Un sommet décisif pour la biodiversité mondiale
La 20ème Conférence des Parties (COP20) de la CITES s’est achevée début décembre 2025 avec des résultats sans précédent. Dans un contexte d’effondrement du vivant, cette rencontre internationale marque un tournant majeur : près de 700 espèces bénéficient désormais d’une protection renforcée. Des requins-baleines aux okapis, la diplomatie environnementale a frappé fort pour réguler un commerce qui menace l’équilibre de notre planète.
Cependant, l’un des sujets les plus brûlants abordés lors des événements parallèles (side events) de cette COP20 concerne l’explosion mondiale du marché des animaux sauvages détenus par les particuliers. Ce commerce, qui pèse des milliards d’euros, est devenu l’un des principaux moteurs du trafic d’espèces sauvages.
Photo credit : Unsplash
L’illusion de la protection internationale : Le « Goulot d’Étranglement » de la CITES
Si la COP20 a été saluée comme une avancée, de nombreux experts et ONG, dont Eurogroup for Animals, soulignent une faille systémique : la CITES fonctionne selon une logique réactive. En d’autres termes, une espèce n’est généralement protégée que lorsqu’elle est déjà en déclin critique.
Ce délai administratif est exploité par les trafiquants : dès qu’une espèce devient « tendance » sur les réseaux sociaux (comme certains geckos ou petits primates), elle est massivement prélevée. Le temps que la CITES l’inscrive à ses annexes, les populations sauvages sont souvent déjà exsangues. Ce commerce, qui pèse des milliards d’euros, s’engouffre dans ce que les experts appellent les « policy gaps » (vides juridiques).
La Révolution de la « Liste Positive » : Inverser la Charge de la Preuve
Face à ce constat, le Parlement européen a franchi une étape décisive avec l’adoption de la résolution du Parlement européen 2025/2618(RSP). Le cœur de ce texte propose un changement de paradigme : le passage d’une liste négative à une Liste Positive.
-
Le système actuel (Liste Négative) : Tout est autorisé, sauf ce qui est explicitement interdit. C’est une course poursuite permanente entre législateurs et trafiquants.
-
Le système proposé (Liste Positive) : Seules les espèces figurant sur une liste d’autorisation peuvent être vendues et détenues.
Pour être inscrite sur cette liste, une espèce doit répondre à quatre critères stricts :
-
Bien-être animal : L’espèce peut-elle être maintenue en captivité sans souffrance ?
-
Sécurité publique : Est-elle dangereuse (venin, comportement agressif) ?
-
Risque invasif : Si elle s’échappe, peut-elle détruire l’écosystème local ?
-
Conservation : Le commerce menace-t-il les populations sauvages ?
Photo credit : Code animal
Le commerce de ces animaux n’est pas seulement une crise de la biodiversité, mais une menace pour la biosécurité mondiale. Le transport d’animaux exotiques, souvent dans des conditions d’hygiène déplorables et sans quarantaine, est un vecteur majeur de zoonoses (maladies transmises de l’animal à l’homme). La résolution européenne intègre désormais cette dimension : réguler le commerce des animaux exotiques, c’est aussi ériger une barrière contre la prochaine pandémie.
La résolution du Parlement européen 2025/2618(RSP) cible explicitement le commerce en ligne. Des plateformes comme Facebook, Instagram ou des sites de petites annonces facilitent des transactions rapides et anonymes. L’Europe demande désormais aux plateformes de :
-
Vérifier la légalité des espèces proposées.
-
Supprimer les annonces d’espèces non listées (si la liste positive est adoptée).
-
Collaborer étroitement avec les douanes européennes pour tracer les flux financiers.
Vers une Europe pionnière ?
Le passage de la théorie à la pratique reste le défi majeur. Bien que l’UE soit le premier bloc commercial à envisager une liste positive à grande échelle, le succès dépendra de la coordination entre les 27 États membres. Pour notre partenaire Eurogroup for Animals, l’objectif final est de créer un modèle exportable : si l’Europe ferme son marché aux espèces prélevées illégalement, la pression sur les écosystèmes tropicaux diminuera drastiquement à l’échelle mondiale.
Photo credit : Unsplash
La France en pionnière : L’empreinte décisive de Code Animal
Si l’Europe se dirige vers une harmonisation, la France a déjà amorcé ce virage grâce à l’action acharnée de Code Animal. Notre association a été le fer de lance de l’intégration du concept de Liste Positive au sein de la Loi du 30 novembre 2021 visant à lutter contre la maltraitance animale et à renforcer le lien entre les animaux et les hommes.
Grâce à nos plaidoyers auprès des parlementaires et à notre expertise, nous avons réussi à faire inscrire dans le marbre législatif la nécessité d’encadrer strictement la détention d’espèces non domestiques.
Aujourd’hui et tout notre enjeu est de travailler avec le Gouvernement pour transformer cette victoire législative en réalité concrète dans les textes d’application.
Photo credit : Unsplash
Sources
* CITES. (2025). Vingtième session de la Conférence des Parties (CoP20). https://cites.org/fra/cop20.
* European Parliament. (2025, 10 octobre). Resolution on the exotic pet trade and the protection of biodiversity (2025/2618(RSP)). https://oeil.europarl.europa.eu/oeil/en/procedure-file?reference=2025/2618(RSP)
* Eurogroup for Animals. (2025). Beyond CITES: Fixing policy gaps in the exotic pet trade. https://www.eurogroupforanimals.org/news/beyond-cites-fixing-policy-gaps-exotic-pet-trade

