Fin janvier, Code animal a eu l’honneur d’être reçu par le Dr Sam Williams, à son domicile dans les montagnes à quelques kilomètres au Sud de San Jose, Costa Rica.

Le Dr Williams est le Directeur et fondateur du Macaw Recovery network, un réseau d’experts pour la sauvegarde des Aras, ces perroquets qui sont les plus grands représentants de la sous famille des psittacinae.

A 16 ans, Sam, passionné par ces oiseaux, va travailler 2 mois au sein de la Mauritius wildlife Foundation auprès du Dr Carl Jones qui deviendra son mentor.

Depuis, il n’a eu de cesse d’approfondir ses connaissances, d’obtenir des diplômes et surtout de travailler concrètement à la sauvegarde des perroquets.

The Ara Project qu’il fonde il y a une dizaine d’années devient en 2018 le Macaw Recovery Network, un réseau constitué d’experts locaux et internationaux ainsi que de volontaires qui œuvrent tous pour la restauration des populations des Aras dans le Néotropique (région tropicale du continent américain).

L’effort essentiel porte actuellement sur le Grand Ara vert (ou Ara de Buffon). Ce perroquet, en Annexe I de la CITES est classé EN DANGER sur la liste rouge de l’IUCN.

Il existe 2 sous espèces de cet Ara, le Ara Ambigua ambigua dont la zone de répartition va de l’est du Honduras et du Nicaragua au Costa Rica et du Panama au Nord Est de la Colombie, et le Ara ambigua guayaquilensis qui vit à l’ouest de l’Equateur.

Cette espèce a subi de plein fouet la déforestation massive et le trafic illégal de la faune sauvage, un marché qui rapporte beaucoup aux trafiquants et qui répond à la forte demande des particuliers pour les animaux sauvages pour le marché des particuliers (NACs).

Entre 1940 et 1990, le Costa Rica a perdu 54% de sa forêt, à cause de l’élevage intensif de bovins. En effet, le boom de l’industrie du fast-food en Amérique du Nord a rendu ce type d’élevage très lucratif pour les propriétaires terriens du Costa Rica, qui avec l’accord la plupart du temps du gouvernement, n’ont pas hésité à déforester massivement et détruire ainsi la forêt primaire au bénéfice de pâturages pour l’industrie agroalimentaire et l’export.

Cette mode du fast food ayant un peu passé ces dernières années, la majorité des fermiers a alors revendu ses terres à des lobbies très puissants de producteurs de bananes et d’ananas. Ces monocultures, extrêmement délétères pour l’environnement, le sont d’autant plus qu’elles sont aspergées de quantités phénoménales de pesticides (nous ferons d’ailleurs un dossier sur cette problématique).

Le but du Network est de travailler avec des propriétaires terriens qui souhaitent se désolidariser de ce type de pratiques, en les orientant et conseillant sur une agriculture raisonnée et rentable, et en les incitant à protéger l’arbre nourricier du Grand Ara vert, The mountain almont tree,amandier de montagne ou Dipteryx Panamensis,  un arbre qui a failli disparaître aussi et qui offre à la fois la nourriture (par ses graines et ses fruits) mais aussi des cavités faisant office de nids aux  aras de Buffon.

Dans le prolongement de notre rencontre avec Sam, nous avons souhaité la semaine suivante aller visiter la Macaw recovery reserve situé sur la péninsule de Nicoya.

Il s’agit principalement d’un centre d’élevage de perroquets destinés à être relâché dans leur milieu naturel, ce centre se situe à Punta Islata, dans la province du Guanacaste.

Il ne nous a pas été possible de visiter les installations du centre d’élevage, seules les personnes habilitées étant autorisées à le faire.

 

 

Les reproducteurs sont des animaux rescapés qui ne pourront plus être rendus à la vie sauvage pour diverses raisons, parce qu’ils sont handicapés ou que leur imprégnation trop forte à l’humain rend tout retour à une vie autonome et libre impossible. Ils bénéficient de larges volières où ils peuvent retrouver une partie de leurs instincts, voler, socialiser avec leurs congénères et former des couples. De ces œufs sortent des bébés perroquets qui, au bout de quelques temps, sont déplacés dans d’autres volières, les contacts humains étant réduits au strict minimum.

Dans les élevages pour en faire des animaux de compagnie, le but est « d’imprégner » les bébés perroquets à l’humain afin de les rendre dociles. C’est ce qu’on appelle des perroquets « élevés à la main », ils sont nourris à la seringue toutes les deux heures dès l’éclosion et vendus à l’âge de 2 mois, pas encore sevrés alimentairement pour que leurs nouveaux propriétaires continuent de les nourrir à la seringue et que les perroquets s’imprègnent d’eux. Ils seront ainsi malléables et plus disposés à répondre aux attentes des acheteurs. Ces perroquets, si les gens s’en lassent, ont beaucoup moins de chance de retrouver une vie sociale quelconque avec leurs congénères puisqu’ils n’en ont jamais croisé et s’identifient plutôt à l’espèce humaine.

Certains éleveurs laissent les bébés avec leurs parents jusqu’à l’âge d’un mois et demi environ puis les sociabilisent à l’espèce humaine, ceux-ci garderont quelques instincts et seront moins malléables.

Photo Crédit : Macaw Recovery Network

Le perroquet naît complètement nu, aveugle et sourd. Il est complètement dépendant de ses parents (pour une période plus ou moins étendue selon l’espèce) et continuera tout au cours de sa vie à dépendre de la coopération de son groupe social.

Vers l’âge de 15 semaines toutes les plumes sont poussées et c’est la période où le jeune oiseau s’aventure normalement hors du nid et commence ses explorations sous la surveillance de ses parents. La période d’exploration commence bien avant le sevrage alimentaire, le jeune perroquet, dans son habitat naturel ayant besoin de s’investir notamment dans la maîtrise des techniques de vol, en continuant à être alimenté par ses parents, avant de devenir complètement indépendant. Le sevrage alimentaire est un processus qui se fait graduellement, le jeune perroquet devant s’initier à toute la gamme des comportements alimentaires de son espèce (recherche, identification, apprêt et consommation). C’est par ailleurs aussi l’époque des apprentissages sociaux et des débuts en collectivité.

Il doit apprendre à reconnaître les cris (dialecte) de son groupe social, repérer et éviter les prédateurs, l’endroit sécuritaire où dormir, enfin, tout ce dont il aura besoin pour assurer sa survie ainsi que la sécurité de son groupe. C’est par l’observation et l’imitation des autres (ses parents et congénères), que le jeune acquerra et complétera ses compétences à la survie ainsi que ses compétences sociales.

Pour qu’un bébé perroquet se transforme en adulte équilibré, il a besoin de bénéficier d’une bonne socialisation.

Avec l’aide de ses parents et des membres de son groupe, le jeune cumulera graduellement de nouvelles expériences jusqu’au moment où il pourra assumer son indépendance.

A la maturité sexuelle, un perroquet en bonne santé a des pulsions sexuelles très fortes et, si aucun compagnon de son espèce n’est disponible, ses affections se tourneront vers son propriétaire. Comme la plupart des perroquets sur le marché, proviennent d’élevage ou on pratique le « nourrissage à la main » (quand ils ne viennent pas de trafics illégaux pour le marché local ou international où ils sont alors capturés dans les nids dans la nature) ils sont donc systématiquement imprégnés à l’humain et leur impression filiale (sexuelle) est donc humaine !

A maturité, le perroquet cherchera alors à créer avec l’humain le même genre de lien qu’il aurait créé avec un compagnon de son espèce, et ce, jusqu’à la fin de sa vie, le perroquet étant monogame.

Il démontrera envers son humain favori, toute sa panoplie de charmes et de comportements sexuels et s’attendra malheureusement à la réciprocité de la part de ce dernier…

Ce n’est pas du tout le but du centre d’élevage du Macaw Recovery Network de rendre les bébés dociles et malléables pour les humains, bien au contraire ! Les bébés ne sont retirés à leurs parents que lorsqu’ils sont sevrés, qu’ils ont appris de leurs parents ce qu’ils pouvaient leur transmettre, qu’ils ont appris à reconnaître leurs congénères et à s’identifier à leur espèce et que surtout ils ne recherchent pas le contact avec les humains.

 Le moment de la séparation d’avec les parents diffère pour chaque individu et est décidé par l’équipe de professionnels.

 Ils sont alors mis en condition et suivent un « entraînement » dont le but est avant tout de les rendre aptes à trouver leur nourriture dans leur environnement, afin de retrouver une vie libre et de donner à leur tour naissance à des bébés en milieu naturel. Quand ils sont relâchés, certains viennent se nourrir régulièrement à des endroits où la nourriture est mise à leur disposition à certains moments de la journée, puis ils s’émancipent petit à petit et  reviennent de moins en moins puis plus du tout pour certains.

Cette stratégie globale de reproduction mise en place par le Macaw Recovery Network permet d’augmenter très nettement la population de aras sauvages, aras Scarlett et aras de Buffon.

Cela d’autant plus que des nids « artificiels » sont mis à leur disposition afin de compenser la disparition des arbres où ils avaient l’habitude de nidifier avant. Ces nids rendent aussi plus facile la vérification de la santé des bébés perroquets et une intervention médicale si, et seulement si, nécessaire. (Voir la vidéo YouTube du Dr Williams)

Le but à terme de tout ce travail est que les populations des différents pays ne soient plus isolées et fragmentées et qu’il se forme un corridor afin que le brassage génétique soit possible entre les différentes populations.

Les perroquets sont des animaux intelligents, au comportement social complexe, qui savent voler haut et apprécient la cime des arbres. Quand on les voient voler dans le ciel en couple ou en groupe, dans les reportages ou dans la nature directement, on se rend d’autant plus compte qu’ils n’ont rien à faire dans des cages, ou sur des perchoirs dans des appartements.

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