La Stratégie européenne pour la biodiversité 2030 : une ambitieuse modération.

Le 20 mai 2020, la Commission européenne diffuse sous forme de communiqué ses propositions pour une nouvelle Stratégie en faveur de la biodiversité d’ici 2030. Issu du Pacte Vert lancé par la présidente de la Commission fin 2019, ce programme se veut plus ambitieux et réformateur que les précédents, dans l’objectif d’enrayer l’appauvrissement de la biodiversité en Europe et dans le monde. Afin de « ramener la nature dans nos vies », selon la formule de la Commission, le communiqué met l’accent sur l’urgence absolue que pose une biodiversité en disparition, urgence environnementale d’abord, mais une urgence économique et sociale également. La volonté européenne en cette période de crise mondiale est claire : porter, enfin, un regard nouveau et critique sur les objectifs écologiques établis jusqu’à maintenant et ne pas laisser la prochaine décennie se détériorer un peu plus. Pour ce faire, la Stratégie se compose de plusieurs mesures phares, comme placer l’investissement dans la biodiversité au cœur de la relance économique européenne, protéger 30% de la surface terrestre et 30% de la surface maritime de l’Union, diminuer de 50% l’utilisation des pesticides, étendre l’agriculture biologique à 25% des exploitations de l’UE, entreprendre une écologisation des zones urbaines et périurbaines, entre autres. Ces mesures s’inscrivent dans la perspective du « bénéfice net », sacerdoce européen selon lequel l’homme doit rendre à la nature plus qu’il ne reçoit d’elle, et du « Serment vert » qui est de « ne pas nuire ».

Mais l’Union se montre-t-elle vraiment ambitieuse, comme le martèle à de nombreuses reprises la Commission dans son communiqué ? On remarque un ambitieux dessein européen d’étendre la portée de ses réformes à l’échelle internationale, et de permettre à tous les écosystèmes dans le monde d’être « restaurés, résilients et suffisamment protégés » d’ici 2050. On remarque également un programme ambitieux, comme l’indique Ilaria Di Silvestre, responsable du programme de la faune sauvage au sein de l’Eurogroup for animals, dans la meilleure application des législations européennes, et dans certaines mesures juridiquement contraignantes pour les Etats membres.

Cependant, on remarque surtout un manque cruel d’engagements sur le trafic d’espèces sauvages, un fléau persistant en Europe, sur la captivité et la règlementation de ces espèces, c’est-à-dire sur les domaines dont Code Animal est spécialiste. En effet, la Commission ne mentionne qu’une « révision du plan d’action contre le trafic d’espèces sauvages », et n’aborde donc que le commerce illégal d’animaux sauvages, sans prendre en compte les effets délétères du trafic légal et de la captivité. Alors même que les scientifiques ont établi un lien clair entre le commerce d’animaux sauvages et la création de zoonoses, ce trafic, aussi néfaste pour l’Homme que l’animal, doit urgemment faire l’objet d’une plus stricte régulation. Dans cette idée, Ilaria Di Silvestre relève le manque de cohérence de la Stratégie avec ses propres objectifs : le trafic d’animaux sauvages a un impact conséquent et indéniable sur la conservation de la biodiversité, et menace des espèces déjà en voie d’extinction comme les tigres par exemple. De plus, un animal sauvage en voie de disparition capturé dans son pays d’origine est considéré comme l’objet d’un trafic illégal, mais fait cependant l’objet d’un trafic légal une fois rentré (tout aussi légalement) en Europe. C’est particulièrement le cas pour les amphibiens et les reptiles. Ainsi, l’adoption d’une liste positive contre la détention des animaux exotiques, comme le réclame Code Animal, était attendue, spécifiant quelles espèces peuvent être gardées captives à la condition de respecter certaines règles strictes (Liste Positive). Pour comprendre cette inefficacité en matière de trafic d’animaux sauvages, il convient de rappeler les mesures prises par la Convention sur le commerce International des Espèces de faune et de flore Sauvages menacées d’extinction (CITES). D’abord, la législation mise en place par le CITES n’est pas assez précise, puis ne concerne que le commerce international et non le commerce intérieur, laissant la liberté à chaque Etat d’appliquer plus ou moins correctement les règles en vigueur.

Les remarques des associations et groupes européens sur la Stratégie et les différents programmes qui lui sont similaires sont d’autant plus importants que l’Union européenne assume un rôle majeur pour l’environnement et la protection animale, et entreprend des actions qui ne seraient probablement jamais mis en œuvre à l’échelle nationale. Désormais, c’est aux députés européens de publier leur rapport d’initiative, ou « own-initiative report » par le biais desquels le Parlement demande à la Commission de nouvelles propositions législatives sur certaines questions.

Par conséquent, le travail de Code Animal au regard des Stratégies élaborées par l’Union est d’en influencer le contenu via l’Eurogroup for Animals, de faire en sorte que l’intérêt des espèces tenues légalement en captivité soit reconnu et pris en compte. En outre, chaque citoyen européen peut faire part de son avis aux eurodéputés en charge de la Stratégie ; aussi, nous vous encourageons à contacter les parlementaires de la liste suivante, via les réseaux sociaux ou par mail, pour leur demander de prendre en compte les recommandations de Code Animal sur la Stratégie Biodiversité 2030 (consultable à la fin de cette article) :

  • Véronique Trillet-Lenoir : trillet-lenoir@europarl.europa.eu
  • Joëlle Méllin : mellin@europarl.europa.eu
  • Pascal Canfin : canfin@europarl.europa.eu
  • Aurélia Beigneux : beigneux@europarl.europa.eu
  • Agnès Evren : evren@europarl.europa.eu
  • Yannick Jadot : jadot@europarl.europa.eu

Ainsi, la Stratégie européenne pour la biodiversité à l’horizon 2030 fait certes preuve d’ambition, mais d’une ambition somme toute très modérée, au regard des mesures prises à l’encontre du trafic d’animaux sauvages, à l’origine de problèmes éthiques, environnementaux et sanitaires. Parce qu’un animal hors de son espace n’est qu’une ombre, Code Animal met tout en œuvre pour mettre fin à la captivité des animaux sauvages, au niveau national et à l’échelle européenne.

Espérons que l’Union européenne saura faire preuve d’une réelle ambition sur ce point.

Recommandations de Code Animal Lire le résumé de Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions (20/05/20).