Suisse : Sabu, l’éléphante insoumise

Sabu
Sabu

Être libre, c’est faire ce que l’on veut. Et c’est probablement ce que voulait faire SABU, une éléphante de 27 ans, capturée dès sa naissance en 1984, en Birmanie.

« ainsi l’eau qui est enfermée dans un vase n’est pas libre, à cause du vase qui l’empêche de se répandre, et lorsqu’il se rompt, elle recouvre sa liberté » (Hobbes).

Sabu, a réussi à s’échapper à deux reprises, durant le mois de juin 2010, alors que le cirque Knie (Suisse) dans lequel elle est détenue captive sillonnait la Suisse pour ces représentations estivales.

Dans sa première fugue, toutes les personnes du cirque s’accordent à dire qu’elle avait pris peur suite à un orage. Nous savons tous que la foudre est une manifestation naturelle, une décharge électrique extrêmement intense. C’est sans doute la meilleure comparaison, Sabu a eut une réaction on ne peut plus naturelle, un peu comme dans le conte des frères Grimm « Les musiciens de Brême », où les animaux préféraient partir pour Brême, car ils y trouveraient toujours mieux que la mort partout ailleurs. (« Etwas Besseres als den Tod finden wir überall »)

Sabu savait qu’elle trouverait toujours mieux que des chaines à ses pattes, des voyages inconfortables en camion, ou encore des numéros ridicules.

Elle a su choisir le moment opportun pour prendre la fuite (échapper à ses gardiens) et se diriger vers un lac pour pouvoir se baigner et enfin se dégourdir les pattes.

En milieu naturel, un éléphant, passe la majeure partie de son temps à se promener (17 km en moyenne par jour) à chercher le contact avec l’eau, l’eau qui soigne son âme et sa peau. Ce lac de Zurich, elle l’aurait trouvé à des kilomètres.

Probablement émerveillée par ce sentiment de liberté, mais aussi épuisée et sans aucun doute cette fois-ci vraiment apeurée par la ville (l’odeur du bitume mouillé, les phares des voitures…) et tous les moyens mis en œuvre pour la capturer, Sabu se laissa prendre.

Durant l’espace d’une instant, elle a pu gouter au goût de la liberté.
Elle réitéra la délicieuse expérience quelques jours plus tard en s’accordant un bain dans un ruisseau de Wettingen.

Les moyens de contentions seraient-ils devenus insuffisant ? Ou peut être la volonté de liberté plus forte que jamais, malgré les chaines et les barreaux ?

Habituellement, on ne fuit pas un endroit dans lequel on est bien. Ce n’est un secret pour personne. L’activité propre à l’espèce est un besoin fondamental et fait partie intégrante de sa santé.

Dans un cirque, rien ne correspond à l’environnement dans lequel vit l’éléphant en liberté.
Les projecteurs, la sciure, Sabu n’a connu que ça dans sa vie. Lorsque les dresseurs de Knie sont venus la chercher au zoo de Rotterdam, aux Pays-Bas, elle avait 6 ans. Elle était arrivée en bateau de Birmanie, là où ses parents travaillaient pour le transport de bois dans les forêts, une pratique ancestrale en Asie.

Selon l’association AZOT « Ils sont trimbalés en camion sur des milliers de kilomètres dans des dizaines de localités différentes, enfermés dans de tout petits espaces, stationnés sur des zones bétonnées, obligés pour certains de participer à des représentations,sans oublier l’étape du dressage. Ils sont contraints de tourner en rond en se pliant aux désirs des visiteurs déambulant comme dans un parc d’attraction. Le reste du temps, ils sont dans l’attente, contraint de ne pas pouvoir être libre. »

« Le temps, c’est ce qui passe quand rien ne passe. » Cette formule, dont j’ignore l’auteur, dit la vérité de l’ennui : c’est une expérience du temps, mais réduite absurdement à lui-même, comme si il était quelque chose en dehors de ce qui dure et change. Souvent c’est parce qu’on attend un avenir qui ne vient pas, mais on s’ennuie aussi quand on attend plus rien.

Avec ses deux escapades (6 & 9 juin 2010), Sabu fût renvoyée au zoo à Rapperswil pendant le reste de la tournée avec une réputation de rebelle qui en impose.

L’animal est un vivant animé, c’est-à-dire capable de sentir et se mouvoir. C’est une vie de prison permanente.

Imaginez-vous accusé d’un crime que vous n’avez pas commis…

Céline Ludwig