Retour sur le colloque de l’OFB au Sénat : entre soutien politique, complexité juridique et attentes citoyennes

Le 20 juin 2025, l’Office français de la biodiversité (OFB) organisait au Sénat un colloque inédit sur le rôle et les missions de la police de l’environnement. L’événement a rassemblé chercheurs, élus, représentants institutionnels, agents de terrain et membres de la société civile. L’objectif affiché : clarifier les missions de l’OFB, réaffirmer son utilité, et ouvrir un dialogue après une période de tensions vives, notamment avec le monde agricole. Code animal était présent. 

Depuis plusieurs années, l’OFB est la cible de critiques virulentes, notamment de la part d’une partie du monde agricole. Des contrôles sur les pratiques d’irrigation, la gestion des haies, l’utilisation de produits phytosanitaires ou la protection des zones humides ont été vécus comme des intrusions, voire des agressions.

Ces derniers mois, des incidents violents ont éclaté : véhicules de l’OFB brûlés, menaces envers les agents, campagnes de désinformation… Ces tensions ont été instrumentalisées dans certains discours politiques opposés à l’écologie réglementaire, dénoncée comme « punitive ».

Dans ce climat délétère, le colloque visait aussi à réaffirmer le soutien de l’État aux agents de terrain, qui agissent pour l’intérêt général dans un cadre légal strict.

Source : Code animal 

Une opinion publique majoritairement favorable

Le colloque s’est ouvert sur la présentation d’un sondage commandé par l’OFB et réalisé par Harris Interactive en mai 2025, révélant un soutien fort de la population française à l’égard des forces de police environnementale. Les répondants estiment majoritairement que les contrôles doivent être renforcés et jugent le port d’arme comme justifié dans certaines situations. Les résultats détaillés (disponibles dans le diaporama via le lien ci-dessous) apportent un éclairage précieux sur la perception des missions de l’OFB par le grand public.

Source photo : Code animal 

Table ronde 1 : biodiversité, climat, santé… La police environnementale face aux grands enjeux

Trois personnalités ont marqué cette séquence :

  • Marc-André Selosse, professeur au Muséum national d’Histoire naturelle, a rappelé que si la biodiversité survit souvent aux grandes crises, c’est l’humain qui est en danger. Il a souligné l’irréversibilité des extinctions et critiqué l’illusion des solutions de type « Arche de Noé » ou « mammouth ressuscité ».

  • Hélène Soubelet, directrice de la Fondation pour la recherche sur la biodiversité, a insisté sur la nécessité de construire les politiques publiques avec les scientifiques, en croisant les échelles micro et macro.

  • Marc Fesneau, ancien ministre de l’Agriculture et député, a réaffirmé son soutien à l’OFB. Il a évoqué les efforts gouvernementaux de replantation des haies.

Mais sur ce point, les faits sont têtus. En effet, selon un rapport du CGAAER,Rapport de mission de conseil et d’expertise n°22114 d’avril 2023, 

🌿 Entre 2017 et 2021, la France a perdu 23 500 km de haies par an, pour seulement 3 000 km replantés annuellement. Autrement dit, on en arrache près de huit fois plus qu’on en replante.
Malgré les annonces de soutien à la biodiversité, le solde reste très négatif.

L’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN), présent dans le public, a souligné ce déséquilibre flagrant, en contradiction avec les politiques publiques annoncées. Selon les données de l’Institut, on parle plutôt de 4 000 km plantées contre 10 000 détruites. 

Source Photo : Code animal 

Table ronde 2 : la justice, les territoires et les délits environnementaux

Parmi les interventions marquantes :

  • Denis Chausserie-Laprée, procureur général à Orléans, a rappelé le rôle de son pôle environnement dans la lutte contre la criminalité environnementale. Il a plaidé pour une simplification du droit de l’environnement, jugé trop complexe, et salué la coopération entre services judiciaires, administratifs et forces de l’ordre.

  • Il a aussi évoqué l’importance du COLDEN (Comité Opérationnel de Lutte contre la Délinquance Environnementale), un outil de coordination interservices en région.

  • Alexis Morel, directeur du Centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage maritime (CROSS) Atlantique, a souligné la difficulté croissante de faire respecter le droit de l’environnement en mer. Ce domaine reste encore peu exploré sur le plan juridique et souffre d’un manque de coordination entre les différents acteurs. Les pollutions, la surpêche ou les atteintes aux habitats marins sont difficiles à contrôler et à sanctionner, faute de moyens dédiés et de dispositifs juridiques clairs. Pourtant, la mer représente un enjeu majeur pour la biodiversité, et les défis à venir exigent un renforcement des outils de surveillance et d’application du droit.

  • Jean-François Vigier, maire et représentant de l’Association des maires de France (AMF), a rappelé que les communes sont souvent en première ligne face aux pollutions (décharges sauvages, braconnage), sans moyens suffisants.

Enfin, une intervention du public a mis en lumière la multiplicité des statuts et appellations des agents de terrain, comme les gardes-nature, rendant leur rôle peu lisible pour les citoyens. Une harmonisation est souhaitée.

Photo source : Code animal 

Table ronde 3 : Le droit de l’environnement est-il un droit comme les autres ?

  • Rémi Rouméas, sociologue, a proposé un bref historique du droit de l’environnement, sujet développé dans son ouvrage Polices environnementales sous contraintes.

  • Corinne Lepage, ancienne ministre et avocate, a livré une intervention très forte : elle a défendu l’idée que le droit de l’environnement est à la fois envahissant (car transversal) et fragile (car jeune et peu intégré dans les réflexes institutionnels). Elle a dénoncé l’inefficacité de certaines régularisations a posteriori, les sanctions symboliques, et la domination d’une logique économique court-termiste.

  • Pascal Canfin, eurodéputé, a souligné les efforts européens pour faire aboutir le Pacte vert (Green Deal), tout en alertant sur les tentatives de démantèlement par l’extrême droite. Il a défendu une écologie pragmatique, fondée sur des mesures compréhensibles et réalistes :

« Faire des bus électriques sans bornes de recharge, ça n’a pas de sens. »
Il s’est également opposé à l’ »écologie punitive », insistant sur la nécessité d’embarquer l’opinion publique avant de légiférer.


Photo source : Code animal

Une loi controversée en toile de fond

La proposition de loi Duplomb, officiellement intitulée « Proposition de loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur », a été adoptée par le Sénat le 28 janvier 2025. Présentée comme une réponse aux difficultés rencontrées par les agriculteurs, cette loi suscite des inquiétudes parmi les associations environnementales, les syndicats agricoles et les professionnels de la santé. Elle prévoit notamment la réintroduction de néonicotinoïdes, des insecticides jugés toxiques pour les pollinisateurs, et la réduction des protections des zones humides, essentielles pour la biodiversité et la régulation de l’eau. Des organisations telles que France Nature Environnement, Greenpeace et la Confédération paysanne dénoncent un texte qui favoriserait une agriculture intensive au détriment de la transition agroécologique, de la santé publique et de l’environnement .

Une dernière table ronde… manquée !

L’article ne couvre pas la dernière séquence du colloque car nous avons dû partir prématurément. Mais les échanges précédents ont déjà illustré les enjeux fondamentaux :

  • Reconnaître l’importance du droit de l’environnement et le faire appliquer.

  • Soutenir les agents de terrain, souvent en première ligne.

  • Éduquer, co-construire, agir ensemble.


Pour aller plus loin

Source photo : Code animal