La renonciation de la Chine à la consommation du Pangolin

Le pangolin, également nommé Manidé, est une famille de mammifères à écailles regroupant huit espèces, vivant sur deux continents : quatre en Afrique et quatre en Asie du Sud-Est. Extrêmement important pour l’écosystème, le pangolin contribue au contrôle des populations d’insectes, dont il se nourrit exclusivement (jusqu’à 70 millions de fourmis par an), participant ainsi à l’aération et à la fertilisation des sols. Sur les huit espèces du pangolin, six sont classées comme étant « vulnérables », les deux autres sont quant à elles « en voie d’extinction ».

Exposé médiatiquement depuis le début de la crise sanitaire du Covid-19, le pangolin est enfin sorti de l’anonymat. Bien que protégé par de nombreux accords, il reste pourtant l’animal le plus braconné au monde. En effet, selon l’organisation environnementale états-unienne WildAid, l’espèce est en déclin de 94% depuis les années 1960. 

Le pangolin est en effet devenu une véritable mine d’or pour les braconniers. Tout chez lui est monnayable : sa chair soulagerait les rhumatismes, son sang favoriserait la circulation sanguine, sa bile soignerait la vue, ses écailles auraient un effet thérapeutique et sa peau est utilisée pour en faire du cuir. 

En 2013, un kilo de viande de pangolin se vendait à 300 dollars en Asie, un kilo d’écailles est quant à lui vendu 3 000 dollars. Il faudra débourser 1 000 dollars pour acheter un pangolin (1).

Devenu un « produit » de luxe en pleine expansion et se trouvant aisément sur le marché noir, les personnes pouvant s’offrir un pangolin démontrent avant tout leur statut social. Par exemple, le site pangolings.org explique que le pangolin est devenu un moyen de faire bonne impression pour les hommes d’affaires auprès de leur(s) client(s) lors de la signature d’un contrat. 

En 2016, 3,1 tonnes d’écailles sont saisies en Chine. Un an plus tard, ce sont 12 tonnes représentant ainsi les écailles de 20 000 pangolins. En 2019, 9 tonnes sont interceptées par les autorités. Toutes ces saisies ont été faite sur le sol chinois en provenance d’Afrique. En effet, le trafic du pangolin africain a augmenté de 150% depuis les années 1970 , baissant (2) ainsi sa population de 70% au profit du braconnage (3).

Frôlant l’extermination, plusieurs organisations avaient d’ores et déjà tiré la sonnette d’alarme concernant la disparition des Manidés. En l’espace de quelques décennies, ils ont été victime de la main de l’Homme, au même titre que les éléphants et les baleines bleues. 

En captivité, l’espérance de vie du pangolin ne dépasse pas quelques mois pour divers facteurs liés à son mode de vie. C’est un animal plutôt solitaire, l’espèce peine donc à se reproduire et se retrouve vulnérable face à cette disparition imminente liée à l’activité criminelle des braconniers (4). 

Depuis 1989, le pangolin est en Chine classé dans la deuxième catégorie des espèces à protéger, ainsi il était interdit d’acheter, de transporter et de vendre cet animal sans autorisation. Sa chasse sera prohibée en 2007. 

Le pangolin est depuis 2015 un « animal vulnérable » selon l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). 

En 2016, la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages (CITES) a à Johannesburg interdit lors de la Conférence des Parties (COP 2017) toute commercialisation des huit espèces les plaçant ainsi en Annexe I (précédemment en Annexe II) ainsi que le commerce de l’Afrique à l’Asie. Ginette Hemley, Cheffe de la délégation du WWF (lors de la COP 17) affirmait déjà que « la lutte ne s’achève pas ici. […] Le commerce illégal sera toujours une menace pour les pangolins tant que la demande de viande et d’écailles persistera. Nous devons redoubler d’efforts pour combattre le braconnage et le trafic de ces espèces. » (5).

C’est alors que le braconnage s’apprête à ajouter ces mammifères à écailles aux espèces en voie d’extinction que la Chine intervient avec deux décisions quasi-successives prenant position face à la situation alarmante et plaçant ainsi le pangolin sous haute sécurité. 

Ce 5 juin dernier, la Chine a reclassé les pangolins, passant son statut de protection de la deuxième catégorie à la première de la Loi de sur la protection de la faune (Loi n°2002-16 du 18 octobre 2004 sur La faune en République du Bénin). Dans son article 32, la catégorie 1 définit les espèces comme celles « particulièrement rares ou menacées d’extinction ». Autrement dit, « La chasse et la capture des animaux des espèces intégralement protégées, y compris le ramassage de leurs œufs, sont prohibées sauf dérogations ». Le pangolin est donc à présent protégé au même titre que le panda géant, les chimpanzés ou encore les rhinocéros. Ainsi, toute personne allant à l’encontre de ces mesures pourra être lourdement puni, avec une peine d’emprisonnement pouvant s’élever à 10 ans. 

Le 9 juin 2020, la Chine fait un pas de plus et retire officiellement l’écaille de pangolin de la Pharmacopée de la médecine traditionnelle chinoise 2020. Ainsi, il sera désormais interdit d’utiliser les écailles de pangolin à des fins thérapeutiques. D’autant plus, que « de nombreuses herbes médicinales peuvent être employées pour guérir les mêmes symptômes » selon le Professeur et directeur Lao Lixing, de l’école de médecine chinoise HKU . (6)

Plusieurs grandes associations félicitent les décisions chinoises visant à protéger le pangolin de son extinction. Sur leur site internet, le Fonds international pour la protection des animaux (IFAW) « salue la décision de la Chine d’accorder aux pangolins les plus hautes protections et de contribuer à sauver l’animal de l’extinction grâce à ces deux décisions. » Le P.-D.G. de WildAid, Peter Knights, a félicité « l’avancée la plus significative visant à sauver les pangolin de l’extinction ». (7) Toutefois, PETA (People for the Ethical Treatment of Animals) bien que saluant l’interdiction récente de la Chine, ajoute qu’il est néanmoins « primordial de stopper la vente de pangolins, toujours présents sur le marché noir. » (8)

Des fondations de protection des animaux luttent depuis de nombreuse années pour sauver les pangolins, un fond de crise a également été mis en place afin de leur venir en aide sur https://www.pangolincrisisfund.org.


Pénélope EHLES

Sources

(1) https://www.havocscope.com/pangolin-scales/

(2) https://www.nationalgeographic.fr/animaux/le-pangolin-dafrique-est-le-mammifere-le-plus-braconne-du-monde 

(3) https://www.scmp.com/news/hong-kong/health-environment/article/2162999/consider-alternatives-pangolin-scales-traditional

(4) https://www.geo.fr/environnement/sept-choses-que-vous-ne-saviez-pas-sur-le-pangolin-162715 

(5) https://www.notre-planete.info/actualites/4480-pangolin-protection-braconnage-ecailles

(6) https://www.scmp.com/news/hong-kong/health-environment/article/2162999/consider-alternatives-pangolin-scales-traditional 

(7) https://wildaid.org/stop-the-wildlife-trade-china-removes-pangolin-scales-from-list-of-traditional-medicines/ 

(8) https://wildaid.org/stop-the-wildlife-trade-china-removes-pangolin-scales-from-list-of-traditional-medicines/