La bourse aux reptiles de Hamm, en Allemagne, est l’un des plus grands marchés européens d’animaux exotiques. Présentée comme un rendez-vous incontournable pour les passionnés de reptiles et amphibiens, elle attire des milliers de visiteurs venus acheter serpents, caméléons, grenouilles ou lézards rares. Mais derrière les vitrines colorées et les sourires des vendeurs se cache une réalité bien plus sombre : souffrances animales, pratiques commerciales agressives, désinformation et contournement des règles. Nous y avons mené une enquête sous couverture. Voici ce que nous avons vu.

Photo credit : Code animal
Certains animaux vendus, comme les serpents sans écailles, sont extrêmement sensibles. Dépourvus de leur barrière naturelle, ils sont plus vulnérables aux infections, blessures et problèmes de mue. Leur élevage nécessite des soins spécialisés — un point que les vendeurs omettent souvent de préciser.
La détresse est palpable. Les lampes blanches, sans abat-jour, provoquent un stress visuel constant, notamment chez les animaux albinos. Le bruit ambiant, les manipulations incessantes imposées aux visiteurs, les regards et les flashs, tout participe à un climat anxiogène pour les animaux. Certains serpents tentent de fuir, frappant les parois de leur boîte ou mordant les bords en plastique. Caméléons, geckos, grenouilles et tortues grattent frénétiquement pour sortir.
Les boîtes sont souvent trop petites, à peine plus grandes que l’animal lui-même, parfois même stockées verticalement. L’espace est si réduit qu’il ne permet pas aux lézards de se retourner, en violation directe du règlement de la bourse. Le sol des terrariums est couvert de sopalin, de granulés, ou de sable inadapté. Aucun enrichissement, très peu de végétation — et lorsqu’elle est présente, elle est en plastique.
Lors de la vente, certains animaux sont placés dans des sacs plastiques fermés par des élastiques, puis entassés dans des bacs en polystyrène, limitant la circulation de l’air. Beaucoup de ces contenants sont glissés sous les tables, à hauteur de pied, où ils sont bousculés par les passants.

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“Deux femelles achetées, un mâle offert”, “-20 % sur ce serpent”, “le troisième animal gratuit” : à Hamm, les promotions n’ont rien à envier aux soldes. Ces techniques incitent à l’achat impulsif d’êtres vivants, sans considération pour leurs besoins à long terme.
Les visiteurs sont souvent invités à manipuler les serpents, même sans le demander, dans une logique de déclenchement d’achat émotionnel.
Nous avons simulé l’achat d’un python réticulé, une espèce massive. Malgré notre inexpérience avouée, la vendeuse a minimisé les besoins de l’animal : “Un terrarium de 180 cm suffit, plus ils ont d’espace, plus ils sont stressés.” Un discours contraire aux recommandations scientifiques. Quand nous évoquons les plantes ou la décoration, elle répond : “On les garde sur du journal, c’est suffisant.”

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L’un des serpents proposés, un Gonyosoma margaritum, était affiché à 7 900 €. Le vendeur nous confie qu’il a été capturé à l’état sauvage en Indonésie, une espèce “très rare, introuvable en captivité.” Or, ce type de prélèvement met en danger les populations sauvages, pour une espèce dont on connaît très mal la biologie.
Les règlements imposent que chaque boîte affiche des informations précises : nom scientifique et vernaculaire, origine (captivité ou nature), sexe, statut de protection, etc. Nous avons constaté que ces indications étaient souvent absentes. Aucun document explicatif n’est fourni. Aucun “care sheet”. Le manque d’information empêche l’acheteur de comprendre les engagements qu’implique l’acquisition d’un tel animal.
Lors d’un autre échange, un vendeur nous propose un serpent venimeux. L’achat, selon lui, doit être finalisé “à l’extérieur”. Il explique que nous pourrons transporter l’animal dans un sac ou un bagage, sans aucune autorisation spécifique, même en train. Ce discours, irresponsable et potentiellement dangereux, ignore la législation française et les risques pour la sécurité publique.

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Certains vendeurs montrent des photos d’éclosion ou racontent des anecdotes touchantes sur leurs animaux. Mais ces marques d’attachement sont en totale contradiction avec les conditions de présentation : boîtes nues, substrat minimaliste, absence de soins visibles. Le respect de la nature se limite trop souvent à un argument de vente.
La bourse de Hamm révèle les dérives d’un commerce exotique mal encadré. Si certains exposants montrent une forme d’engagement, les pratiques généralisées témoignent d’un mépris profond pour le bien-être animal. Le manque d’information, la banalisation des captures en milieu naturel, les conditions de stockage et les méthodes de vente posent un problème éthique majeur.
Il est urgent que les autorités européennes et nationales renforcent la régulation de ces événements. Car derrière chaque boîte en plastique se trouve un être vivant dont les besoins sont ignorés — au profit d’un commerce lucratif, mais profondément inacceptable.
