Un enjeu mondial au cœur de la criminalité organisée
Le trafic d’espèces sauvages est aujourd’hui reconnu comme l’un des quatre plus grands trafics mondiaux, aux côtés de ceux de la drogue, des armes et des êtres humains. Il menace des milliers d’espèces animales et végétales, alimente des réseaux criminels transnationaux, fragilise la gouvernance des États et compromet les objectifs mondiaux de conservation.
Selon l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC), ce commerce illégal touche aujourd’hui 162 pays et territoires, et ses ramifications s’étendent bien au-delà des frontières du braconnage local.
Un rapport diffusé début 2025 par le Consortium international pour la lutte contre la criminalité liée à la faune sauvage (ICCWC) a rappelé l’ampleur des moyens nécessaires : plus de 3,6 milliards de dollars ont été investis globalement entre 2010 et 2023, sans que les trafics ne montrent de réel ralentissement. Les experts insistent sur la nécessité de renforcer non seulement les contrôles, mais aussi les actions de prévention, la réduction de la demande et la coopération internationale.

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Une mobilisation croissante des Nations unies
Face à cette menace croissante, les Nations unies ont progressivement intégré cette problématique dans leur agenda. En 2015, l’Assemblée générale adoptait sa première résolution dédiée au trafic d’espèces sauvages. Depuis, ce texte a été régulièrement mis à jour sous l’impulsion du Groupe d’amis sur le braconnage et le trafic illicite d’espèces sauvages, co-présidé par le Gabon et l’Allemagne. Ce groupe diplomatique a œuvré avec constance pour inscrire le sujet dans les priorités des États membres.
Le 30 juin 2025, à l’occasion des dix ans de cette première résolution, l’Assemblée générale a adopté un nouveau texte plus ambitieux et plus structuré, marqué par un vote formel : 157 pays ont voté pour, 1 contre (les États-Unis), 0 abstention, 35 non-votants. Ce vote reflète une adhésion massive de la communauté internationale à l’idée que le trafic d’espèces sauvages constitue un crime grave et qu’il doit être traité avec les outils du droit pénal international.
📌 À retenir
Le seul vote contre est venu des États-Unis, en désaccord avec certains volets du texte. Ce positionnement isolé contraste avec l’élan international en faveur d’un renforcement des mécanismes multilatéraux de lutte contre le trafic.

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Une résolution à la hauteur des enjeux
Le texte adopté comporte 46 paragraphes opérationnels et couvre une large gamme de sujets. Il appelle les États à reconnaître le trafic d’espèces sauvages comme une infraction grave, à l’intégrer dans les mécanismes de la Convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée (UNTOC), et à renforcer la coopération judiciaire, l’échange de preuves, les enquêtes financières et les contrôles aux frontières.
La résolution insiste également sur la nécessité de mieux encadrer le commerce en ligne d’animaux sauvages, dont l’essor sur les réseaux sociaux alimente de nouveaux marchés. Une enquête internationale conduite en 2024 a ainsi révélé l’existence de centaines d’annonces illégales sur Facebook et WhatsApp, notamment pour des singes, des félins et des oiseaux menacés, dans des pays comme le Brésil ou l’Afrique du Sud.
L’innovation est encouragée : les États sont invités à recourir à des technologies avancées, telles que l’intelligence artificielle, pour détecter et démanteler les réseaux en ligne. Le texte promeut également une approche « One Health », soulignant les liens entre santé humaine, santé animale et dégradation des écosystèmes.
Enfin, la résolution accorde une attention particulière au soutien des rangers, des communautés locales et des ONG engagées sur le terrain, et appelle à une augmentation des financements pour les pays les plus exposés aux conséquences du trafic.

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Chiffres clés
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162 pays concernés par le trafic d’espèces selon l’ONUDC
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3,63 milliards $ investis dans la lutte contre le trafic entre 2010 et 2023
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+477 annonces illégales identifiées en ligne en 3 mois en 2024
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27 millions € mobilisés par l’Union européenne pour le projet GUARD Wildlife lancé en 2025 avec ICCWC
Une impulsion bienvenue, mais encore trop peu traduite en actes
L’association Code Animal salue cette nouvelle résolution, qui place la lutte contre le trafic d’espèces sauvages au rang des priorités mondiales. Toutefois, nous rappelons que ce trafic prospère aussi parce que le commerce légal d’animaux non domestiques reste largement toléré, voire encouragé, dans de nombreux pays, y compris en France. Les bourses aux NAC, les élevages d’animaux exotiques, ou encore les importations régulières d’animaux capturés dans la nature participent à la banalisation de pratiques qui fragilisent la régulation et entretiennent une demande permanente.
Cette résolution, bien que diplomatique, doit désormais inspirer des décisions concrètes : limitation stricte des autorisations de détention, interdiction des formes de commerce favorisant les trafics, soutien aux structures d’accueil éthiques, et révision en profondeur du cadre législatif encadrant la captivité et la vente des espèces sauvages.
Nous appelons la France à se montrer cohérente avec ses engagements internationaux, et à se positionner comme un acteur moteur dans la protection de la faune sauvage, en Europe et dans le monde.

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Sources à consulter :
CITES. (2025, février 6). European Union provides EUR 27 million to support the ICCWC GUARD initiative to combat wildlife crime. Convention on International Trade in Endangered Species of Wild Fauna and Flora (CITES). https://cites.org/eng/news/pr/iccwc-european-union-guard-wildlife-initiative-2025
CITES. (2025, février). ICCWC showcases global efforts to combat wildlife crime at CITES 78th Standing Committee Meeting. Convention on International Trade in Endangered Species of Wild Fauna and Flora (CITES). https://cites.org/eng/news/iccwc_showcases_global_efforts_to_combat_wildlife_crime_at_cites_78th_standing_committee_meeting_2025
Global Initiative to End Wildlife Crime. (2025, juin 30). Submission to the United Nations Group of Friends on Poaching and Illicit Wildlife Trafficking. Global Initiative to End Wildlife Crime. https://crimealliance.org/news/env/323
Laville, S. (2024, décembre 9). Inside the illegal wildlife trade booming on social media. The Guardian. https://www.theguardian.com/environment/2024/dec/09/inside-the-illegal-wildlife-trade-booming-on-social-media-aoe
United Nations Office on Drugs and Crime (UNODC). (2024). World Wildlife Crime Report 2024: Trafficking in protected species. United Nations. [Rapport résumé à SC78 relayé par CITES].
United Nations General Assembly. (2025, June 30). Tackling illicit trafficking in wildlife (A/RES/79/313). United Nations Digital Library. https://digitallibrary.un.org/record/4085143