Australie : Vers de nouvelles méthodes de conservation de la biodiversité

Pour sauver sa biodiversité, le gouvernement australien a annoncé en 2015 un plan de protection de la faune et de la flore dont la mesure principale est l’abattage de deux millions de chats sauvages. Pourtant de plus en plus d’études remettent en cause l’efficacité de l’abattage et promeuvent le concept de conservation bienveillante. En quoi cela consiste-t-il ?

Le ministre de l’environnement australien Greg Hunt a dévoilé en juillet 2015 un plan de protection de la diversité appelé « Threatened Species Strategy » (Stratégie pour les Espèces Menacées).

Déployée de 2016 à 2020, cette stratégie a pour but d’accroître la population de 20 espèces de mammifères, 20 espèces d’oiseaux et 30 espèces de plantes menacées d’extinction. Les mesures annoncées incluent l’éradication des chats sauvages de cinq îles australiennes, la création de dix enclos sans prédateurs, et la mise à mort de deux millions de chats sauvages sur l’ensemble du territoire.

Le ministre Hunt commente : « Au fil du temps, les plantes et les animaux qui jadis prospéraient sur notre continent ont été poussés au bord de l’extinction. Nous devons intervenir […] Cela signifie l’abattage humain d’un des plus grands ennemis de la faune : les chats sauvages. »

Chaque chat sauvage tue en moyenne 576 reptiles, oiseaux et mammifères par an, d’après une étude publiée en janvier 2020 dans la revue Wildlife Research. La plupart de ses proies sont des espèces endémiques d’Australie, c’est-à-dire des espèces uniquement présentes sur le continent australien.

Les chats sont apparus en Australie à la fin du 18ième siècle, apportés par les bateaux des colons européens. Initialement domestiques, une partie d’entre eux est retournée à l’état sauvage et a évolué pour devenir plus gros et plus agressifs que leurs congénères domestiques.

La plupart des espèces endémiques australiennes représentent des proies faciles pour ces redoutables prédateurs : ayant évolué dans un environnement pauvre en félins, elles n’ont pas développé les mécanismes de défense et de fuite adéquats. A cause de la menace qu’ils représentent, les chats sauvages ont été classé comme espèce invasive par le gouvernement australien début 2014.

Le Centre pour les solutions aux espèces invasives (CISS) se concentre particulièrement sur la question de la régulation des chats sauvages. Les méthodes étudiées sont évaluées suivant quatre critères : humanité, efficacité, rentabilité et spécificité à une espèce.

Étonnement, une méthode létale comme l’abattage au fusil apparait avec le même niveau d’humanité qu’une méthode non létale comme la mise en place de clôtures d’exclusion. Pour définir le critère humanité, le CISS évalue la souffrance qu’inflige une méthode avant la mort et au moment de la mort de l’animal. L’abattage d’une balle dans la tête et l’abattage d’une balle dans le torse sont définis comme infligeant peu de souffrance à l’animal, donc avec un niveau d’humanité acceptable.

Pourtant, l’abattage ne serait efficace que sous certaines conditions. Un article publié dans le Journal of Applied Ecology en 2010 montre qu’il est nécessaire d’abattre chaque année 57% de la population totale de chats sauvages pour maintenir leur nombre à un niveau constant. En 2014, un an avant l’annonce de la Threatened Species Strategy, la population de chats sauvages était estimée entre 5 et 18 millions d’animaux. Avec une telle incertitude sur la population totale, le gouvernement australien n’avait pas les informations nécessaires pour fixer un nombre pertinent de spécimens à abattre.

Pour la mise en œuvre de l’abattage, l’état du Queensland a choisi de cibler les chats sauvages présents en zone rurale en offrant une récompense de dix dollars australiens par scalp de chat. Ces animaux se nourrissent pourtant d’espèces introduites, et ne sont pas ceux pesant le plus sur les espèces endémiques australiennes. Dans ces conditions, la récompense par scalp ne cible pas les animaux présentant un risque pour la biodiversité.

La principale mesure pour atteindre l’objectif des deux millions d’animaux tués est l’utilisation d’un nouvel appât nommé Curiosity. Après 5,9 millions de dollars australien d’investissement, il se présente sous la forme d’une saucisse de viande contenant un comprimé de PAPP, une toxine qui empêche le transport de l’oxygène dans le sang et provoque la mort de l’animal par asphyxie du cerveau ou des organes vitaux. Le gouvernement a prévu de larguer massivement ces appâts par voie aérienne. Toutefois, il sera difficile d’estimer si ces appâts ont été consommé par des chats sauvages ou par d’autres espèces, et combien de chats sauvages ont été empoisonnés.

La communauté scientifique propose de plus en plus des alternatives privilégiant la compassion et l’éthique. Ces méthodes de Compassionate Conservation telles que la cohabitation proie/prédateurs ou la stérilisation visent à réconcilier conservation de la biodiversité et bien-être animal.

La stérilisation

Recommandée par les associations de protection animale telles que la Fondation Brigitte Bardot ou la Fondation 30 Millions d’Amis, la stérilisation est la méthode phare de réduction d’une population d’animaux sur le long terme. Le nombre de descendants qu’un couple de chat peut produire est méconnu, et pourtant énorme. Une chatte peut avoir jusqu’à trois portées par an de quatre à huit chatons chacune. Chaque femelle devient féconde au bout de six mois seulement. Ainsi deux chats peuvent théoriquement créer une famille de 20 000 individus en quatre ans ! La stérilisation permet de stopper ce cycle de reproduction.

Un autre bénéfice de la stérilisation est que l’animal est relâché dans son écosystème et continue d’occuper un territoire. En le défendant contre les autres chats sauvages, le chat stérilisé exerce une pression démographique sur ses congénères, tout en ne générant pas de descendance lui-même.

En effet un effet secondaire de l’abattage est qu’il créé des zones sans chats sauvages entourées de zones occupées par des congénères. Après l’abattage d’un individu, l’espace libre et l’augmentation locale du nombre de proies favorisent la multiplication des chats restants. L’individu abattu est rapidement remplacé par des congénères. Ce phénomène est évité avec la stérilisation puisque le territoire est toujours occupé par un chat stérile.

Une cohabitation entre proie et prédateurs

Le centre Arid Recovery, situé dans le sud de l’Australie, possède un enclos de 26 km2 dédié à la coexistence entre espèces endémiques et chats sauvages. Les chercheurs du centre étudient en particulier le comportement des bettongias, un marsupial endémique d’Australie listé comme espèce vulnérable par l’UICN.

Dans deux études publiées en 2017 et 2019, l’équipe de Arid Recovery compare le comportement des bettongias provenant d’un enclos sans chats sauvages avec des bettongias cohabitant avec une faible population de chats sauvages. Il est démontré que les animaux exposés aux chats sauvages se déplacent moins, passent plus de temps cachés dans la végétation, sont plus méfiants face à un stimulus nouveau et ont un taux de mortalité plus faible que les animaux non exposés aux chats sauvages. Ainsi dans un environnement contrôlé, avec une faible population de chats sauvages, il apparait que les bettongias réussissent à développer des mécanismes de fuite adéquats.

Lorsqu’une espèce de mammifères est menacée, placer les individus restants dans un espace contrôlé peut leur permettre de développer des nouveaux mécanismes de défense ou de fuite. Une fois réintroduits dans un milieu où des chats sauvages sont présents, ces bettongias auront une meilleure chance de survie. Ce type de méthodes permet la préservation de la biodiversité sans abattage et avec une intervention minime de l’homme.

Les écosystèmes complexes défavorables au développement des chats sauvages

Mieux comprendre la relation entre une population de chats sauvages et leur écosystème est essentiel pour contrôler leur population. Une étude publiée en avril 2020 par le Centre Environnemental d’Australie du Nord a analysé les déplacements des chats sauvages sur un territoire de 370 000 km2. Il a été démontré que plus un environnement est complexe, plus la densité de chats sauvages sur ce territoire est faible.

Les chats sauvages sont des prédateurs redoutables en territoire dégagé où ils traquent et isolent leurs proies. A l’inverse, les forêts et les marécages offrent de nombreuses cachettes aux mammifères de petite et moyenne taille, principale cible des chats sauvages. Les chats sauvages sont donc naturellement moins présents dans des habitats complexes, où bien que la densité de proie soit élevée, ils ne parviennent pas à suffisamment se nourrir pour proliférer.

Ce type d’environnement dit complexe est aujourd’hui fortement menacé en Australie par l’agriculture, le surpâturage et les feux de forêt. Agir pour préserver ou restaurer ces espaces rétablira naturellement l’équilibre entre la population de chats sauvages et celle de leurs proies.

L’Australie, vitrine des nouvelles méthodes

L’Australie est un extraordinaire réservoir de biodiversité : le continent abrite 830 espèces d’oiseaux, 4700 espèces de poissons, 14% de la population mondiale de reptiles, ainsi que la grande barrière de corail. Par son isolement du reste du monde, 90% de des espèces présentes en Australie sont endémiques.

Depuis l’installation des européens sur le continent au 18ième siècle, sa biodiversité est mise à mal par les activités agricoles, la fragmentation de l’habitat, l’introduction de nouvelles espèces, et plus récemment le tourisme, le réchauffement climatique et les feux de forêt.

Début 2020, après plusieurs années de sécheresse, des incendies sans précédent ont ravagé un cinquième des forêts du continent. Près de 330 espèces menacées ont vu leur habitat partiellement détruit.

Les choix du gouvernement australien en matière de préservation de la biodiversité sont précurseurs. Bientôt de nombreux autres pays feront face à des problématiques similaires, et scruteront quelles techniques ont été efficaces en Australie. Traiter les véritables causes de la chute de la biodiversité est primordiale pour préserver les espèces endémiques australiennes.

Florence Maliar

Le Programme australien

2015 : Programme australien contre les chats: CNN – cbsnews – The guardianIfl science NYtime

Communication officielle : Lien 1 Lien 2 – Report des progrès: Ici – Year 4 report ici

Declaration des chats sauvages comme pestReponse a BB

Impact des chats sur la biodiversité : Source 1Source 2 – Source 3 – LienSource – Etude publiée en 2013: Lien

L’abattage

Bounty 

Critique de la gestion des nuisibles : Source 1Source 2Source 3Source 4

Topo de la situation en Australie, Absence d’étude sérieuse et complète pour connaître le nombre de chats outdoor

Alternatives

Compationate conservation wikiPub 1Pub 2

La sterilization : Reponse de la fondation Brigitte Bardot,- PETA Promotion de la sterilization par la fondation brigitte bardot 

Arid recovery Vidéo sur vimeo –  site arid recovery – Pub 1 – Pub 2Pub 3Photo de bettongia 

Modelling: https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/ddi.13065

Source principale: 2 sous articles : A moral panic over cats _ Misunderstandings of science and ethics in the moral panic over cats

Conclusion

Espèces endémiques à risque en France : – Espèce à risque en australieImpact feux de foret