ont été confisqués, incluant papillons, araignées et scolopendres
- Au Vietnam, deux individus ont été arrêtés avec 4,2 tonnes d’écailles de pangolin à bord d’un bateau de pêche
- Au Qatar, un individu tentant de vendre un primate en voie d’extinction pour 14 000 dollars via les réseaux sociaux a été interpellé
En Amérique :
- Au Brésil, un réseau de trafiquants a été démantelé avec 145 suspects identifiés et plus de 200 animaux secourus, notamment lors d’une opération ciblant le trafic de tamarins-lions dorés
- Au Mexique, sept animaux dont deux tigres ont été saisis, accompagnés de pièces d’armes à feu liées au crime organisé
- En République dominicaine, 90 personnes ont été arrêtées pour exploitation forestière illégale
En Afrique :
- En Afrique du Sud, 24 suspects ont été interpellés avec des plantes succulentes protégées, des pangolins vivants et plus de 17 000 ormeaux
- En Tanzanie, plus de 100 défenses et pièces d’ivoire d’une valeur de 415 000 dollars ont été saisies, ainsi que 140 dents d’hippopotame évaluées à 40 000 dollars
Photo credit : Interpol
Une réponse coordonnée et durable
L’opération Thunder, qui a déjà 9 ans, a nécessité des mois de préparation et a mis l’accent sur l’échange d’informations et la coordination transfrontalière. Durant la phase tactique, INTERPOL a publié 69 alertes pour faciliter l’identification et l’arrestation des suspects.
Un élément clé de cette opération a été la collaboration entre les services de police et les plateformes financières pour retracer les flux financiers illicites. Face à l’utilisation croissante des cryptomonnaies dans ces activités criminelles, le partage constant de renseignements devient indispensable pour garantir des poursuites efficaces.
Une menace pour la biodiversité mondiale
Au-delà des chiffres, cette opération met en lumière une réalité alarmante : les réseaux criminels ciblent des espèces vulnérables, bafouent l’état de droit et menacent des communautés à travers le monde. La sophistication de ces organisations, leur capacité à s’adapter et leur interconnexion avec d’autres formes de criminalité organisée nécessitent une réponse globale et coordonnée.
Les données recueillies durant l’opération permettront de cartographier les réseaux criminels mondiaux, d’affiner les stratégies des forces de l’ordre, d’anticiper les nouvelles tactiques des trafiquants et de perturber durablement les chaînes d’approvisionnement illicites.
La protection de la biodiversité mondiale exige une action collective soutenue, associant renforcement des capacités, échange de renseignements et coopération internationale pour démanteler l’écosystème criminel qui menace notre patrimoine naturel commun.
Photo credit : Interpol
La France pionnière avec la liste positive contre le trafic de NAC
Face à l’ampleur de ce trafic international, la France a adopté en 2021 une mesure innovante dans la lutte contre le commerce et la détention des animaux sauvages détenus par les particuliers. La loi du 30 novembre 2021 visant à lutter contre la maltraitance animale a introduit le principe de liste positive, un dispositif porté et défendu avec succès par l’association Code Animal.
Cette liste positive, qui devrait être prochainement mise en application par le Gouvernement, inverse la logique réglementaire : désormais, seules les espèces inscrites sur cette liste pourront être légalement détenues par des particuliers et des éleveurs d’agrément. Toutes les autres espèces seront interdites de détention et de commerce. Cette approche, déjà éprouvée avec succès en Belgique, constitue une avancée majeure dans la lutte contre les risques sanitaires, la protection de la biodiversité et le bien-être animal.
L’initiative de Code Animal répond à plusieurs enjeux cruciaux : endiguer le trafic d’animaux exotiques qui expose à des risques zoonotiques majeurs, protéger des espèces menacées d’extinction dont 75% des reptiles meurent dans leur première année de détention par des particuliers, et limiter les invasions biologiques causées par des animaux échappés ou relâchés dans la nature.
Selon l’approche proposée par Code animal, un comité d’experts indépendants, composé de vétérinaires, de chercheurs spécialistes des zoonoses et d’experts en conservation, évaluera chaque espèce selon des critères scientifiques rigoureux : dangerosité, risques sanitaires, impact sur la biodiversité et capacité réelle des particuliers à assurer le bien-être de l’animal.
Cette mesure française, fruit du travail de Code Animal et adoptée malgré l’opposition initiale du gouvernement en 2021, positionnerait la France comme pionnière dans la lutte contre le trafic faunique et pourrait inspirer d’autres législations européennes. Elle démontre qu’une réglementation claire et scientifiquement fondée peut efficacement contribuer à la protection de la faune sauvage mondiale tout en préservant la santé publique.
Soutenir la liste positive en france en faisant un don
Photo credit : Unsplash
Source :
INTERPOL. (2025, 11 décembre). Opération mondiale contre la criminalité liée aux espèces sauvages et l’exploitation forestière : près de 30 000 animaux vivants saisis. INTERPOL. https://www.interpol.int/fr/Actualites-et-evenements/Actualites/2025/Operation-mondiale-contre-la-criminalite-liee-aux-especes-sauvages-et-l-exploitation-forestiere-pres-de-30-000-animaux-vivants-saisis
