Entretien avec Paul Watson

Figure incontournable de la cause animale, Paul Watson était un des invités d’honneur de la vegan Place de Tours le 28 juin 2025. 

Paul Watson, fondateur de l’association Sea Sheperd, grand défenseur depuis des décennies des océans et des animaux qui y vivent.
Connu internationalement, son combat a d’autant plus été mis en lumière l’année dernière, suite à son incarcération arbitraire et totalement injuste de plusieurs mois au Groenland. Pendant son emprisonnement et depuis sa libération, sa motivation et sa détermination à dénoncer les pratiques illégales de chasse à la baleine par le Japon se sont encore renforcées et il multiplie les actions pour faire cesser de telles aberrations.

Il a fait l’honneur à Code animal de lui accorder une interview exclusive. Il a répondu aux questions de notre vice-présidente le Docteur vétérinaire Sophie Wyseur, voici les moments clé de cet échange :

 

Code Animal : Dans le monde entier, et notamment en France, de nombreuses
personnes ont trouvé votre arrestation injuste. Pensez-vous qu’;il y a une prise de
conscience croissante sur le fait que certaines personnes détruisent illégalement la
vie, tandis que ceux qui se battent légalement, comme vous, contre ces injustices,
finissent derrière les barreaux ? Pensez-vous qu’il y a une prise de conscience
croissante sur le fait que ceux qui tuent des animaux illégalement ne sont pas punis,
alors que des gens comme vous sont emprisonnés pour les défendre ?il

Paul Watson : Eh bien, c’est la nature même du pouvoir. Tout est une question de
pouvoir. Les gouvernements et les entreprises ont le pouvoir, et si vous les offensez,
ils veulent leur vengeance. Avec le Japon, ce que j’ai  fait, c’est embarrasser le pays.
C’est ce qui les a contrariés. Et ils n’avaient rien de concret à me reprocher. Je
n’avais vraiment enfreint aucune loi.

Code Animal : De nombreuses ONG exposent aujourd’hui les dures réalités derrière
des pratiques bien établies comme la chasse, (y compris la chasse à courre), la
pêche industrielle, l’élevage intensif ou encore des projets de construction très
controversés comme l’autoroute A69 par exemple.
Malgré l’abondance d’informations sur ces sujets et les mobilisations citoyennes, ces
puissants lobbies génèrent d’énormes richesses et reçoivent souvent un soutien
politique. Que pensez-vous que nous puissions faire pour défier ce système ?

Paul Watson : Eh bien, nous défions constamment le système de nombreuses
manières, par l’éducation, par l’activisme, par des litiges avec des avocats qui font
pression sur les gouvernements. C’est un défi constant. Ça ne se fait pas du jour au
lendemain. Par exemple, nous nous sommes opposés à la chasse aux phoques au
Canada en 1974 et finalement, en 2008, nous avons obtenu l’interdiction du marché.
Cela a pris beaucoup de temps. Nous nous battons contre le massacre des baleines
pilotes aux îles Féroé depuis 1983. Nous faisons des progrès, mais rien ne se passe
du jour au lendemain. Comme je le dis aux gens, l’esclavage ne s’;est pas terminé du
jour au lendemain. Il a fallu 200 ans pour y parvenir. Donc nous devons simplement
être patients, être implacables et ne jamais, jamais abandonner…Certainement ne
jamais abandonner, ne jamais y succomber. Concentrez-vous simplement sur ce que
vous faites dans le présent.

C’est tout ce que vous pouvez vraiment faire. Parce que quand les gens
commencent à penser, oh, je ne vais rien changer, à quoi bon, alors rien ne se fait.
J’ai constaté dans ma vie que les choses se réalisent si vous persistez.

Code Animal : Chez Code Animal, nous pensons que le concept de conservation est
utilisé par les zoos pour justifier leur existence. Quelle est votre opinion sur les efforts
de conservation au sein des zoos ?

Paul Watson : Je pense que les zoos et les aquariums sont obsolètes, et devraient
être progressivement éliminés. Je peux comprendre parfois l’utilité de la captivité
pour la protection des espèces en voie de disparition, mais dans ce cas les animaux
ne doivent pas être exposés au public.

Code Animal : Pensez-vous que le fait d’exposer des animaux en captivité au public
dans les zoos encourage réellement le respect et la protection des êtres vivants, en
particulier chez les jeunes ?

Paul Watson : Nous n’avons pas besoin d’exposer des animaux. Nous avons une
documentation incroyable, des films, tout, de la 3D à toutes les choses qui sont
disponibles en ce moment. Je pense que nous pouvons même remplacer les
aquariums marins par des choses géantes en 3D, avec des baleines à bosse qui,
vous savez, sautent du sol et toutes sortes de choses comme ça. On n’apprend rien
sur ces animaux dans les zoos ou dans les aquariums, car ce n’est pas un habitat
naturel pour eux. Donc, on n’apprend rien… nous n’avons pas fait beaucoup de
chemin.

Mais il y a aussi une grande différence entre la façon dont nous voyons les animaux
sur terre et la façon dont nous voyons les animaux en mer. Vous savez, regardez le
thon rouge, c’est le poisson le plus puissant et le plus rapide de l’océan. C’est un
poisson à sang chaud. C’est remarquable. Il n’est pas différent d’un guépard, par
exemple. Nous ne permettrions pas aux gens d’aller massacrer les guépards dans le
Serengeti…

Code Animal : Il semble que les gens connaissent souvent mieux les questions sur
les animaux charismatiques comme les lions ou les girafes que sur la faune locale
qui vit dans les jardins ou les forêts. Qu’en pensez-vous ? Pourquoi pensez-vous que
les animaux lointains ou exotiques suscitent plus d’intérêt public que les espèces
locales ?

Paul Watson : Eh bien, voici le petit problème : notre civilisation est
anthropocentrique, ce qui signifie que tout tourne autour de nous. Tout est créé pour
nous. Nous sommes la seule espèce qui compte. Nous faisons ce que nous voulons.
C’est notre attitude. Nous devons passer à un point de vue plus biocentrique, qui est
: nous devons vivre en harmonie avec toutes les autres espèces. Nous devons les
connaître. Nous devons être impliqués avec elles, parce que nous avons besoin
d’elles. Elles n’ont pas besoin de nous. Nous ne survivrons pas dans un monde sans
abeilles, sans arbres, sans vers, sans poissons et tout le reste… nous avons besoin
d’eux. Et les gens doivent comprendre cela. Quand j’enseignais l’écologie à LA, j’ai
dit à mes étudiants : « Votre devoir est que je veux que vous trouviez 50 êtres vivants
dans votre quartier ». « Eh bien, il n’y a que des chats et des chiens ». « Non, il y a
beaucoup de choses à trouver ». Ensuite, ils l’ont fait. Ils ont commencé, mais ils les
avaient simplement négligés. Ils étaient en quelque sorte inconscients qu’ils étaient
même là. Ensuite, ils ont vu des scarabées (…), cet oiseau et cet oiseau. Ils ne les
avaient même pas vus avant ça.

Code Animal : Après 40 ans d’activisme, qu’est-ce qui vous motive ? Avez-vous des
conseils pour les militants qui se sentent découragés ?

Paul Watson : Vous voulez dire 50 ans, en fait ! Il suffit de trouver quelque chose qui vous
passionne, de trouver quelque chose dans lequel vous êtes doué, de trouver où se
trouvent vos talents et d’utiliser ces talents et ces compétences pour construire un
monde meilleur avec du courage et de l’imagination, c’est ainsi que l’on change les
choses. La seule chose qui ait jamais changé le monde.

Je ne peux pas penser à quelque chose de plus noble que le fait que, parce que
vous avez vécu, une espèce n’a pas disparu, ou un habitat n’a pas été détruit, c’est

la contribution la plus significative que vous puissiez faire au monde.
Comme par exemple David Wingate, (biologiste aux Bermudes) grâce a qui un
oiseau appelé Pétrel des Bermudes a échappé à l’extinction totale (…) Et beaucoup
de gens font cela. Beaucoup de gens se consacrent à une espèce
particulière…Toutes ces personnes font la différence.