Le cas des ours des dresseurs Poliakov

Alors que Code Animal et 30 Millions d’Amis alertent les autorités sur le sort des animaux du couple Poliakov depuis des années, les choses ont enfin bougé en septembre 2019.

Un peu d’historique :

Code Animal avait porté plainte en 2014 et 2015 auprès du procureur de la République du Loir-et-Cher afin de dénoncer les mauvais traitements dont sont victimes les ours utilisés par des dresseurs du département. Le couple Poliakov détient en effet trois ours bruns, Bony, Micha et Glacha. Depuis plusieurs années, ces animaux sont contraints d’exécuter des numéros contraires à leur physiologie naturelle, comme faire de la mobylette ou des tours d’équilibriste sur des ballons par exemple. Selon Isabelle et Alain Boyaval, éthologues, spécialistes du comportement des ours noirs américains et des grizzlis, “les ours utilisés par ces dresseurs d’ours sont manipulés avec une barbarie impressionnante. Les tours utilisés sont du 3°niveau, absolument pas en corrélation avec la biologie des animaux. Ces animaux ne font jamais ce genre de tour dans la nature (monter sur des rouleaux, ballons, scooters, vélos…). Connaissant parfaitement le sujet, nous affirmons que la violence ou la privation de nourriture sont obligatoires pour accéder à ces résultats”.

De plus, les conditions de transport et de détention, notamment lors des spectacles, anniversaires ou séminaires, souvent situés à plusieurs centaines de kilomètres, sont contraires aux exigences des articles L214-1 et suivants du code rural, selon lesquels “tout animal étant un être sensible doit être placé par son propriétaire dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce”.

Au regard des graves manquements commis par ces dresseurs à l’encontre des besoins fondamentaux de ces animaux, l’association Code animal a déposé une plainte contre ces montreurs pour faits de mauvais traitements et a demandé la saisie des trois ours afin de les replacer dans un milieu plus en conformité avec leurs besoins et à l’abri de toute forme de dressage.

Ces deux plaintes ont été classées, la justice estimant, après avis de la DDPP qu’il n’y avait pas lieu de s’inquiéter et qu’aucune infraction n’était condamnable.

Lire nos actions pour Micha

Nouveaux rebondissements

AVES France et 30 Millions d’Amis ont déclenché un contrôle sanitaire sur Micha lors du spectacle de Racquingem en septembre 2019. Les images sont horrifiantes. Micha est maigre et apparait comme fatigué. À la suite de la bataille médiatique, la Ministre Elisabeth Borne décide de placer Micha au refuge de la Tanière pour que des soins soient réalisés sur l’animal.

Micha est mort le 12 novembre à la Tanière. C’est avec une grande tristesse que nous avons appris cette nouvelle. Selon les rapports d’expertise des vétérinaires de la Tanière et les rapports d’autopsie, le corps de Micha présentait des preuves de coups. Témoignage de la Tanière publié dans le Figaro :

« Les résultats de l’autopsie nous permettent de penser que Micha a été battu », enrage Patrick Violas. « Ce que l’on peut dire, c’est que Micha est mort parce que son larynx était déformé. Les troubles respiratoires des voies nasales et possiblement la chaîne qu’il avait autour du cou en étaient responsables », poursuit le zoo refuge. « L’autopsie révèle que ses poumons ont été gravement endommagés par la présence de rouille partout dans son enclos. L’insuffisance respiratoire et l’état de ses poumons peuvent avoir été provoqués par le fait qu’il passait ses journées à lécher les barreaux rouillés de sa loge », indique le rapport que nous avons pu consulter.

 Une semaine après la mort de Micha, la Ministre de l’Ecologie Elisabeth Borne demande à la préfecture le placement des deux autres ours de la famille Poliakov dans des structures médicalisées adaptées. Le manque de moyens flagrants des dresseurs a eu des conséquences sur les animaux qui étaient très clairement en manque de soin. Cela frôlait la négligence. Nous remercions tout particulièrement le député Loïc Dombreval pour ses prises de position en faveur des animaux et ses actions auprès de la préfecture du 41. Nous dénonçons cependant les actions plus que timides des autorités françaises qui demandent une garde provisoire des animaux et non une saisie définitive. Nous nous interrogeons sur cette action et nous ne comprenons pas le message renvoyé à tout détenteur d’animaux sauvages.

Ainsi le nouveau gardien des animaux est le refuge de l’Arche (Château-Gontier en Mayenne) désigné pour s’occuper des animaux. Boni sera donc conservé à l’Arche tandis que Glasha sera transférée au BärenPark en pleine forêt noire, un partenaire de l’Arche.

Pour être précis, la décision de la préfecture fait suite à la demande de Loïc Dombreval et des vétérinaires sont dépêchés auprès des animaux pour rendre un rapport d’expertise. Les bilans de santé du 14 novembre 2019 relèvent « une tumeur cancéreuse pour Glasha ainsi que des lésions dentaires sévères et de nature à engendrer une douleur chronique ».

Boni est arrivé au refuge de l’Arche vendredi 29 novembre.

Glasha est donc arrivée en forêt noire au ALTERNATIVER WOLF UND BÄRENPARK SCHWARZWALD/Parc Alternatif des Loups et Ours de Forêt-Noire

Elle s’appelle désormais Franca. Le voyage s’est fait dans la nuit du vendredi 29 au samedi 30 novembre. C’est une ourse brune de 17 ans qui, nous l’espérons, finira ses beaux jours dans ce beau sanctuaire. Voici le témoignage de ces premiers instants dans ses nouveaux lieux par les équipes du BärenPark (traduit par Catherine Rutz) :

« D’abord prudente, elle a ensuite exploré avec curiosité les 3 box de quarantaine mis à sa disposition.
Après une inspection soigneuse de sa nouvelle demeure, elle a goûté les fruits et légumes offerts, et testé son nouveau « lit ». Des fruits et légumes frais, de la paille propre, un rêve pour FRANCA, et nous pouvons à peine imaginer combien de temps elle en a été privée.
Sa vie en captivité a laissé des traces visibles. Des plaques de pelade dans son pelage, des griffes et des dents en mauvais état, une tumeur sous l’œil droit ont pu être observés dès son arrivée.
Un examen médical approfondi sera programmé rapidement, pour d’établir clairement son état de santé réel.
Mais FRANCA a tout d’abord le droit de se reposer et de récupérer de l’épreuve du transport, afin de pouvoir bientôt apprécier pleinement ce coin préservé de Forêt-Noire, ses sapins, sa végétation dense, sa mousse et son herbe douces sous les pattes, sa terre meuble à creuser, son ruisseau et ses sources pour se rafraîchir. »

Pourquoi avoir séparé les deux ours ?

Parce qu’ils ne s’entendaient pas.

Code Animal travaille sur le dossier des ours des Poliakov depuis des années maintenant. Nous avions été dans les premières associations à dénoncer les conditions de détention horribles de ces animaux ainsi que la stupidité des numéros contre-nature qu’ils étaient forcés de faire. Nous avons beaucoup collaboré avec la Fondation 30 Millions d’Amis que nous remercions infiniment pour leur travail de qualité et leur ténacité. Bravo également aux structures d’accueil qui travaillent jour et nuit pour donner aux animaux sauvés une nouvelle vie dans le respect. Bravo également à AVES France qui travaille sérieusement sur cette question et demande une loi nationale pour interdire les montreurs d’ours en France.

Une loi maintenant !

2019, les montreurs d’ours, de loups et autres animaux sauvages sont des « activités » toujours légales en France. Notre pays est gravement en retard sur ses voisins européens quant aux questions de l’exploitation des animaux sauvages dans les divertissements. 

67% de la population française souhaite une réglementation nationale contre la présence des animaux sauvages dans les structures itinérantes (I-FOP 30 Millions d’Amis), près de 400 villes en France refusent la présence des cirques avec animaux, plus de 20 pays de l’Union Européenne ont déjà pris position en ce sens, etc.

En France, nous devons encore justifier que ces individus n’ont pas leur place dans des fêtes de villages.

Sources :

BärenPark

Fondation 30 Millions d’Amis

Le Figaro