La mode des Félins-objets : Une pratique à dénoncer !

Contexte

Depuis des semaines, nous voyons passer des articles de presse ou des posts sur les réseaux sociaux sur la mode des fauves-objets détenus par des particuliers comme animaux de compagnie. Nous avons voulu faire la synthèse et approfondir.


Cette semaine encore, un Tchèque s’est fait attaquer et tuer par un lion de neuf ans qu’il détenait sans autorisation. L’homme avait aménager dans son jardin une cage artisanale pour ses lions. À la suite de l’intervention de la police, les animaux ont été tués.

Aux Etats-Unis, il y aurait maintenant plus de fauves en captivité que dans leur milieu naturel.  En février 2019, un membre du Congrès américain demande une réglementation (The Big Cat Public Safety Act) pour interdire la détention de ces animaux chez les particuliers car la situation devient ingérable.

La France n’est pas épargnée par cette mode !

En juin 2016, les autorités avaient déjà sauvé un bébé tigre de trafiquants de Saint-Ouen en Seine-Saint-Denis qui l’utilisaient pour faire des selfies au prix de 5€.

Depuis septembre 2018, ce sont 4 lionceaux et 1 bébé tigre qui ont été recueillis par le refuge Tonga Terre d’accueil suite à l’intervention de la Fondation 30 Millions d’Amis. Les saisies sont de plus en plus fréquentes : une dizaine selon les articles de presse.

Cette problématique a été mise en avant avec la saisie de Kibo, un bébé tigre de 2 mois saisi dans le nord de la France en septembre 2018. Puis, en octobre 2018 c’est dans l’Essonne que les autorités ont été alertées à la suite d’annonces postées sur les réseaux sociaux. Un homme proposait de vendre un lionceau d’un mois et demi au prix de 10 000€. L’homme qui prétendait garder l’animal pour un ami a été condamné à 6 mois de prison ferme et de 2 000€ d’amende. Un troisième cas a été traité dans les jours suivants à Marseille. Un lionceau de 3 semaines était retrouvé dans les quartiers nord de la ville.

En novembre 2018, un lionceau de deux mois avait été retrouvé dans une Lamborghini sur les Champs-Elysées. Il était utilisé pour faire des selfies dans un véhicule de location aux touristes, selon les articles de journaux.

Début 2019, une petite lionne a été abandonnée aux portes du zoo d’Amnéville en piteuse état.

C’est un véritable trafic qui se déroule en France et plus particulièrement dans la région parisienne.

D’où viennent ces animaux ?

A aujourd’hui, les enquêtes sont toujours en cours pour déterminer l’origine de ces animaux. Cependant, en France, plusieurs pistes peuvent être envisagées, les différents articles de presse mentionnent les cirques, les zoos, les propriétaires privés.

La piste la plus probable serait donc la captivité.

En effet, les fauves se reproduisent rapidement en captivité, tous les ans nos enquêteurs Code Animal voient, par exemple, des bébés fauves naitre dans les cirques sillonnant la France. D’après nos informations, certains zoos ont même recours à des dispositifs contre les reproductions des fauves afin de limiter les naissances.

Une lionne peut avoir deux portées de 2 à 4 petits par an. Leur stérilisation n’est pas obligatoire, il n’y a pas de fichier national centralisé pour l’identification des animaux mis en place par l’Etat.  Aujourd’hui nous ne savons pas avec certitude combien de fauves se trouvent en France. Code Animal a uniquement des estimations basées selon nos enquêtes.

Les fauves-objets pourraient donc venir de naissances non déclarées.

Dans l’affaire du bébé lion de Noisy-le-Sec de 2016, l’homme qui détenait l’animal avait avoué qu’il l’avait acheté à un cirque, sans toutefois préciser le nom.

De plus, une enquête de France Info de 2017 avait montré qu’il était facile de louer des bébés fauves pour des soirées auprès des cirques, en toute illégalité.  

En parallèle, il est aujourd’hui facile de se procurer des fauves sur internet. Le dernier rapport du Fond International pour la Protection des Animaux avait recensé 1 900 annonces de vente d’animaux non domestiques vivants ou morceaux.  

Aussi, importer un animal du milieu naturel s’avère très compliqué et couteux. Cependant, le trafic et le braconnage s’appuie aussi sur la demande. Une forte demande pour ces animaux peut très bien conduire à une augmentation de contrebande. Cela s’observe par exemple sur certaines espèces dites NAC (Nouveaux Animaux de Compagnie).

Une vie contre les likes

Au travers de nos différentes lectures, la problématique des réseaux sociaux revient souvent.

Des réseaux sociaux comme Instagram encouragent, malgré eux, cette mode des félins-objets. Des personnes ayant de fortes communautés n’hésitent pas à poster des clichés avec des bébés fauves pour une course aux j’aime & aux commentaires. Instagram a dû mettre un message d’alerte maltraitance sur les hashtags concernés tels que #babylions.

Des stars ou personnalités n’hésitent pas non plus à poser avec ces animaux envoyant une image enviable et attractive sans se soucier des conséquences. Les followers sont donc encouragés indirectement à reproduire ces comportements. Cela normalise l’objectisation des animaux sauvages. Dernier exemple en date, le joueur de foot B. Gomis s’est vu offrir un bébé fauve par son entraineur pour le remercier de son efficacité plutôt que de renoncer à ce « cadeau », il l’exhibe sur les réseaux sociaux.

En parallèle, de nombreux post viennent des pays du Golfe (Emirats, Koweït, Qatar, etc.) et montrent des clichés de guépards et autres fauves comme animaux de compagnie : sur un lit, en laisse, dans une voiture. Selon l’ONG Cheetah Conservation Fund, ces animaux seraient prélevés directement de la nature entrainant un vaste trafic qui met en péril la survie de l’espèce. Les conditions de braconnage et de déportation sont horribles.

Pour 1 animal arrivé à destination, 3-4 sont morts.  

Il faudrait réellement que cette pratique soit en fait dénoncée et que les personnes promotionnant cela soit considérées comme has-been. Les lieux utilisant les animaux sauvages comme attraction doivent être boycottés. Des profils comme le roi de la jungle ou autres rappeurs dans divers clips font la promotion de l’animal-objet qui nuit gravement à ces individus. Au moment de la 6ème extinction de masse et des problématiques climatiques majeures, ces scènes normalisées encouragent un trafic injustifiable pour un passe-temps qui n’est en rien vital.

L’impact sur les animaux

Les animaux sont les premières victimes de cette mode stupide.

La majorité des personnes qui détiennent les fauves ne connaissent pas leurs besoins physiologiques ou mentaux. Les saisies faites par les autorités montrent des cas de négligence graves.

Selon les propos rapportés par les vétérinaires dans les médias, les animaux saisis ne sont pas encore sevrés et souffrent de malnutrition et de déshydratation. Cela peut entrainer de graves troubles, parfois irréversibles, chez l’animal. La nourriture n’est donc souvent pas adaptée. On estime à plusieurs centaines d’euros de dépenses en viande par semaine pour nourrir un fauve adulte.

Les lions ne mangent pas de croquettes ni de la pâté.

Ces animaux ont également besoin d’énormément d’espace pour se déplacer. Or en captivité, certains individus souffrent d’atrophie musculaire dû au manque d’exercice.

Ces conditions de détention abjectes conduisent à une souffrance des animaux.

Il ne faut pas non plus oublier que les animaux sauvages ne sont pas des peluches. Aussi ce n’est pas parce qu’un animal est né en captivité et élevé de la main de l’homme qu’il en devient un animal domestique. Les personnes qui diffusent cette idée ne sont pas des professionnels des animaux. La domestication est un procédé long qui prend des siècles et change profondément la génétique de l’animal sur plusieurs générations.

Comme tout animal sauvage, les fauves sont dangereux et imprévisibles.

Les personnes les prennent souvent bébés car ce sont des animaux mignons qui ressemblent à des peluches. Les comportements d’apparence dociles de ces animaux et les images véhiculées à travers les réseaux sociaux laissent penser que les lionceaux sont comme les chats et que s’en occuper est facile.  

Pourtant, plus ils grandissent et plus ils peuvent devenir incontrôlables pour les particuliers. Entre 18 et 24 mois, au moment de l’adolescence, les fauves sont plus compliqués à briser mentalement et à dresser.

La plupart de ces animaux sont jeter tels des objets trop encombrants. Certains ont même recours à l’euthanasie, d’autres décident d’abandonner les animaux dans la nature (cas au Pays-Bas en 2018) ou devant les portes des zoos.

Il est complétement faux de penser que les animaux pourront être relâchés dans « la nature ». Un animal qui a été au contact de l’homme ne pourra pas être indépendant puisqu’il n’a pas les codes et ne pourra donc pas être réintroduit pour cette raison et d’autres bien plus complexes encore.

La question persiste donc : que faire de ces animaux une fois que les personnes s’en débarrassent ? Les refuges et sanctuaires sont dépassés par leur nombre.

Le Gouvernement doit absolument prendre le problème à la racine avant que la situation ne devienne ingérable et dangereuse pour la population.  

La question de la sécurité pour les humains est primordiale : que se passerait-il si un fauve s’échappe ? La détention illégale chez un particulier ne peut de facto être contrôlée.


Quelle législation ?

En France, les animaux non domestiques et dangereux peuvent être détenu par les particuliers sous réserve de détenir une autorisation administrative délivrée par la préfecture et un certificat de capacité. Hors de ces cadres, toute détention d’animaux listées dans l’arrêté d’octobre 2018 est illégale.

Selon l’IUCN, les lions et les guépards sont classés espèce vulnérable avec une population en décroissance, les tigres sont classés en danger avec une population en décroissance (entre 2 000 et 3 000 individus en milieu naturel).

Conclusion

Selon nos informations, il n’est pas difficile de se procurer un fauve sur le marché noir. Les services de contrôle de l’Etat n’ont que très peu de moyens humains pour pouvoir suivre chaque structure possédant des animaux. La plupart du temps, tout repose sur de la bonne foi. Cependant, le trafic semble s’accélérer sur certaines espèces. Les fauves sont en première ligne mais d’autres espèces sont également concernées en France. Notre association continue de mener les enquêtes sur les Nouveaux Animaux de Compagnie (NACs) notamment.

Voici quelques pistes pour tenter d’apporter une solution : l’identification nationale centralisée des animaux captifs en France, un contrôle plus régulier ce qui nécessite plus de moyens donnés aux organismes de gestion et contrôle, une interdiction immédiate de reproduction sur des structures itinérantes et une sensibilisation grand public.

Ces mesures nécessitent qu’une seule chose : une volonté politique pour le moment absente en France.

Sources

https://www.francetvinfo.fr/animaux/bien-etre-animal/un-lionceau-ca-ne-vaut-pas-une-fortune-comment-des-particuliers-parviennent-a-denicher-des-fauves-au-marche-noir_2429065.html

https://observers.france24.com/fr/20190226-posseder-guepard-dangereuse-lubie-riches-instagrameurs-golfe?fbclid=IwAR2FUGgfPcTSy600s9ZkmnP8R-w6N4MN9JnhCaJN1BgJqldLWClREr8ogSY

http://www.animaux-online.com/article,lecture,1609_un-lionceau-trouve-a-bord-d-une-voiture-de-luxe-sur-les-champs-elysees.html

https://www.francetvinfo.fr/animaux/est-il-possible-d-avoir-un-tigre-ou-un-autre-fauve-comme-animal-de-compagnie_744475.htmlhttps://www.lci.fr/social/inquietante-mode-des-bebes-lions-ou-tigres-de-compagnie-on-dit-qu-il-y-a-plus-de-felins-chez-les-particuliers-que-dans-les-zoos-2104533.html?fbclid=IwAR0hrQ9ZxvRQRTDLCAtZrTxEoKkvlWM7b_FjkaMyuynD6DmoOI1C8uIxThE