Marineland : le gouvernement formalise ses décisions sur l’avenir des cétacés

Le 13 décembre 2025, le ministère de la Transition écologique a formalisé ses décisions concernant l’avenir des cétacés de Marineland. Pour Code Animal, cette annonce marque certes une avancée symbolique pour les orques, mais révèle surtout une incohérence politique majeure qui menace l’esprit même de la loi de 2021. Décryptage d’une décision gouvernementale qui, sous couvert de bien-être animal, ouvre la voie à un « delphinarium 2.0 ».

Les décisions gouvernementales

Pour les orques : direction le Canada

Les deux orques du parc ont vocation à rejoindre le projet du Whale Sanctuary Project, sanctuaire marin pour cétacés en Nouvelle-Écosse, au Canada. Le transfert est envisagé à l’été 2026.

Le ministère rappelle que l’autorité scientifique espagnole a déjà refusé le transfert des orques au Loro Parque de Tenerife en Espagne. Par ailleurs, le gouvernement estime qu’il ne serait pas acceptable que ces animaux fassent l’objet d’une exploitation à des fins de spectacle. La solution du sanctuaire est donc aujourd’hui la plus crédible, la plus éthique et la seule conforme aux exigences de sécurité et de bien-être animal.

Selon les informations disponibles, le sanctuaire canadien doit s’étendre sur 40 hectares, avec une profondeur pouvant atteindre 18 mètres, offrant ainsi aux orques un environnement bien plus proche de leur milieu naturel.

Code Animal salue cette position ferme : transférer des orques d’un bassin inadapté vers un autre bassin tout aussi inadapté aurait constitué un dévoiement flagrant de l’esprit de la loi de 2021.

Cependant, dans un communiqué publié vendredi, la direction du Whale Sanctuary Project elle-même tempère les propos du ministre français. L’organisation indique que pour accueillir des baleines en 2026, les travaux de construction nécessaires devront être achevés d’ici la fin de l’été. Les animaux auront besoin de quelques mois pour s’acclimater avant l’arrivée de l’hiver. Surtout, le sanctuaire précise : « Actuellement, nous avons les fonds pour démarrer la construction du sanctuaire, mais pas encore ceux pour la terminer. »

Le gouvernement néo-écossais a accordé en octobre 2025 un bail de 20 ans au Whale Sanctuary Project, couvrant 83 hectares de terres publiques et d’eaux côtières. Mais des Néo-Écossais s’opposent toujours à sa création.

Concernant le financement du transfert lui-même, le ministre Lefèvre a expliqué que les coûts liés au transfert des animaux relèvent des acteurs privés concernés. L’État n’a pas vocation à financer ces opérations.

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Les dauphins : une solution de « transition » qui inquiète

C’est sur le sort des douze dauphins que le bât blesse. Le gouvernement écarte l’option espagnole, jugée insuffisante en matière de garanties de bien-être animal, avec un risque d’exploitation commerciale contraire à l’esprit de la loi de 2021. Jusqu’ici, nous approuvons.

Mais la suite pose problème : les dauphins resteront temporairement à Antibes en attendant l’ouverture du « centre » porté par le ZooParc de Beauval, prévu pour mars 2027. Et c’est précisément ce projet Beauval qui cristallise nos plus vives inquiétudes.

Beauval : un « delphinarium de luxe » déguisé en centre scientifique

Annoncé en novembre 2025, le projet de Beauval sera entièrement financé par le zoo pour un montant de 25 millions d’euros. Sept bassins seront construits sur 2,5 hectares, avec une capacité d’accueil de 20 à 30 dauphins. La structure est présentée comme un « Centre d’Études et de Sauvegarde » avec des aménagements sophistiqués : vagues, courants, îles, poissons.

Code Animal, auteur d’un communiqué de presse, aux côtés de 14 autres ONG et du rapporteur de la loi de 2021, Loïc Dombreval, dénonce fermement ce projet qui porte atteinte à l’esprit de la loi. Sous le nom de « Centre d’Études et de Sauvegarde pour dauphins », se cache en réalité un nouveau delphinarium dont les caractéristiques contreviennent aux objectifs de fin de captivité fixés par la loi.

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Les « lignes rouges » franchies

Maintien de la reproduction : L’ambition d’intégrer un programme EEP (programme européen de reproduction en captivité) démontre la volonté de maintenir un cheptel captif. Pour Code Animal, l’absence de reproduction est non négociable pour mettre fin à cette industrie. Rodolphe Delord, directeur du zoo de Beauval et de l’AFdPZ, a déclaré vouloir laisser les dauphins « se reproduire de façon naturelle » si la capacité le permet. Cela ouvre la porte à la perpétuation de la captivité.

Commerce et transport : La participation aux programmes d’élevage introduit le risque de transfert et d’échange international d’animaux, selon les lignes directrices de l’EAZA (Association Européenne des Zoos et Aquariums). Les animaux appartiendraient de fait à cette organisation.

Refus du statut de sanctuaire : Le projet refuse d’adopter le statut légal de sanctuaire tel que prévu par la loi à l’article L. 413-1-1 du code de l’environnement. L’établissement privilégie le modèle commercial d’établissement zoologique, ce qui lui permet de poursuivre des activités lucratives liées aux cétacés et d’échapper aux strictes contraintes éthiques d’un sanctuaire.

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Le vide juridique sur les « programmes scientifiques »

Cette stratégie de contournement est facilitée par le manque de clarté réglementaire de l’État autour de la notion de « programme scientifique ». La loi de 2021 prévoit que les cétacés peuvent être détenus dans le cadre de programmes scientifiques, mais aucun décret n’a encore précisé ce que constitue un programme scientifique acceptable.

Un arrêté a bien été publié le 28 juin 2024 fixant les caractéristiques générales des établissements autorisés à héberger des cétacés. Mais cet arrêté autorise toujours la présentation au public des cétacés après décembre 2026, alors que l’esprit de la loi visait à mettre un terme à cette activité.

Code Animal rappelle aux autorités leur responsabilité : le soutien à ce projet, ainsi que le retard pris dans la publication des décrets sur les « programmes scientifiques », témoignent d’une dangereuse incohérence politique.

Beauval : un historique qui interpelle

L’annonce récente d’une ouverture en 2027 et le déplacement du ministre Mathieu Lefèvre en novembre 2025 illustrent une accélération du projet, malgré les inquiétudes majeures des ONG. Or, rappelons-le, Rodolphe Delord avait déjà tenté d’ouvrir un delphinarium à Beauval en 2016, projet auquel Code Animal et d’autres associations s’étaient fermement opposées.

Le communiqué du ZooParc met en avant une infrastructure « spectaculaire » pour le public, avec une capacité d’accueil de 20 à 30 dauphins. Selon l’analyse de One Voice, parmi les 7 bassins, 4 seront des bassins techniques ou de soin et seulement 3 seront les bassins où seront détenus les dauphins. Autrement dit, pour les animaux, rien ne change fondamentalement par rapport aux delphinariums actuels.

Tous les delphinariums d’Europe ferment progressivement. La loi française de 2021 interdira les spectacles de cétacés à partir de décembre 2026. Dans ce contexte, autoriser la création d’un nouveau complexe pour dauphins captifs, même sous couvert de « recherche scientifique », constitue un recul majeur.

Le ministère précise que les prochaines étapes administratives seront menées avec les services de l’État, la communauté scientifique, les ONG et l’exploitant du site. Code animal se tient à disposition du Ministère pour travailler sur ce dossier. 

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Sources 

The Whale Sanctuary Project. (2025, 12 décembre). French Government Affirms Effort to Bring Orcas to Sanctuary. The Whale Sanctuary Project. https://whalesanctuaryproject.org/french-government-affirms-effort-to-bring-orcas-to-sanctuary/

Ministère de la Transition Écologique. (2025, 13 décembre). Le Gouvernement formalise les décisions concernant l’avenir des cétacés de Marineland. https://www.ecologie.gouv.fr/presse/gouvernement-formalise-decisions-concernant-lavenir-cetaces-marineland 

Nice-Premium. (2025, 13 décembre). Avenir des cétacés de Marineland : l’État tranche, le conflit s’aggrave. Nice-Premium. https://www.nicepremium.fr/actualites/avenir-des-cetaces-de-marineland-letat-tranche-le-conflit-saggrave/

France Bleu. (2025, 24 novembre). « Le centre dédié aux dauphins à Beauval sera quelque chose d’inédit », affirme Rodolphe Delord, le directeur de zoo. https://www.francebleu.fr/infos/environnement/le-centre-dedie-dauphins-a-beauval-sera-quelque-chose-d-inedit-affirme-rodolphe-delord-le-directeur-de-zoo-3071011