États-Unis : l’éléphante Janet

janetJanet est née en 1965 dans la forêt d’Asie du Sud-est, où elle a vécu paisiblement les premières années de sa vie. Mais en un jour presque comme les autres de 1970, Janet, encore jeune éléphante, se promenait avec sa mère et d’autres congénères, lorsqu’elle se retrouva face à ces animaux étrangers se tenant sur 2 pattes. Des hommes venus la capturer.

Elle était loin d’imaginer à quel point son existence allait basculer à ce moment-là. Loin de s’imaginer que le reste de sa vie serait désormais rythmée d’exercices répétés sans cesse, de coups de crochets, et de mauvais traitements; Janet fut retirée à sa mère et au groupe auquel elle appartenait.

Loin de d’imaginer l’extrême petitesse de son nouvel habitat, l’enchainement, les souffrances et l’asservissement qui allaient être son quotidien pendant 25 ans; elle fut aussitôt envoyée en Floride. S’ils ne sont plus que 30 000 aujourd’hui, ils étaient pourtant encore plus d’un million à l’époque… Mais c’était elle qu’ils avaient choisi ce jour là.

Le cirque en cause

A des milliers de km de là, le « Hoxie Brothers Circus », qui est devenu ensuite le « Great American Circus », à Sarasota en Floride, avait besoin d’éléphants supplémentaires. Car tous les ans, ce cirque qui parcourt 40000 km du début du printemps à la fin de l’automne et effectue 400 shows dans 200 villes du continent Nord Américain, doit assurer le spectacle pour son public, et pouvoir proposer des promenades à dos d’éléphants pour enfants et adultes. Janet fut assignée à cette tâche et ne quittera plus jamais ce cirque, restant aux ordres de ses entraineurs : Johnny Harriott puis Tim Frisco.

Le drame

Le jour du drame, le samedi 1er février 1992, le cirque avait établi son chapiteau, qui était à l’époque le plus grand parmi les cirques mobiles, au campus universitaire de Brevard, à Palm Bay.
Il était 17h et la journée était déjà bien entamée et une foule d’environ 1000 personnes s’émerveillaient devant le spectacle quotidien.

Janet était apprêtée avec son habit de scène et promenait une mère et 5 enfants sur son dos. Un show programmé pour satisfaire aux petits et grands, venus admirer performances et animaux. En tout cas rien qui ne laissait transparaître les mauvais traitements subis et les blessures résultantes, habilement dissimulées sous un maquillage adapté et des tissus colorés.

janet2Mais ce jour là, la limite de tolérance aux corvées subies avait été dépassée.Le spectacle tourna rapidement au drame. Janet commença à résister à ses entraineurs. Ne supportant plus cet asservissement, elle saisit l’opportunité de s’échapper en engageant tout son poids contre la barrière en métal qui séparait la piste du public. Elle frappa la grille de métal dans un bruit assourdissant. Un soigneur tenta de la calmer mais fut balayé d’un coup de trompe. Un officier de police, Blayne Doyle, qui faisait sa tournée dans le secteur entra alors en scène. Il se confronta à Janet mais il fut projeté 10 mètres plus loin sur le sol en béton. Etendu au sol et sur le point d’être piétiné, il fut récupéré de justesse par le personnel du cirque. Janet s’échappa du chapiteau, en manœuvrant à travers la foule. Le public, ne comprenant pas ce qui se jouait, n’imaginait pas que c’est la seule manière pour un éléphant de se rebeller contre une vie d’abus et de privation.

Une fois à l’extérieur du chapiteau, Janet cibla précisément certaines personnes. Les éléphants n’oublient jamais, que ce soit un visage ou un mauvais traitement qu’on lui a fait subir. Elle coursa un employé du cirque qui s’était probablement occupé d’elle et le piétina. Tout ceci dans une ambiance chaotique, avec les responsables du cirque hystériques assistant à la scène. Puis Janet s’intéressa à un autre employé qui était en train de s’échapper. Il fut lui aussi attrapé et malmené, puis envoyé au sol. Elle brisa tout sur son passage incluant les barrières et les voitures.

Le policier Doyle était stupéfait d’apprendre que ni le propriétaire du cirque, ni l’entraineur de Janet, Tim Frisco, n’avaient une procédure pour répondre à ce genre de situation de crise. Frisco était simplement resté là, à hurler à la police d’abattre Janet.

Ironiquement, ce jour-là plusieurs activistes animaliers étaient sur place pour protester contre les mauvais traitements subis par les animaux dans les cirques. Peut-être Janet avait-t-elle ressenti par leur présence un espoir d’échapper enfin aux mains de ses tenanciers ?

Quand elle retourna à l’intérieur de la tente l’officier de police Doyle lui tira dessus avec son arme de service : 56 balles 9mm, dont 34 dans la tête. Mais cela n’arrêta pas Janet. Ce n’est qu’avec une arme militaire spéciale, utilisée habituellement pour percer l’acier, que Janet fut abattue.

Doyle déclara : « Elle ne mourut pas tout de suite; elle resta là à gémir pendant 10 à 15 minutes avant d’en finir avec ses souffrances » Janet est morte, 1 membre du cirque et 17 spectateurs ont été blessés, souffrant de contusions et blessures diverses.

Un fait étrange est que le jour même, un autre éléphant, Kelly, 27 ans était également devenu incontrôlable sous la grande tente alors qu’elle a assurait une promenade a plusieurs personnes. « Je pense que les gens ont compris que c’est juste l’animal qui a eu peur » a déclaré l’entraineur et gérant, Tim Frisco. Pourtant Kelly avait été sur scène depuis 25 ans, assurant des promenades tous les jours sans incidents.

Le lendemain, malgré l’information qu’un éléphant furieux avait dû être abattu, le public faisait encore la queue pour une ballade sur une autre éléphante : Irène.

Témoignage et morale

C’est l’officier de police impliqué dans ce drame, qui relève la morale de cette triste histoire par ses déclarations.

« J’ai vu mon lot de situations dangereuses dans les quarante dernières années mais je peux vous assurer que même si on m’a déjà tiré dessus, bousculé dans des rixes animées, si j’ai connu des accidents de voiture, de moto, et d’avions, et d’autres situations mettant ma vie en danger, je n’ai jamais connu quelque chose d’aussi effrayant et d’aussi incontrôlable que d’avoir été saisi et projeté en l’air par cet éléphant. »

« Je pense que ces éléphants essayent de nous dire qu’ils n’ont pas été créée par Dieu pour finir dans des cirques ou des zoos. Mais nous n’écoutons pas.. et c’est ce contre quoi les gens manifestent »
(Sahagun, Louis. « Elephants Pose Giant Dangers » Los Angeles Times, Oct. 11, 1994).

« Elle a décidé de ne plus être un éléphant de cirque »

Blayne Doyle n’a jamais pu oublier cette histoire et la mort de l’éléphant. Il continue d’être hanté par ce qu’il a été obligé de faire. Après des mois de recherche, il en est arrivé à cette conclusion : La seule manière d’éviter ce genre de drame est d’arrêter d’utiliser des éléphants dans des cirques et autres spectacles.

Poème-hommage

Pendant ces vingt-cinq ans,
Tous les jours répéter;
Exercices incessants,
Et souffrances endurées;
Les dresseurs, leurs crochets,
Lacérée, attachée,
Même électrocutée.
Tous ces mauvais traitements,
Sur vingt-cinq ans durant.

Janet, petit éléphant,
Ton Asie, souvenirs engloutis.
Aux Etats Unis, tu as atterri,
Ton asile tu n’y as pas trouvé.

Lionel Lebaut